Interview. Nicolas Glorieux : « Je les ai encouragés à cultiver une vision singulière de la réalité »

Mardi 7 Juin 2022 - 13:24

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Pratique et créatif, l’atelier de création de documentaire animé, du 24 au 28 mai, par l’auteur-réalisateur français de documentaires, Nicolas Glorieux, a permis à une quinzaine de Kinois aux profils variés, réalisateurs, étudiants en cinéma, journalistes, écrivains, etc., de s’exercer à la réalisation, à l’image, au son et au montage. Onze très courts-métrages d’une minute chacun, tournés à l’Institut français, dont le processus de création est raconté dans cet entretien exclusif avec "Le Courrier de Kinshasa", sont le résultat de cette formation.

Nicolas Glorieux au 6e Festival du film européen (Adiac)

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Sur quoi a porté votre participation au Festival du film européen  ?

Nicolas Glorieux (N.G.)  : Je suis venu pour deux choses. L’Institut français m’a invité pour montrer "Partir", un film en cinq épisodes que j’ai coréalisé lors d’un atelier en 2018 avec Camille Julie sur le récit de voyage des jeunes migrants mineurs originaires de l’Afrique de l’ouest, arrivés illégalement en France. L’on m’a également proposé d’animer un atelier à destination de jeunes réalisateurs pour leur partager mon expérience.

L.C.K. : Parlez-nous du profil des participants, à qui était destiné votre atelier  ?

N.G. : J’ai l’habitude d’organiser des ateliers avec des publics qui ne sont pas forcément intéressés par le cinéma. Il y a tout un travail qui consiste notamment à leur faire découvrir des choses, ce qui n’était pas la même problématique ici. Les profils de la quinzaine des participants étaient assez hétéroclites. Il y avait des étudiants en école de cinéma, des professionnels déjà lancés dans la pratique du métier, des personnes qui n’avaient jamais pratiqué mais avec des projets documentaires ou affichaient des ambitions dans le secteur.

L.C.K. : Comment s’est déroulé cet atelier avec des profils aussi variés  ?

N.G. : J’ai demandé un exercice assez difficile parce que cela leur laissait très peu de temps pour imaginer quelque chose. Il fallait aller très vite et en plus, au début de l’atelier, il y avait huit personnes inscrites. Mais en réalité, il y avait plus de participants et c’était difficile de les rejeter parce que j’ai envie d’accueillir toutes les bonnes volontés. Et, la plupart des gens avaient besoin d’aide pour leurs projets. Nous nous sommes retrouvés à travailler avec plus de gens que prévu, de sorte que nous avons fait plus de films que prévu à un rythme assez intense.

L.C.K. : Comment avez-vous jugé l’intérêt des participants à l’atelier  ? Un aperçu de l’atelier de création documentaire avec Nicolas Glorieux et Pablo Grandguillot (DR)

N.G. : C’est vrai que les niveaux étaient hétéroclites mais il y avait beaucoup d’idées en gestation et de talents. On voit que certains ont déjà l’œil d’un réalisateur, ont une façon bien à eux d’appréhender une histoire et d’essayer de la raconter. En fait, c’est ce que l’on recherche lorsqu’on est juré, un spectateur averti. L’on s’intéresse à la vision d’auteur, savoir que l’histoire racontée l’est de manière unique par cette personne et ne saurait pas être racontée de la même manière par une autre. C’est souvent comme cela que les films nous touchent, nous frappent mais cela vaut aussi pour tout autre type de narration, cela peut passer par le son, l’écrit, la musique, etc. L’idée c’est que l’on crée une expérience de cinéma qui arrive à transcender à la fois le média et l’histoire. J’ai remarqué que certains avaient déjà cette sensibilité-là sans avoir de gosses bases en cinéma. Il ne reste plus qu’à la nourrir par la suite, et la meilleure manière de le faire, c’est en réalisant des projets. Et l’autre manière de la nourrir, c’est en voyant les projets des autres. C’est ainsi que l’on arrive à affiner cette perception que l’on a déjà.

L.C.K. : Quelle voie préconisez-vous aux débutants pour mieux croître  ?

