Le cardinal Émile Biayenda et le président Alphonse Massamba-Débat, ou le destin brisé de deux hommes épris de justice et de paixMercredi 26 Mars 2014 - 18:43 Le 22 mars 1977, le cardinal Émile Biayenda, archevêque de Brazzaville, était lâchement assassiné. Trois jours plus tard, c’était le tour de l’ancien président Alphonse Massamba-Débat. Avec la mort de ces deux illustres personnalités qui, tout au long de leur vie, avaient fait du dialogue et de la paix leur credo et tracé les chemins du développement du Congo, disparaissaient aussi deux éminents hommes de devoir. Aujourd’hui, à l'occasion de la commémoration de leur triste mort, le Congo se souvient d’eux : le cardinal Émile Biayenda, dont la cause de la béatification et de la canonisation est entamée, et le président Alphonse Massamba-Débat qui offrit à l’Afrique les premiers Jeux africains en 1965. Cinquante ans plus tard, le Congo s’apprête à réunir à nouveau la jeunesse africaine en septembre 2015 lors des onzièmes Jeux africains en ayant une pensée pieuse à l’endroit du président Massamba-Débat Le cardinal Émile Biayenda a, toute sa vie durant, proposé des solutions pour dénouer les crises, en excluant les solutions de violence. Ainsi, il ne cessera d’inviter, comme au village dans les mbongui, les chrétiens et les hommes de bonne volonté à s’asseoir et à s’écouter. « Ceci nous obligera à nous regarder les uns les autres », disait-il. « Enfants du même Père, nous verrons mieux ce qui nous unit et nous divise. Reconnaissons les obstacles qui entravent l’unité intérieure de notre Nation. Que cette réflexion soit faite d’abord sur notre propre vie. Développons-la ensuite en commun avec nos frères. Ne craignons pas de nous remettre en question, c’est-à-dire de reconnaître nos propres torts. Les divisions qui nous éloignent ou nous opposent à nos frères se révéleront à nous », écrivait-il dans la lettre pastorale adressée aux chrétiens de l’archidiocèse de Brazzaville en 1973. La cause de la béatification et de canonisation du cardinal Émile Biayenda, martyr de la paix, mort le 22 mars 1977, introduite en 1996 à Rome, avance normalement après le travail historique de la Congrégation pour les causes des saints. Le document, réalisé grâce au travail des experts désignés par monseigneur Anatole Milandou, archevêque de Brazzaville, a été remis récemment au prélat. Un travail fait en harmonie avec les principes édictés par le pape Benoit XVI en 2007 sur les nouvelles conditions juridiques contenues dans le document Sanctum mater qui stipule notamment en son article premier : « Pour toutes les causes récentes aussi bien qu’anciennes, l’évêque doit nommer par décret au moins trois experts en matière historique et archivistique, qui forment ce qu’on appelle la commission historique. Le devoir des experts est de rechercher et de rassembler tous les écrits encore non publiés du serviteur de Dieu, ainsi que tous et chacun des documents historiques aussi bien manuscrits qu’imprimés qui concernent la cause de quelque manière que ce soit. La charge d’expert ne peut être conférée ni au postulateur, ni au vice-postulateur, ni à ses collaborateurs puisque les preuves sont rassemblées formellement par un procès canonique. » Le cardinal Émile Biayenda est né en 1927 à Malela–Bombé (Mpangala), dans la partie sud-ouest de la République du Congo. Après avoir fréquenté la mission catholique de Kindamba de 1937 à 1942 puis celle de Boundji jusqu’en 1944, il entre au petit séminaire Saint-Paul de Mbamou avant de continuer au grand séminaire de Brazzaville, où il finit ses études religieuses. Après avoir occupé plusieurs fonctions ecclésiastiques dans les différentes paroisses de Brazzaville, il est fait cardinal le 5 mars 1973 par le pape Paul VI. Il est diplômé en sociologie et en théologie à l’université de Lyon en 1969. Né à Nkolo en 1925, Alphonse Massamba-Débat a été président de la République de 1963 à 1968. Instituteur de formation, il se distingua par son éducation protestante et fit montre dans l’exercice de ses fonctions politiques et administratives d’une grande austérité pour certains, d’une grande intégrité pour d’autres. Il aura aussi une intense activité politique qui lui permit d’occuper le poste de président de la République après avoir été président de l’Assemblée nationale et ministre dans le gouvernement du président Abbé Fulbert Youlou. Sa mémoire a été réhabilitée par la conférence nationale souveraine de 1991. La mémoire collective retient que c’est sous sa présidence que furent organisés les premiers Jeux africains du 18 au 25 juillet 1965 à Brazzaville, une compétition sportive qui a réuni près de 3 000 athlètes du continent dans la capitale congolaise. « Le flambeau du sport africain ne s’éteindra pas. Bien au contraire, aujourd’hui, sa flamme est à la dimension de notre continent. C’est un grand privilège pour Brazzaville que d’avoir à le brandir à ce moment historique où l’Afrique tout entière, qui à maintes occasions a renié son entité, va enfin l’affirmer, la célébrer. Premiers Jeux africains, premiers jeux d’une Afrique unie et libre, d’une Afrique qui, dit-on, danse. Mais la danse africaine est faite de transes, de foulées, de bonds, d’acrobaties, de tout. L’Afrique, dans sa vie de chaque jour, ressemble à un immense champ olympique. Il lui manquait de rentrer en compétition avec elle-même pour se mesurer à se surpasser. Oui, à Brazzaville, le fruit de cette saine compétition, de cette émulation de peuples amis et frères, forcera à coup sûr le monde entier à mettre l’Afrique sur le piédestal. Ses fils l’ont juré. Les lucioles luiront dans la nuit en guise de feux d’artifice et les tam-tams crépiteront partout pour fêter cette victoire », déclarait Alphonse Massamba-Débat à l’ouverture des Premiers jeux africains au stade omnisports de Brazzaville, qui porte aujourd'hui son nom. Hervé Brice Mampouya Légendes et crédits photo :Photo 1 : Le cardinal Émile Biayenda (© DR). Photo 2 : Le président Alphonse Massamba-Débat (© DR). |