Corrado Pirzio Biroli : "Iloo 1er et Pierre Savorgnan de Brazza sont deux modèles de paix entre les peuples "

Mardi 7 Octobre 2014 - 18:45

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Corrado Pirzio Biroli, fils de Detalmo Pirzio Biroli, descendant de Pierre Savorgnan de Brazza, a été reçu le 6 octobre par le chef de l'État, Denis sassou N'Guesso. Celui qui rêve d’un projet Sur les traces de Pierre Savorgnan de Brazza afin d’encourager les touristes à venir au Congo, plus précisément à Brazzaville et à Mbé, n’a pas manqué de tarir d’éloges pour le roi Makoko Iloo 1er qui avait compris l’importance de coopérer avec l’explorateur franco-italien. Interview exclusive.

Dépêches de Brazzaville : Vous arrivez au terme de votre séjour à Brazzaville, que peut-on retenir de ce voyage ?

Corrado Pirzio Biroli : D’abord c’est la première fois pour moi, et la deuxième fois pour Speronella Savorgnan de Brazza, que nous venons à Mbé. Nous avons eu l’occasion de voir le roi Auguste Nguempio. Speronella était déjà ici à Mbé en 1968 et ce n’est pas le même roi qu’elle avait rencontré. Nous avons tenu à venir ici parce que nous sommes les deux aînés de la famille. Elle porte le nom de de Brazza alors que moi c’est ma grand-mère qui portait ce nom. Nous sommes venus pour indiquer que les aînés de la famille de Pierre sont unanimes et très contents de la façon dont les choses se sont développées. Nous avons trouvé le Mémorial en très bon état, avec une directrice générale, Bélinda Ayessa, exceptionnelle qui a des excellents contacts avec tout le monde, ainsi que Jean-Paul Pigasse, patron des Dépêches de Brazzaville, qui a toujours été dès le début un ami. Comme Bélinda Ayessa, il nous a aidés à organiser cette visite.

DB : Quels ont été les temps forts de votre séjour congolais ?

CPB : C’est d’abord le constat que nous avions fait du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza qui est très bien entretenu, si bien qu’il devient de plus en plus un centre du développement culturel du pays. Un autre point fort de la visite a été le rendez-vous avec le roi et la reine, ici à Mbé, qui est un endroit chargé d’histoire. Nous avons aussi pu voir la stèle où Pierre Savorgnan de Brazza sur demande du roi Iloo 1er avait fait la paix entre 40 tribus qui avaient des difficultés entre elles. Un trou a été creusé dans lequel tout le monde a déchargé les armes. Pierre Savorgnan de Brazza était un homme de paix et nous aussi venons ici en paix et en amitié. Nous sommes très honorés de la manière dont nous avons été reçus par le roi ici, à Mbé. Nous avons signé un accord de jumelage avec le Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza. Nous ferons des échanges des pièces d’œuvre, et avons même décidé de célébrer à Brazzaville le dixième anniversaire de l’inauguration de ce mémorial en 2016. Nous allons amener certainement des gens d’Italie pour ces festivités ; organiser des colloques aussi. Je souhaite qu’un jour le président Denis Sassou N’Guesso, et pourquoi pas le roi, viennent au Château de Brazza voir là où se trouve notre source.

DB : Attendrez-vous le 3 octobre 2015 pour revenir au Congo-Brazzaville ou reviendrez-vous de temps à autre ?

CPB : J’espère revenir en 2015. Et comme je le disais tout à l’heure, le 3 octobre 2016 nous ferons une célébration exceptionnelle pour le dixième anniversaire de l’inauguration du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza. Désormais, il faut prendre l’inauguration de cet espace comme la base d’une collaboration intensifiée. C’est pour cela que nous avons signé un accord entre le Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza et le Spazio di Brazza que j’ai créé au Château de Brazza en 2011. Ce jumelage doit être un programme potentiel nous permettant de faire ce que nous pensons être utiles pour la collaboration entre l’Italie, la France et le Congo sur le plan culturel, mais avec la possibilité de faire aussi autre chose.

DB : Est-ce pour dire qu’avec les différentes descentes que vous allez effectuer au Congo ainsi qu’avec la signature de l’accord de jumelage avec le Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, fini les tintamarres des descendants de Savorgnan de Brazza sur les chaînes internationales ?

