Portrait. Patricia Okoumou : « J’ai utilisé mon corps pour donner un message au monde »

Jeudi 4 Avril 2019 - 20:57

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Condamnée à cinq ans de supervision pour avoir escaladé le piédestal de la Statue de la liberté, le 4 juillet 2018, l’Américaine d’origine congolaise séjourne depuis quelques jours à Brazzaville, à la suite de la disparition de sa mère. Dans une interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville, Thérèse Patricia Okoumou explique son combat contre la politique migratoire du président Donald Trump ainsi que ses ennuis judiciaires.

Arrivée aux Etats-Unis le 2 août 1994, à l’âge de 21 ans, celle qu’on surnomme désormais The lady of liberty (la dame de la liberté) comparaissait devant le tribunal de New York depuis le 5 juillet dernier, après son coup d'éclat. En effet, le gouvernement américain lui reprochait d’avoir troublé l’ordre public, violé une propriété privée et interféré avec la fonction du gouvernement.

Des charges qui lui faisaient courir la peine d’un an et demi d’emprisonnement ferme. « Je ne suis pas criminelle mais le système me criminalise à travers mon geste. Quand Dieu m’a donné cette mission, je n’ai pas hésité. C’est un événement historique, c’est la mission de Dieu. Quand tu es un activiste, tu ne crois pas au risque, tu crois au sens de justice, de moralité, de conscience », explique Patricia Okoumou qui avait toujours plaidé non coupable.

Opposée à la politique du président américain sur l’immigration, la fille d’un ancien pilote congolais a rejoint le groupe d’activistes anti-Trump Rise and resist (Levez-vous et résistez), le 10 avril 2018. Pour marquer son histoire, elle a escaladé la statue qui pèse deux cent quatre tonnes et mesure 92,9 m, le jour de la fête nationale américaine. Les images de l’acte spectaculaire de la militante anti-Trump avaient fait le tour des télévisions américaines. « J’ai utilisé mon corps pour donner un message au monde. Il y a certaines choses qu’on ne fait pas parce que nous avons notre tradition, nos cultures, nous avons des valeurs qu’il faut sauvegarder. A travers mon geste, le monde a su qu’on était en train d’embarquer une chose qu’on a jamais vue auparavant depuis la  Seconde Guerre mondiale », poursuit celle que les médias américains présentaient comme originaire de la République démocratique du Congo.

Née et grandie au Congo Brazzaville, Patricia Okoumou voit son geste comme un signe d’éveil de consciences. Car, dit-elle, depuis avril 2018, les États-Unis menaient une politique de “tolérance zéro” face à l’immigration clandestine, notamment en provenance du Mexique. En vertu de cette politique, tout adulte arrêté après être entré illégalement sur le sol américain doit désormais être poursuivi pour un délit pénal. C’est ainsi que plus de deux mille trois cents mineurs ont été séparés de leurs parents. « C’est par solidarité que je l’ai fait parce que nous ne pouvons pas accepter la cruauté contre les autres humains, quels que soient les actes qu’ils ont commis, surtout la cruauté contre les enfants. On doit toujours laisser les enfants hors de la politique », insiste-t-elle.

Poursuite des ennuis judiciaires

Comme si cela ne suffisait pas, Patricia Okoumou a posé un acte similaire à celui de la statue de la liberté en novembre,  dans une école financée par le président Trump, malgré le fait qu’elle courait un an et demi d’emprisonnement. Repartie devant les juges, le 17 décembre 2018, elle est reconnue coupable des faits qui lui sont imputés. « La justice a décidé de confisquer mon passeport, de me contraindre à payer dix mille dollars et de m’envoyer en prison avant le verdict parce que je suis dangereuse. Finalement, les juges m’ont emprisonnée à la maison pendant au moins deux semaines du 11 au 19 mars, j’étais-là avec le bracelet », relate Patricia Okoumou, rappelant qu’on lui avait exigé de trouver du travail par la justice, chose qu’elle a faite.

Toujours selon son récit, le juge a décidé, lors de l’audience du 19 mars dernier, d’enlever le bracelet qu’elle portait afin de lui permettre d’aller au travail. « S’agissant de la prison dont je courais, l’option a été écartée, mais je vais être supervisée par le gouvernement pendant cinq ans. Les gens disent que c’est excessif parce que d'autres qui ont commis des crimes pareils n’ont pas écopé de cinq ans de supervision. Les gens disent que mon acte n’est pas criminel, mais je fais cinq ans de supervision et deux cents heures pour donner la nourriture aux gens qui sont malades. Donc faire quelque chose pour ta communauté », se plaint-elle, sans écarter l’option de répartir en justice avec son avocat pour la requalification de sa peine.

Cette immigrante a, enfin, demandé un soutien multiforme de la population de son pays d'origine  pour la poursuite de son combat. Notons que la statue de la Liberté, à New York, est le symbole de l'Amérique.  Elle est l'un des monuments les plus célèbres du pays,  située  sur l'île  Liberty Island, au sud de   Manhattan, à l'embouchure de l'Hudson et à proximité d'Ellis Island.

Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

1-Patricia Okoumou à Brazzaville ; 2 -L’activiste en action aux Etats-Unis/DR

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