Diaspora congolaise : à la recherche d’un modèle de structurationMardi 7 Janvier 2020 - 11:50 Le modèle social structurant de la diaspora sénégalaise serait « le meilleur en Afrique subsaharienne », apprend-on souvent auprès des experts de la coopération décentralisée. Pour preuve, le récent voyage du ministre des Affaires étrangères et de la Diaspora à Dakar et le lancement de la Caravane des voix de la diaspora à partir de la capitale sénégalaise. Le Congolais Ivan Kelly Zinga, président - Fédération congolaise de logistique (FCL), un des témoins de cette structuration, répond aux Dépêches de Brazzaville / Le Courrier de Kinshasa. Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : Quel est le regard du Congolais sur la structuration de la diaspora sénégalaise ? Ivan Kelly Zinga (I.K.Z.) : Ayant participé aux travaux de la création Diaspora congolaise au Sénégal en 2014, et pour m’être trouvé au cœur de l’action de bon nombre d’initiatives communautaires en tant que coordonnateur général de cette institution entre 2016 et 2018, je peux souligner ici que le regard du Congolais reste bicéphale, interne et externe. L.D.B. : Comment l’expliquez-vous ? I.K.Z. : Sur le premier plan, il est bien clair qu’une panoplie d’acteurs et leaders congolais au Sénégal se montre très ambitieuse et entreprenante. Cela se traduit d’ailleurs par de nombreuses activités, de type social, culturel, économique ou sportif, déroulées au sein de notre communauté, générant ainsi une économie sociale solidaire pour laquelle nous allons bientôt mener des études afin de la quantifier et d’en estimer l’impact dans notre sphère diasporique. Au regard de notre pays d’accueil, il ne se passe plus un mois sans que les Congolais ne se distinguent par des actions d’intérêts communs. Pour une communauté de six mille âmes, à l’époque, nous étions à une quarantaine d’associations civiles congolaises au Sénégal, et à plus de trente entreprises créées par des ressortissants congolais au Sénégal. voilà des indices assez remarquables de l’activité soutenue d’une communauté qui a décidé de se prendre en charge et d’apporter des solutions aux problèmes qui se posent dans la vie de ses compatriotes. Depuis lors, la bonne dynamique est en cours : on réfléchit, des propositions se font jour, on s’assoit autour de la table pour échanger et trouver la meilleure synergie et le meilleur modèle d’organisation de notre communauté. L.D.B. : Quelle est la visibilité de ces propositions ? I.K. Z. : Nos différentes actions diasporiques sont davantage visibles sur les réseaux sociaux via les pages respectives des entités qui constituent notre diaspora, et leurs résonances se font entendre, non seulement auprès de nos autorités diplomatiques avec lesquelles nous entretenons des relations conviviales mais aussi au-delà des frontières sénégalaises vers d’autres diasporas, ainsi qu’au Congo par la voix de Jean-Claude Gakosso, ministre des Affaires étrangères et des Congolais de l’étranger qui a reconnu, lors de son passage, que notre diaspora est la mieux organisée. L.D.B. : Une fois cette reconnaissance établie par les institutions, comment réagissent les Congolais au Sénégal ? I.K. Z. : Le regard externe que nous portons est celui de plusieurs de nos compatriotes qui n’ont jamais pu être accrochés jusqu’alors par la dynamique insufflée depuis ces dernières années. Certains ne trouvent pas d’intérêt à participer pour diverses raisons, justifiées ou non ; d’autres se contentent d’observer de loin, prenant tout ce qui est organisations congolaises avec des pincettes, en restant assez sélectif sur ce à quoi s’engager et pour quelle raison le faire. Il faut aussi rappeler que la situation sociale et économique traversée par le Congo actuellement ne garantissant pas un équilibre des ressortissants congolais au Sénégal est aussi un facteur de démotivation de ces derniers, car on ne peut guère penser à faire du social alors que l’on a des charges impayées dans son ménage. Mais nous avons un devoir de tolérance envers tous et, bien conscients que leurs apports sont très importants pour cette ossature que nous constituons, nous faisons en sorte d’intéresser, en vue de leur adhésion, nos frères et sœurs qui ne se retrouvent pas forcément dans nos actions. L.D.B. : Comment comptez-vous extrapoler ce modèle à la diaspora congolaise ? I.K. Z. : Il s’agit d’un système de gestion décentralisé dans lequel les principaux acteurs sont légitimés par leurs compétences et leur savoir être. Le Congo est ici représenté par ses fils et ses filles comme le centre de toute notre attention, et tout autour des éléments intégrateurs en interconnexion que sont les organes en action qui tendent vers la base. Nous travaillons tous pour la même cause, mais nos missions sont spécifiques et variables ; cela va sans dire que la voie magistrale de la structuration de notre diaspora reposera sur l’identification et la reconnaissance des compétences et des talents des uns et des autres, leurs cadrages dans le modèle choisi et son activation. Dans le projet du Haut représentatif des Congolais de l’étranger, cet aspect est mis en lumière, et nous nous appuierons sur les collectivités déjà en place pour dérouler les programmes et atteindre nos objectifs. L.D.B. : A votre avis, est-ce un effet de mode ou un modèle à suivre pour les Congolais de l’étranger ? I.K.Z. : A mon avis, il s’agit plutôt d’une nécessité et, pour aller plus loin, une urgence pour nous, Congolais de l’Étranger, de nous organiser pour une meilleure expression de nos droits citoyens ; de se constituer comme de véritables acteurs de développement de notre pays en devenant compétitifs sur l’échelle internationale ; et enfin d’être en phase avec l’évolution du monde. Nous n’avons pas d’excuses si nous restons en marge des avancées contemporaines ; nous devons donc saisir ces outils performants du Sénégal et les implémenter dans l’œuvre en construction. Au-delà des rencontres qui existent déjà au sein des diasporas congolaises dans le monde, il est plus que temps d'appliquer des méthodes pragmatiques et efficaces qui garantiront la stabilité, la force et le rayonnement de notre diaspora. La Caravane des voix de la diaspora initiée par Agnès Ounounou trouve ici, à mon sens, une des voies à suivre. Propos recueillis par Marie Alfred Ngoma Légendes et crédits photo :Photo : Ivan Kelly Zinga
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