CPB : Vous savez, les descendants de de Brazza, directs et indirects, sont au nombre de 110 entre Africains, Européens, Asiatiques d’une famille. Ce n’est pas toujours facile parce qu’il y avait 13 enfants issus de deux femmes. Ce n’est donc pas facile de mettre d’accord ces 110 personnes. Il reste cependant que l’initiative a été prise par l’aîné des familles de Chambrun et de Brazza, et nous les aînés suivons cela. Les déclarations qui ont été faites sont assez absurdes parce qu’elles n’ont aucune importance et sont faites sans autorité, dans le sens qu’elles ne représentent pas l’ensemble de la famille. Je crois qu’il est difficile de rassembler les 110 personnes, car pour les rassembler, on doit faire une palabre toutes les 5 minutes entre nous. Mais je crois que l’esprit y est, et je pense aussi que ceux qui ont pris l’initiative, notamment mon père Détalmo et moi-même, sommes des Africains. Mon père a passé une moitié de sa vie en Afrique ; il s’est trouvé au Château de Brazza au moment de sa mort. Autrement, il aurait voulu être enterré au Sénégal où il habitait et après dans le Mémorial où est enterré Pierre Savorgnan de Brazza. J’ai suivi dans ce mémorial le film de son arrivée à Brazzaville et ça a été très émouvant pour moi. Je crois que de Chambrun et mon père ont lancé une affaire qui a été la bienvenue pour tout le monde. Nous entendons, Speronella Savorgnan de Brazza et moi, continuer la relation de confiance et d’amitié qui a existé entre Iloo 1er le roi Makoko et Pierre Savorgnan de Brazza, deux personnes exceptionnelles qui ont trouvé une sympathie immédiate. Ce qui veut dire une amitié éternelle. Ça sera aussi la même chose pour nous qui sommes les héritiers de Pierre Savorgnan de Brazza et du Makoko qui est l’héritier d’Iloo 1er.

DB : Que peut-on retenir d’Iloo 1er et de Pierre Savorgnan de Brazza ?

CPB : Iloo 1er et Pierre Savorgnan de Brazza étaient deux personnes exceptionnelles, très intelligentes, mais pas forcément d’accord avec tout le monde. Iloo 1er a eu le courage, à l’époque de la colonisation, de reconnaître qu’il n’avait pas d’armée, pas de moyens de se défendre ; il a préféré se lier d’amitié avec l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza qui était généreux, qui n’avait pas beaucoup d’argent, qui ne tirait pas avec sa carabine et ne tuait personne, qui appréciait les autochtones locaux, qui libérait les esclaves et qui cherchait à pénétrer l’esprit africain difficile pour un Européen. Car, chaque civilisation est différente pour la comprendre. Il était différent de Stanley qui était l’autre explorateur et qui a tué pas mal de gens pour faire la route, qui n’était pas humaniste. Iloo 1er a eu le courage de dire, « je préfère m’allier avec l’explorateur qui me comprend et non avec l’autre ». Il y a pas mal de gens de la tribu batéké qui l’ont critiqué. De l’autre côté, pour Pierre Savorgnan de Brazza, la Marine française voulait que son représentant aille se battre avec les autres pour gagner un territoire alors que lui, il partait avec un petit cadeau et de la palabre… Donc une partie du monde colonial français ne l’aimait pas, alors qu’une autre l’appréciait ; celle qui n’était pas là pour exploiter mais pour civiliser. Sur place, la France était divisée en deux groupes ; il y en avait qui soutenaient de Brazza et ceux qui le critiquaient. Ceux qui le soutenaient ne voulaient pas rester à Paris, mais voulaient aller dans les colonies, à l’extérieur, parce que là, ils étaient libres, pas de fax, pas de téléphone, et donc de Paris, on ne pouvait pas contrôler grand-chose. Ils pouvaient se comporter comme ils voulaient. Pour moi, Iloo 1er et Pierre Savorgnan de Brazza sont deux modèles de paix entre les peuples à suivre.

DB : Un mot de la fin…

CPB : Amour.

 

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Corrado Pirzio Biroli répondant aux questions des Dépêches Photo 2 : Speronella Savorgnan de Brazza et Corrado Pirzio Biroli Corrado Photo 3 : Pirzio Biroli signant l'accord de jumelage