Interview. Tony Cassius Bolamba : « L’Afrique est malade de ses dissidents »

Mercredi 28 Octobre 2015 - 16:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Troquant son statut de président du Mouvement pour le Congo (Moco) à celui d’analyste, l’interlocuteur des Dépêches de Brazzaville évoque la situation en République du Congo avec, en toile de fond, les vicissitudes ayant caractérisé la vie politique de ces dernières heures. Il ne manque pas non plus de porter un regard scrutateur sur les obstacles qui plombent le processus électoral en République démocratique du Congo.    

Les Dépêches de Brazzaville : Pensez-vous que le référendum organisé tout récemment en République du Congo soit de bon augure pour le pays ?

Tony Bolamba : Bien sûr. Je trouve, pour ma part, que l’ancienne Constitution de la République du Congo était discriminatoire. Si Nelson Mandela - paix à son âme - était ressortissant de ce pays, il n’aurait pas postulé à la présidence de la République du fait de son âge avancé. Il a fait vingt-sept ans de prison, il est devenu président de la République à 76 ans. Il faut qu’il y ait beaucoup plus d’ouverture d’esprit dans le chef de nos concitoyens. Le concept liberté inclut diverses formes de libertés dont celle censée permettre à tous ceux ayant atteint un certain âge d’être acteurs politiques dans leur pays. Le président Alpha Konde n’est-il pas arrivé aux affaires à 70 ans ! La constitution américaine est tout aussi discriminatoire. On ne peut être candidat président de la République que lorsqu’on est né sur le sol américain. Ainsi un citoyen américain de père et de mère né ailleurs ne pourra pas postuler à un tel niveau des responsabilités. J’estime qu’eux aussi les Américains ont des choses à modifier dans leur Constitution. Ceci pour dire qu’une Constitution ne peut pas être discriminatoire. Elle doit plutôt donner la chance à tous les citoyens de servir leur pays à n’importe quel poste de gestion des affaires.

LDB : L’opposition, suivant votre entendement, avait donc tort d’appeler au boycott du référendum ?

TB : Tenez : Aux États-Unis , un sénateur avait sollicité que l’on modifie le 22e amendement de sorte à permettre au président Barak Obama de briguer un troisième mandat. Cette proposition n’a pas été votée. Si l’opposition en République du Congo était contre le projet du référendum, elle avait toute la latitude de battre campagne en faveur du non de sorte à bloquer la dynamique de révision constitutionnelle. Mais hélas ! J’estime que c’était mal pensé de la part des opposants de donner le mot d’ordre du boycott à leurs partisans.

 LDB : L’action de réviser certaines dispositions de la Constitution devenues anachronique en vue de leur réadaptation est donc une démarche légitime ?   

Tony Bolamba : En République démocratique du Congo par exemple, il y a aussi des dispositions dans la Constitution qui nécessitent d’être revisitées. C’est le cas notamment de l’article relatif à la vacance du pouvoir qui fait du président du Sénat la solution palliative pour gérer cette situation exceptionnelle. Dans l’hypothèse où le président de la République et celui du Sénat arrivaient à trépasser le même jour comme, c’est fut le cas en Pologne, puisque nous ne sommes pas maîtres de nos destinées, que prévoit la Constitution en RDC devant un tel cas de figure ? Rien. C’est comme en matière de droit. Pourquoi crée-t-on la jurisprudence ? C’est justement pour adapter le droit à l’évolution du monde et aux circonstances.

LDB : L’Afrique subsaharienne est en train de bouger. N’est-ce pas là un signal que nous sommes bien devant un tournant de l‘histoire ?

TB : Je ne sais pas si on est vraiment dans un tournant de l’histoire. J’ai toujours prôné le dialogue inclusif comme l’une des voies de sortie des crises africaines. Mais mon plus grand regret tient au fait que ceux qui constituent le nœud  du problème un peu partout sur le continent sont souvent des dissidents à l’image de ce qui se passe au Congo Brazzaville où des anciens collaborateurs du président Sassou N'Guesso sont aujourd’hui devenus ses pourfendeurs acharnés. Dommage ! Et le plus souvent, ces dissidents deviennent des extrémistes. Je ne renie pas leur droit légitime en tant que citoyen de s’opposer.  Car on ne peut pas tous avoir la même vision ni développer une même approche sur une même matière. Mais je persiste et signe : l'Afrique est malade de ses dissidents qui constituent un frein pour la démocratie.

LDB : La communauté internationale paraît être réduite dans l’expectative…   

TB : Cette communauté internationale n’a pas toujours la bonne information. Le 23 octobre, j’étais au congrès américain où s’est tenue l’audition sur les Grands lacs et le Congo Brazzaville avec comme témoins la sénatrice Thomas Grienfield et l’envoyé spécial de Barak Obama dans les Grands lacs Periello. J’ai fait voir aux deux officiels américains que leur perception de la situation en Afrique en général et dans les Grands lacs en particulier est souvent biaisée, faute des données fiables. Le problème en Afrique, il ne faut pas les comprendre, il faut les vivre.

LDB : revenons un peu en RDC. Quid du processus électoral qui bat de l’aile avec, à la clé, une opposition politique peu encline à dialoguer ?

TB : Nos amis de l’opposition doivent savoir ce qu’ils veulent. Ils ont, au départ, demandé un calendrier global que la Céni s’est efforcée de publier. Non contents, ils ont par la suite exigé un calendrier global consensuel. Comment peut-on vouloir obtenir un consensus et refuser d’échanger avec les autres ? C’est, comme qui dirait, vouloir une chose et son contraire. L’opposition, toujours elle, a demandé la révision du fichier électoral pour que l’on puisse inclure les nouveaux majeurs. Cela prendra encore beaucoup de temps. Donc, ne nous étonnons pas qu’il y ait décalage par rapport au calendrier électoral. Nous devons être responsables de nos actes.

LDB : Où en est-on avec le Moco ?

TB : Nous allons bientôt renouer avec les rencontres citoyennes et républicaines avec la jeunesse. Ce sera juste après notre retour de l’étranger où nous sommes attendus d’ici novembre pour une série de réunions de haut niveau avec nos partenaires.

LDB : Un dernier mot

TB : Je demande à nos populations partout en Afrique de rester calme. Il n’y a jamais eu de problème sans solution. Quelles que soient les divergences que nous pourrions avoir, nous devrions toujours privilégier le dialogue. Il faudra veiller à ce que dans chacune de nos actions, nous, acteurs politiques et sociaux, la République gagne.     

 

 

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Tony C. Bolamba

Notification: 

Non