Disparition : soupçons autour de la mort du baobab de la musique sacrée de RDC

Samedi 10 Août 2013 - 12:04

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Alain Moloto, responsable du groupe Adorons l'Éternel (Gaél), est décédé dans la nuit du vendredi 2 août au centre Nganda dans la commune de Kintambo, soit six jours après la célébration de ses 52 ans. Sa mort suscite des interrogations. Qui était cet artiste qui a su emporter les fidèles dans la profondeur des textes de ses cantiques et de ses mélodies ?

La République démocratique du Congo vient de perdre un homme de Dieu, un grand chantre, à l’adoration pure. Alain Moloto a connu de nombreuses péripéties avant de tirer sa révérence. Tantôt mort, tantôt vivant, cet homme de Dieu est sorti d’une étape difficile en 2010, alors que tout le monde le croyait mort des suites d’un empoisonnement. L’Éternel, refusant de lui retirer le souffle de vie, l’arracha à cette situation irréparable. Afin de rendre grâce à l’Éternel pour sa bonté, l’artiste consacra en 2010 un album, Les Fruits de mes lèvres, avec le producteur Antoine Katoto. Il aborde dans cet album de nombreux thèmes dans des titres comme Tombeurs des justes, Traitres, Des pierres à la place des cœurs, Ceux qui vivent pour détruire. Illustrant son empoisonnement par la chanson Naza ya Yesu, il chantait : « Même par l’empoisonnement, le fils de la promesse ne meurt jamais. »     

Un artiste engagé

Son engagement pour sa nation, la RDC, n’était plus à démontrer. D’ailleurs, les articles de presse parus dans différents journaux de Kinshasa et mis en ligne (Direct.cd, KongoTimes, Hugues Mambo) en disent long. En effet, lors des élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2011, le chantre et adorateur de l’Éternel Alain Moloto s’était illustré dans l’arène politique. Il avait même harangué la foule au cours d’une séance de prière pour la délivrance du Congo, qu’il avait programmée le dimanche 26 juin 2011, soit quatre jours avant la commémoration de la fête de l’indépendance. Cette action d’évangélisation, il l’avait dénommée : « Ensemble pour la délivrance de la nation » (Eden). Il utilisait des paroles de feu au cours de ses campagnes de prière.

Au cours de ses évangélisations, Alain Moloto clamait haut et fort que Jésus Christ est le Roi du Congo. Il titrait cela en ces termes : Jésus Christ = R.D.C (Jésus Roi du Congo). On le soupçonnait à travers ce titre d’attaquer les hommes politiques de son pays. L’autre fait non moins négligeable sinon plus grave est la publication de son ouvrage Le Plan de Dieu pour le Congo.

Dans plusieurs vidéos l’adorateur et chantre congolais essayait de décrire le Congo de demain : « L’heure est venue, demain toutes les mères percevront un salaire maternel, chaque famille modeste aura droit à un logement social, les fonctionnaires seront mieux rémunérés et réhabilités car ils incarnent le service public, une mission noble… »

Et le signe indien poursuit le chantre

Le côté étonnant de la mort du responsable du groupe Adorons l'Éternel est que sa mort est précédée de deux de ses chantres. D’abord, celle de Marthe Bulay, survenue le 1er juin des suites d'une insuffisance rénale, pouvait-on lire dans Casarhema.fr et celle inopinée de Christian-Gaël Mvuanda au cours d’un accident de voiture sur la route de Matadi aux encablures de Binza-Delvaux et UPN (Ngaliema).

Qu’adviendra ce groupe après la mort de leader charismatique ?

La question a déjà été réglée. En effet, après son premier empoisonnement en 2010, ce chantre engagé répondait au cours d’une conférence de presse qu’il avait eu le temps de préparer sa relève par l’initiation de jeunes talents dans la musique sacrée et dans l’art de diriger l’adoration. Et pour preuve, jusqu’à ce jour, de nombreux talents pullulent au sein de ce groupe, et certains volent aujourd’hui de leurs propres ailes en continuant l’œuvre apprise au sein de la famille Gaél.

« Je ne pense pas que la mission que le seigneur nous a confiée s’arrêtera un jour parce que quelqu’un a juré de nous tuer. Cependant, il peut arriver qu’on arrête de vivre un jour. Mais l’œuvre de Gaél continuera parce qu’il y a des tenants de cette œuvre qui resteront encore vivants et auront encore l’avenir devant eux. Raison pour laquelle, personnellement, en tant qu’individu, je n’ai pas voulu incarner ce travail, je n’ai pas voulu porter sur mon dos, tout seul, le fardeau de ce travail. Je n’ai pas voulu mûrir en moi-même cette mission au point où si je ne suis pas là, tout s’arrête. Malheureusement, il y a des gens qui partent dans la tombe avec leur ministère, des gens qui s’éteignent avec leurs visions. Je ne crois pas appartenir à cette génération. Je milite tous les jours pour qu’après moi, il y ait cette génération qui a compris le travail, qui a saisi la mission et qui la continue », déclarait-il.  

De passage à Brazzaville, l’artiste musicien Fally Ipupa de RDC a déploré la perte de ce grand chantre de la musique sacrée : « C’est un grand artiste musicien qui vient de nous quitter, paix à son âme. Heureusement, qu’il nous a laissé des œuvres. Il n’a fait que nous précéder. Je regrette beaucoup sa disparition. »

Né à Kisangani le 27 juillet 1961, Alain Moloto a effectué une grande partie de ses études dans la ville de Lubumbashi avant de rejoindre Kinshasa pour ses humanités et ses études supérieures. En 1993, il commence ses études supérieures à l’ISC (Institut supérieur de commerce). Il s’engage dans le théâtre universitaire en écrivant des chansons françaises dans le cadre de la dramaturgie. Il y joue le rôle de chantre et de parolier. Sa grande et merveilleuse surprise est qu’en dehors du théâtre, les gens s’intéressaient vraiment à ses chansons. Il est ainsi poussé un peu plus tard à embrasser une carrière en solo. Avec sa guitare, il compose et chante des cantiques d’un autre genre : ils permettent à ceux qui l’entendent d’entrer dans une profonde méditation. Son style de chant et la profondeur de ses messages font de lui un adorateur à part. Il est le responsable et dirigeant du groupe Adorons l’Éternel (Gaél), une des meilleures formations musicales que la RDC ait jamais connues dans l’histoire de l’univers du gospel. Alain Moloto était un poète et artiste hors du commun. Alain Moloto était marié à Christine Tsiabu. Ils ont quatre enfants, dont deux filles et deux garçons.

Signalons que la dépouille du défunt sera exposée à Kinshasa le lundi 12 août. L'inhumation aura lieu le mardi 13 août dans son village natal.

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Le chantre Alain Moloto lors de ses différentes campagnes d'évangélisation. (© DR) Photo 2 : Alain Moloto. (© DR)