Interview. Jean De Loriol : « C’est un peu le hasard qui m’a emmené à Kinshasa »

Mercredi 1 Juin 2022 - 17:06

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Scénariste chevronné, directeur d’écriture, c’est sa casquette de formateur que le cinéaste français, dont la réputation est aussi bâtie comme réalisateur, a mis à contribution au 6e Festival du film européen, du 16 au 21 mai. Ces rencontres autour de ses métiers qui nourrissent son travail l’ont porté à animer un atelier sur l’écriture du scénario à l’Institut français où l’a interviewé "Le Courrier de Kinshasa".

Jean De Loriol, scénariste français, animateur de l’atelier d’écriture de scénario au 6e Festival du film européen (Adiac)Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Cinéaste depuis près de trois décennies, avez-vous un genre de prédilection  ?

Jean De Loriol (J.D.L.)  : J’ai deux genres de prédilection : le film à caractère documentaire et social ainsi que le film fantastique. Ce sont les deux principaux genres qui m’intéressent mais j’ajouterai quand même un troisième, la comédie.

L.C.K. : Avec une pratique du cinéma qui s’étale sur près de trente ans, vous devez avoir une expérience assez fournie, bien riche…

J.D.L. : Oui, je pense, en effet, avoir une expérience assez fournie. J’avais 21 ans lors de ma première formation audiovisuelle. Après mon baccalauréat, j’ai fait une école de cinéma assez courte qui a éveillé mon intérêt pour la dramaturgie. A 22 ans, j’ai fait des études audiovisuelles un peu plus longues sur les techniques de la photo, de la vidéo et du son suivies de multiples stages en tant que cadreur et assistant. A 25 ans, j’ai quitté ma région natale, dans le sud de la France, pour Paris où j’ai trouvé un premier travail dans une société de production. Dans ce cadre, j’ai réalisé un film acheté par Canal + et à partir de là, je me suis lancé en tant qu’auteur et réalisateur. J’ai écrit beaucoup de programmes pour la télévision, notamment dans l’animation. Comme réalisateur, j’ai fait des courts métrages, des publicités pour une agence et également du documentaire. Pour l’écriture, assez récemment, j’ai complété mon expérience de scénariste, directeur d’écriture. J’ai codirigé l’écriture d’une série d’animation. Aujourd’hui, je poursuis mon activité un peu sur tous les fronts. J’ai fait trois documentaires qui ont été diffusés, je poursuis dans la fiction avec un long métrage d’animation que j’écris. Je fais tout le temps du court métrage, je continue à faire du reportage, notamment de l’animalier pour la Fondation Brigitte-Bardot. Je suis également formateur assez régulièrement et j’expérimente aussi l’écriture sous d’autres formes : j’ai écrit une pièce de théâtre qui sera présentée dans un théâtre parisien fin juin.

L.C.K. : Qu’est-ce qui dirige vos choix de travail ou de collaboration  ?

J.D.L. : Nous faisons des métiers où il y a une part d’envie, évidemment il y a des genres qui nous intéressent mais après, ce sont des métiers de rencontres. Elles nous amènent parfois sur des terrains inconnus. Par exemple, c’est le coup de téléphone d’un présentateur assez connu de Canal + décédé depuis, Philippe Gildas, qui m’a emmené dans le dessin animé. J’avais envoyé un projet à Canal + qui, pour moi, était une série de fiction mais il m’a dit que cela ferait un bon programme d’animation. Cela m’a conduit au dessin animé car ce programme de fiction est devenu une série produite par France 3, diffusée dans plusieurs pays dans le monde. En ce qui me concerne, ce sont souvent des rencontres aléatoires qui déclenchent de nouvelles pistes, de nouveaux terrains d’écriture à explorer. Ainsi, la réalisation du film documentaire "Le maître et bâtard" est arrivée de façon assez accidentelle. Je faisais les arts martiaux et du jour au lendemain, j’ai ressenti le désir de faire un film sur ce maître en arts martiaux alors qu’au préalable, je n’avais jamais imaginé faire un film documentaire.Remise de brevets aux participants à la fin de l’atelier (Adiac)

L.C.K. : Est-ce votre première venue à Kinshasa ?

