Complexe sportif de Kintélé : les entreprises concernées s’expliquent sur les conditions de travail

Jeudi 15 Mai 2014 - 16:45

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Suite à l’article paru dans notre édition n°2011 du 13 mai sous le titre « Complexe sportif de Kintélé : Course contre la montre et indignation des travailleurs », Junhai Li et Feng Yu, respectivement directeur général de la société Zhengwei (WIETC) et directeur chez Syno-Hydro, impliqués dans ces travaux, ont souhaité répondre à certaines des préoccupations évoquées par les employés

Les Dépêches de Brazzaville : La construction de ce complexe sportif se fait dans un environnement qui a ses contraintes et dans un délai court, au regard du programme des Jeux africains. Êtes-vous toujours sûrs de livrer ces ouvrages avant l’été 2015 comme prévu ?

Feng Yu : Les sociétés chinoises savent bien que ce projet de construction porte un enjeu majeur pour la République du Congo, et une grande importance pour elles-mêmes. Pour garantir le bon déroulement du projet, nous avons mobilisé nos personnels techniques et gestionnaires de meilleur rang sur les chantiers de Kintélé. 

Junhai Li : Il faut ajouter que, à part le travail laborieux, les sociétés chinoises assurent le déroulement correct du projet grâce à la gestion scientifique et à un contrôle vigoureux pour la progression et la qualité des travaux. De ce fait, jusqu’ici, avec les efforts conjoints des employés chinois et congolais, et avec le soutien du gouvernement congolais, ce projet se déroule en bonne marche, comme prévu. Nous sommes convaincus que si un environnement favorable est toujours fourni et des volets importants comme le transport de matériel ou le recrutement des effectifs ne posent pas de grands problèmes, le projet pourrait s’achever dans les délais prévus.

 

LDB : Sur le chantier, des travailleurs se plaignent de leurs conditions. Par exemple, ils sont pointés tous à près de 3.500 FCFA la journée. Ils sont nombreux à manquer de tenues, de casques et de chaussures de sécurité ; les cas de blessures ou de maladie ne sont pas pris en considération, etc. Comment l’expliquez-vous ?

Junhai Li : « Les cas de blessures ou de maladie ne sont pas pris en considération », je ne sais pas d’où vient cette rumeur, mais ceux qui la diffusent ont de mauvaises intentions. Nous traitons chaque blessé et malade de façon humanitaire et correcte. En cas de besoin, ils sont accompagnés à l’hôpital par les agents désignés, sans tarder. La société prend en charge tous les frais médicaux et accorde aux blessés des congés, en payant leurs salaires comme d’habitude. Après s'être bien reposés, les blessés peuvent revenir à l'entreprise et continuer à travailler à tout moment.

Quant au problème de rémunération, dans notre société, le revenu d’un travailleur est composé généralement du salaire, de la prime de performance, de la prime mensuelle et du subside. Pour certains travaux spéciaux ou pendant une période particulière, on additionne le salaire et la prime de performance pour avoir un revenu forfaitaire. La prime mensuelle comprend la présentation mensuelle parfaite et des récompenses spécifiques, etc. Le subside comprend la subvention de déjeuner et de déplacement, etc. D’ailleurs, notre société encourage nos employés à travailler laborieusement et ceux qui travaillent plus gagnent plus. « Pointés tous à près de 3.500 FCFA la journée », cela n’est pas vrai non plus.

Parlons maintenant des mesures de la protection de travail. Notre société fournit les équipements complets, y compris généralement les casques, les uniformes et les chaussures de sécurité. En plus, certains postes spéciaux ont des moyens supplémentaires de protection. Mais le fait est que certains travailleurs locaux ne veulent pas utiliser ces nouveaux équipements, ils préfèrent les laisser à la maison et portent toujours leurs propres vieux vêtements et leurs pantoufles, bien que la société les avertissent souvent.

Feng Yu : Ce phénomène existe réellement, et c’est une réalité embarrassante.

 

LDB : Il paraît qu’il n’y a pas d’ouvriers spécialisés congolais, ni d’agents de maîtrise ou d’ingénieurs de nationalité congolaise dans vos effectifs. Par ailleurs, la société ne favorise pas la formation et la qualification des jeunes employés congolais. Quelle est donc votre politique en la matière ?

