Malbouffe chez les enfants : en finir avec le matraquage publicitaire

Jeudi 30 Novembre 2023 - 21:00

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« Il faut mettre fin au matraquage des industriels de la malbouffe sur nos enfants ». Cette tribune récemment publiée dans Le Monde dénonce l’impact des produits ultra-transformés sur la santé des enfants. Co-signataire du texte, l’épidémiologiste Mathilde Touvier*, qui a également participé avec Serge Hercberg à la conception du Nutri-Score, nous en dit plus.

Destination santé (D.S.) : Vous êtes cosignataire d’une tribune publiée dans Le Monde " Il faut mettre fin au matraquage des industriels de la malbouffe sur nos enfants". De quoi est-il question ?

Mathilde Touvier (M.T.) : Dans nos recherches, nous nous intéressons à l’impact de l’alimentation sur la santé, selon trois dimensions. La dimension nutritionnelle : le gras, le sucre, le sel… La dimension liée à la transformation des aliments et notamment les aliments ultra transformés pour lesquels nous avons accumulé de nombreuses preuves portant sur leurs méfaits. La dernière dimension repose sur les contaminants environnementaux tels que les pesticides. Concernant les produits marquetés pour les enfants, pour favoriser un bon état de santé, il faudrait être le meilleur possible sur ces trois dimensions. Pourtant, un grand nombre de produits dont les enfants voient la publicité sur les réseaux sociaux, sur Internet, à la télévision, ne répondent pas aux critères de qualité, notamment concernant la qualité nutritionnelle. Selon une enquête de Santé publique France réalisée en 2020, la majorité des publicités alimentaires auxquelles sont exposés les enfants est notée D ou E au Nutri-Score.

 

D.S.: Il s’agit essentiellement d’aliments ultra transformés (AUT). Que leur reproche-t-on ?

M.T.: Notre équipe a réalisé sept études sur ce type de produits. Elles ont ainsi mis en lumière leurs rôles dans l’augmentation du risque de nombreuses maladies en lien notamment avec le surpoids et l’obésité : diabète, cancers, affections cardiovasculaires, dépression, troubles digestifs. Selon nos recherches, les additifs alimentaires tels que les nitrites, les édulcorants, les émulsifiants présents dans ces produits seraient ainsi impliqués. Dans le monde, plus de soixante-dix études prospectives ont pointé du doigt cet impact négatif sur la santé. Et dans le même temps la part d’AUT ne cesse d’augmenter dans notre alimentation.

D.S. : De quels produits parle-t-on ?

M.T.: Céréales petit-déjeuner pour enfants, barres chocolatées, snacking, sodas, certains biscuits pour le goûter… Autant de produits fortement énergétiques, avec beaucoup de sucres, de graisses saturées, mais qui ne contiennent quasiment pas de vitamines, de minéraux ni de fibres. Ils ne servent à rien sur le plan nutritionnel et nuisent à la santé. Sans oublier la présence d’additifs et d’édulcorants connus pour leurs effets délétères sur la santé.

D.S.: Quels sont les risques pour la santé des enfants ?

M.T.: Actuellement, 17 % des enfants et adolescents sont en situation de surpoids ou obèses. Ils s’exposent ainsi à des problèmes de santé tels que des dyslipidémies et des troubles métaboliques. Conséquences, leurs risques de développer un diabète, un cancer, une maladie cardiovasculaire pourront apparaître très tôt dans leur vie adulte.

D.S.: Actuellement, comment peut-on protéger les enfants ?

M.T.: En termes de santé publique, nous disposons de deux modes d’action : les recommandations, messages et campagnes de sensibilisation, comme le PNNS, le Nutri-Score… Si à côté de cela, l’industrie agroalimentaire exerce un marketing très agressif en direction des enfants, nous n’y arriverons pas. Certes, la publicité est interdite dans le cadre des programmes télévisés pour enfant, mais les plus jeunes n’en demeurent pas moins surexposés aux heures de grande écoute, sur Internet. Et c’est problématique. Ils ont beau savoir qu’il ne faut pas manger trop sucré, trop gras, trop salé, la tentation est trop forte. Pour la santé de nos enfants, il devient urgent de réguler la publicité

D.S.: C’est un enjeu de santé publique qui va au-delà de la responsabilité parentale ?

M.T.: Nous ne pouvons pas tout mettre sur le dos des consommateurs ou des parents. Les barres chocolatées tout comme un grand nombre d’aliments ultra transformés s’avèrent particulièrement additifs. S’il est toujours utile de rappeler les notions de modération, si nous ne modifions pas le contexte dans lequel nos enfants grandissent, notamment en termes de publicité et marketing, les messages de prévention seront contre productifs !

Evidemment les parents comme l’école d’ailleurs peuvent jouer un rôle dans l’éducation nutritionnelle. Mais comment résister à la pression sociale ? La parole des parents face aux messages sur les réseaux, de la part d’influenceurs, de youtubeurs, de sportifs adulés, est souvent inaudible.

Quel rôle pourrait jouer le Nutri-Score développé dans votre laboratoire quand Serge Hercberg le dirigeait encore ?

Nous avons intégré dans le Nutri-Score des paramètres nutritionnels sur le sucre, le sel, les acides gras saturés dont l’impact négatif sur la santé est désormais prouvé. Nous avons pu montrer chez les personnes qui consommaient les aliments les mieux classés au Nutri-Score un risque moins élevé de développer des cancers, des syndromes métaboliques, des maladies cardiovasculaires. Elles étaient aussi moins susceptibles d’être en surpoids ou obèses. Autre point positif, le Nutri-Score semble bien compris et permet de mieux classer les aliments selon leur profil nutritionnel. Il a un vrai impact sur la qualité des achats alimentaires, en population générale et aussi dans les populations plus précaires.

C’est un outil dont les enfants ont réussi à s’emparer. Pour autant, il doit évoluer, en indiquant par exemple que l’aliment est ultra transformé et contient des additifs. Et nous pourrions aussi imaginer utiliser le Nutri-Score comme un outil de régulation de la publicité. Des produits moins bien notés seraient davantage régulés en matière de marketing et publicité et nous mettrions en avant les bons élèves. Ce qui serait alors incitatif pour les industriels qui auraient tout à gagner à modifier leurs recettes.

*Directrice de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle EREN (Inserm, Inrae, Cnam, Université Sorbonne) et observatrice principale de la cohorte Nutri-Score Santé.

 

Destination santé

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