J.D.L. : C’est la première fois, mais j’espère que ce n’est pas la dernière que j’y vienne parce que j’ai fait de très belles rencontres avec mes stagiaires congolais, c’était un bel échange. Encore une fois, c’est un peu le hasard qui m’a emmené à Kinshasa : j’ai tourné "Le tentacule", un court métrage que j’ai projeté à la formation. Depuis un moment, je n’avais pas tourné de fiction, j’ai autoproduit quelque chose de facilement réalisable. Ce film a fait le tour de quelques festivals où j’ai rencontré Raphaël Fourgeaud, un contact de l’Institut français, qui anime l’atelier caméra et lumière. C’est grâce à lui que je suis là : le festival avait besoin d’un formateur expérimenté dans l’écriture.  

L.C.K. : Sur quoi étaient basées votre formation et vos échanges avec les stagiaires  ?

J.D.L. : J’ai essayé d’adapter un plan de cours au niveau des stagiaires et j’ai été agréablement surpris que pour un certain nombre, il y a déjà de bonnes connaissances. Des notions assimilées, peut-être pas à partir de formations à proprement parler, mais par un travail personnel, à travers une curiosité, qui font de certains presque des semi-professionnels, voire quelques professionnels. La formation a, sur cinq jours, porté un regard assez complet sur les différentes possibilités et techniques d’écriture des longs métrages, films documentaires, séries de fiction et l’animation de courts métrages. Le but de la formation est de donner aux stagiaires des outils techniques et théoriques afin qu’ils puissent facilement concevoir des projets, les développer et les écrire pour pallier différents blocages que peut présenter un projet que l’on essaie de développer par l’écriture.

Photo de famille des participants à l’atelier d’écriture de scénario de Jean De Loriol (DR)L.C.K. : Pensez-vous que de cette formation assez dense livrée en cinq jours, il y aura des résultats concrets, des chances qu’il en ressorte de bons scénarios  ?

J.D.L. : En effet, oui ! Même si cette formation est assez brève, il y aura parmi les bénéficiaires certains qui vont arriver à des résultats concrets, des scénarios tournables. C’est suffisamment bien construit pour produire des films intéressants, oui, ça, j’en suis convaincu. Peut-être pas des longs métrages car cela requiert une certaine expertise mais sur des sujets plus courts, de quelques minutes, cinq à dix minutes. Je crois que les stagiaires ont maintenant les outils pour créer des histoires intéressantes. D’ailleurs, j’étais souvent agréablement surpris de voir à quel point beaucoup de techniques étaient vite comprises et assimilées. Par contre, il faut que l’effort soit poursuivi, car ce que l’on apprend, on l’oublie aussi vite. Il faut donc sans cesse remettre à jour ses connaissances, les valider et les fortifier.

L.C.K. : Qu’est-ce qui, selon vous, permet d’être un fin scénariste, d’écrire des histoires captivantes, qui se démarquent  ?

J.D.L. : J’en parle avec mes homologues, je pense que les scénaristes dans l’âme ont déjà un plaisir d’écrire, ils aiment taper sur l’ordinateur ou même écrire à la main. Il y a un plaisir organique, physique d’écrire. J’ai lu un livre de Stephen King sur la technique d’écriture où il dit que la première chose ce n’est pas d’aller chercher le succès, mais de travailler tous les jours son écriture. Ce qui fait la différence, je pense, ce n’est pas d’aller chercher la gloire mais d’être dans ce que l’on fait intensément, précisément. L’écriture se cultive, développe par la pratique et tout s’affine ensuite, la technique, les connaissances, tout va avec.    

 

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1 -Jean De Loriol, scénariste français, animateur de l’atelier d’écriture de scénario au 6e Festival du film européen / Adiac 2 - Remise de brevets aux participants à la fin de l’atelier / Adiac 3 - La photo de famille des participants à l’atelier d’écriture de scénario de Jean De Loriol / DR

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