Junhai Li : Ceci n’est pas vrai. Les sociétés chinoises en général, la nôtre WEITC en particulier, attachent toujours une grande importance à la formation des travailleurs locaux depuis leur entrée sur le marché du Congo. WEITC considère la création des postes favorisant la réduction du taux de chômage local comme une responsabilité sociale. Evidemment, on peut constater que de nombreux employés et ouvriers congolais travaillent à la Direction de notre société ou aux divers chantiers, et que l’équipe du personnel local est plus grande que la partie chinoise. Toutefois, toutes les sociétés qui recrutent les employés ont des normes. D’une part, on va placer les employés qui ont le savoir-faire aux postes techniques ou gestionnaires ; d’autre part, pour certains qui n’ont pas de savoir-faire correspondant, on est obligé de les envoyer vers des postes qui sont relativement moins exigeants du côté de la technique. Et pourtant, ce n’est qu’un point de départ, ils vont apprendre les techniques au fur et à mesure, ce qui est vraiment bénéfique pour eux, pour leur carrière professionnelle.

Quant à la qualification des jeunes Congolais, la société établit un cadre scolaire avec le ministère de l’Enseignement technique, professionnel, de la Formation qualifiante et de l’Emploi. Nous formons gratuitement des ouvriers locaux et avons créé les spécialités de menuiserie, de maçonnerie et de ferrailleur notamment. Les enseignants, les matériels pédagogiques et les lieux de pratique sont tous à notre charge. Si les jeunes Congolais deviennent qualifiés après cette formation, ils pourront travailler dans notre société. Ce projet est hautement apprécié par les autorités congolaises. Selon mes connaissances, d’autres entreprises telles que CRBC, CSCEC etc. ont des projets similaires. Il y a même des sociétés chinoises qui offrent des bourses aux jeunes Congolais pour qu’ils puissent recevoir une éducation systématique en Chine.

Feng Yu : En fait, les sociétés chinoises appliquent généralement un principe dit « maître enseigne disciple » consistant, à chaque chantier, en ce qu’un maître chinois guide des employés locaux ; ils travaillent en apprenant des techniques. La preuve est qu’il y a quelques années, les talents techniques locaux étaient vraiment rares au Congo, et au fur et à mesure que les entreprises chinoises ont lancé leurs activités ces dernières années, on peut trouver de plus en plus de travailleurs congolais habiles et qualifiés, voire même des spécialistes de haut niveau. Prenons l’exemple de Huawei, qui forme et recrute un grand pourcentage d’ingénieurs et de gestionnaires locaux, qui sont des jeunes talents du pays. Nous avons constaté qu’après l’étape d’apprentissage, certains ingénieurs locaux que nous avons formés deviennent eux-mêmes contrôleurs des travaux, ou créent leurs propres entreprises. Certains interprètes locaux deviennent sinologues et ouvrent des sociétés de commerce.  

 

LDB : Parlez-nous un peu de vos effectifs. Il semblerait qu’il n’y a pas assez de personnel et vous ne voulez pas en recruter, en dépit des nombreux demandeurs qui se présentent à vos portes chaque jour. 

Feng Yu : En réalité, les sociétés chinoises recrutent constamment des employés congolais qui se présentent pour chercher un job. Parmi ces demandeurs d’emploi, la plupart parviennent à un accord avec l’entreprise sur des conditions de travail, et sont embauchés avec succès. De rares exceptions existent toutefois, en raison soit de leurs demandes de conditions de travail en excès qu’on ne peut pas vraiment leur offrir, soit de leur non-qualification par rapport au poste qu’ils demandent.

Junhai Li : Jusqu’à présent, l’accès à différents types d’emplois est ouvert au public. Tous les demandeurs de bonne foi et qualifiés sont les bienvenus. Nous vous attendons pour construire ensemble, avec nos efforts conjoints, un Congo plus beau et prometteur pour l’avenir. Pour terminer, je voudrais rappeler que la Chine et le Congo sont des pays amis depuis un demi-siècle. Les établissements chinois se lancent non seulement dans le domaine de la construction du Congo, mais ils participent aussi activement au bien-être public, avec un haut sens du devoir social. Des milliers de compatriotes chinois travaillent laborieusement ici, consacrent leur sang et leur sueur, certains d’entre eux ont même laissé leur vie sur ce terrain où ils ont déployé tous leurs efforts. Nous sommes convaincus que toutes ces contributions ne seront pas effacées dans la mémoire de nos amis congolais, et que les esprits avisés ne se laissent pas tromper par des rumeurs.

Thierry Noungou

Légendes et crédits photo : 

Feng Yu (à gauche) et Junhai Li (à droite)