Musique : Pytshens Kambilo fait la transcription des guitares congolaisesJeudi 30 Mars 2023 - 10:52 Dans la perspective de faciliter l’interprétation de la rumba, le guitariste Pytshens Kambilo prépare un ouvrage qu’il écrit en résidence à l’AfricaMuseum de Tervuren, en Belgique, une tâche qui l’occupe depuis l’année dernière.
Pytshens Kambilo a initié, depuis trois ans, son projet « Lindanda en partition » en procédant à « la transcription de la guitare du Congo ». Il répertorie et retranscrit en partition le jeu des guitares congolaises. Il a expliqué au Courrier de Kinshasa sa démarche de la sorte : « Depuis que je suis en Europe, j’ai toujours eu à l’esprit de trouver la manière d’écrire notre musique parce que nous fonctionnons à l’oreille, c’est un procédé qui marche très bien ». Cependant, a-t-il poursuivi, si dans la culture congolaise cela ne pose aucun problème, « il n’est pas possible de cette façon de faire des échanges avec les artistes d’ailleurs qui utilisent la notation moderne à l’instar du solfège ». Aussi, le guitariste souligne que son idée a été dès lors « de travailler sur l’ensemble » des musiques congolaises , « en commençant par la guitare parce qu’elle constitue la base de notre rumba ». Charité bien ordonnée commençant par soi-même, Pytshens a tenté la première expérience en écrivant sa propre musique, quitte à voir si cela marchait bien avec la méthode de logiciels modernes. L’essai s’étant révélé un succès, « alors j’ai commencé à écrire la guitare congolaise. J’ai exploré le travail de quelques grands guitaristes congolais, à l’instar de Zangilu Polydor, alias Beniko Popolipo, Daly Kimoko que j’ai côtoyé pour m’expliquer vraiment comment les choses fonctionnaient », a-t-il dit. Bien plus, a-t-il renchéri : « J’ai également puisé dans nos archives, les disques vinyles, les CD de la vieille musique, la rumba fiesta, la rumba odemba, la musique de Grand Kallé, Wendo. J’ai travaillé sur toutes ces musiques-là, je les ai transcrites en partition ». Apport des musiques traditionnelles Au fil de son travail, Pytshens a jugé opportun de creuser la matière allant jusqu’à consulter la base des données de la musique traditionnelle à l’AfricaMuseum. Cette idée a germé, a-t-il confié, « lorsque à l’écoute de nos maîtres d’autrefois, notamment Dr Nico, Wendo Kalosoy, Adou Elenga et Luambo Makiadi, j’ai senti l’influence de la musique traditionnelle dans leurs phrasés ». Il lui est venu à l’esprit de faire une étude à partir de la musique stockée au musée de Tervuren qui n'est pas au Congo. Voilà la raison de cette résidence qu’il a entreprise depuis l’an dernier et se poursuit jusqu’à la fin de cette année. Après consultation de la base de données, Pytshens a indiqué: « Je suis parvenu à trouver le lien entre nos folklores, nos musiques traditionnelles et notre expression culturelle d’aujourd’hui. L’apport de la musique traditionnelle dans la rumba congolaise telle que connue à ce jour ». Pour ce faire, il a tablé sur deux bases de données, la musique kongo, du Kongo central, et la musique luba. Ce, a-t-il expliqué, « car ce sont les deux contrées de la République démocratique du Congo où il y a le plus de guitaristes ». Dr Nico, qui était Luba, a été le point de départ de son étude « dans l’idée de déceler les influences qu’il a subies de sa musique traditionnelle ». Fort d’avoir constaté que son inspiration partait « du jeu traditionnel de la musique luba », Pytshens a poursuivi avec « Luambo Makiadi qui, lui, de par ses origines, est entre deux cultures, Tetela et du Kongo central. Il a créé des intervalles entre les deux jeux rythmiques, inventé son style à partir du mixage des deux ». En travaillant sur la musique traditionnelle, le jeune guitariste est parvenu, a-t-il dit, « à comprendre comment notre musique fonctionne de sorte qu’en l’écrivant, je parte sur de bases solides pour pourvoir la transcrire comme il se doit ». Cette trouvaille, a-t-il affirmé, lui a permis d’écrire un ouvrage expliquant la théorie de la musique congolaise, ses langages car il a décelé comment les guitaristes congolais jouent, poursuivant. « Quels sont les termes, les harmonies que nous utilisons, comment tout le mécanisme fonctionne. Comment le Dr Nico et Luambo Makiadi jouaient leurs phrases ». « La compréhension du fonctionnement de notre musique m’a permis de la mettre en partition », soutient-il, argumentant: « Notre musique peut désormais être enseignée, partagée et sauvegardée pour les générations futures. Ce seront les meilleures traces que nous pourrons avoir de notre musique car les cassettes, les vinyles et les CD se perdent ou peuvent se détériorer ». Cependant, en les conservant sur partitions, électroniques ou sur papiers, « il suffit de bien y veiller et nous pourrons la préserver », s'est réjoui le guitariste, ajoutant :« Avec l’évolution de la technologie numérique, elle pourra être diffusée, vulgarisée et enseignée même à l’INA car jusque-là, il n’y avait pas de branche rumba faute de données, il n’y avait pas de base d’écriture de solfège. Des livres n’ont jamais existé avant si ce n’est sur la mélodie des chansons, mais sur la guitare il n’y en a jamais eu ». Nioni Masela Légendes et crédits photo :1- Le guitariste Pytshens Kambilo /DR
2- Partition de la guitare de "Moyibi" jouée par Lokassa ya Mbongo /DR Notification:Non |