N.G. : J’ai vu certains projets, mais ne sais pas trop comment sont les productions déjà existantes en dehors de l’atelier. Mais je les ai encouragés sur ce que je connais mieux, le documentaire de création qui, lui, fait partie du cinéma d’auteur. Je les ai encouragés à cultiver une vision singulière de la réalité, chercher à exprimer quelque chose de purement personnel. Aussi, j’ai choisi le thème « Quand j’étais petit  » dans l’idée de les engager à s’exprimer soit en leur nom propre, soit à s’inclure vraiment dans le processus narratif. Certains ont complètement suivi ce processus-là en racontant une histoire personnelle, d’autres en ont raconté une qui ne leur est pas forcément arrivée mais toujours en se mettant à la première personne. D’autres encore ont utilisé une autre personne pour raconter un univers qui leur était proche, le cas de Gédéon qui aime les contes et a fait intervenir une conteuse. Sans forcément parler de lui, il a parlé d’un sujet personnel. C’est cette démarche-là que j’ai apporté et proposé pendant la semaine d’atelier.

Le tournage d'un des onze films à l’Institut français (DR)L.C.K. : Y a-t-il, parmi les onze, des projets accrocheurs au point d’avoir votre appui pour un développement au-delà d’une minute si la demande vous est faite  ?

N.G. : Beaucoup se sont prêtés au jeu de raconter une histoire en une minute parce que je le leur ai exigé. Mais je pense que plusieurs ont plein de choses à raconter, des projets de documentaires plus longs sur des histoires très intéressantes et qui leur tiennent à cœur. Ce qui est très important comme critère : il faut vraiment que ce soit important pour soi et pour sa communauté, pour pouvoir persévérer dans l’histoire et avoir la motivation d’aller jusqu’au bout. Il y en a pas mal qui viennent du monde de la réalisation de fiction de sorte qu’ils ont un peu apporté cette touche à leur film d’une minute. Je suis moins habitué à cela mais j’ai trouvé que cela a fonctionné assez bien. Je leur ai demandé de faire de la mise en scène parce que tout s’est déroulé dans les locaux de l’Institut français alors que les histoires ne se passaient pas là, il fallait tout mettre en scène. Il y a des films comme celui de la journaliste Nioni qui a vraiment utilisé les moyens de cinéma et une belle qualité éditoriale au niveau de l’écriture pour arriver à rendre l’expérience de la personne. J’ai trouvé que le film de l’étudiant en cinéma Christian Deka a apporté une vraie qualité dans les idées de réalisation. C’est difficile de juger les histoires mais c’est plus simple, plus objectif de se rendre compte de la qualité de la réalisation. Beaucoup d’histoires m’ont touché mais j’essaie plutôt de m’attacher à mon travail : la mise en image et la mise en son, essayer de les sublimer pour que ce ne soit pas juste des images et du son, mais une belle expérience pour le spectateur. Je crois que quelques-uns ont réussi à le faire en étant en apprentissage.

L.C.K. : Quel bénéfice est-on censé tiré d’une formation comme la vôtre  ?  Photo de famille des participants à l’atelier de réalisation avec Nicolas Glorieux et Pablo Granguillot (Adiac)

N.G. : Lorsqu’on a fait une formation comme celle-ci, l’on apprend des choses, certes, mais l’on gagne aussi en confiance en soi et l’on s’aperçoit que l’on peut se lancer, essayer certaines choses. Se lancer dans des projets courts au début, sans oublier que faire du court, c’est aussi assez difficile. L’autre chose intéressante, c’est qu’un groupe s’est formé. Ils se sont rendu compte que le fait de travailler ensemble permettait d’avoir du soutien technique mais aussi de partager sur leurs idées. Et, souvent, le fait d’échanger avec les autres permet de les améliorer même si elles étaient déjà bonnes au départ. Avoir le retour des autres permet de percevoir ce qui fonctionne, les choses qui ne sont pas comprises, etc. Le cinéma, c’est aussi un art collectif, en fiction, c’est évident mais en documentaire aussi. S’il y a une chose qui se fait fréquemment entre réalisateurs, c’est de discuter de nos projets car le retour des autres permet d’améliorer notre propos, ce qui est très important. Je voudrai que ce groupe continue à travailler ensemble d’une certaine manière et de créer un collectif de cinéastes. Qu’ils s‘entraident pour leurs projets personnels, trouvent un projet et une histoire qui les intéressent tous et travaillent ensemble quand ils peuvent. Si c’est le cas, je suis prêt à les aider. Il y a un pan que l’on n’a pas abordé, la recherche de financements. Je sais assez bien comment cela se passe en France. Des bourses sont accordées aux cinéastes des pays francophones, je pourrai les accompagner à les obtenir, au moins par mes conseils.   

 

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1- Nicolas Glorieux au 6e Festival du film européen / Adiac 2- Un aperçu de l’atelier de création documentaire avec Nicolas Glorieux et Pablo Grandguillot / DR 3 - Le tournage d'un des onze films à l’Institut français / DR 4 - Photo de famille des participants à l’atelier de réalisation avec Nicolas Glorieux et Pablo Granguillot / Adiac

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