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L’Église catholique à la croisée des cheminsSamedi 29 Novembre 2014 - 10:53 Les mesures prises ces derniers temps, à Rome, par le Pape François sont tout sauf anodines. Elles témoignent, en effet, d’une volonté de réformer l’Église qui, par petites touches savamment calculées, vise, ni plus ni moins qu’à mettre de l’ordre dans sa gouvernance, à éclaircir ses finances, à la rapprocher de ses fidèles, à équilibrer les rapports entre les instances dirigeantes et la chrétienté émergente, à retrouver surtout les valeurs d’une religion qui a réussi l’exploit de traverser vingt siècles en se renforçant au lieu de se diluer dans le magma matérialiste comme on pouvait le craindre. Laissons aux observateurs du Vatican le soin de détailler les décisions que prend le Pape François afin de mener à bien ce grand dessein, mais interrogeons-nous sur les chances qui sont les siennes d’y parvenir dans le temps très court qui lui est imparti du fait de son âge, donc de ses capacités physiques et intellectuelles. L’exemple tout récent du retrait soudain de son prédécesseur, Benoît XVI, est là pour démontrer que cette question est en effet primordiale. Le principal obstacle auquel le Pape François se heurte, et se heurtera de plus en plus dans sa volonté de réformer, tient à la structure même du Vatican. Héritée du temps où l’Église de Pierre s’était érigée en un État indépendant qui nourrissait des ambitions territoriales affichées, disposait de moyens militaires et financiers non négligeables, nouait et dénouait des alliances diplomatiques afin d’assurer sa survie, la puissante machine installée sur les bords du Tibre, au cœur de Rome, n’a pas su s’adapter, quoi qu’en disent ses thuriféraires, aux réalités du monde moderne. Elle est et reste dominée par un petit nombre de prélats, de congrégations, de groupes de pression dont l’ancrage est européen en général, italien en particulier. Alors que l’Europe est manifestement sur le déclin au plan religieux comme le démontrent la désertion des églises et la réduction constante du nombre de prêtres ou de religieux, le Vatican reste dominé par les cardinaux, les archevêques, les évêques nés sur le Vieux continent. Et ce ne sont pas les quelques élévations au cardinalat réalisées dans les dernières années qui y changeront quelque chose, au moins à court terme. L’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie sont sous-représentées et le resteront longtemps encore dans la gouvernance de l’Église. Cette réalité, le Pape François la perçoit mieux que quiconque puisqu’il en a subi les effets bien avant son élection sur le trône de Pierre, alors qu’il exerçait son magistère dans la grande ville de Buenos Aires, en Argentine. Mais pour y remédier et traduire dans la gouvernance de l’Église les nouveaux rapports humains nés de l’émergence du Tiers-monde, il lui faudra tout à la fois du temps et des forces. Car, même si cela ne se voit pas, l’opposition à laquelle il fait face dans les couloirs du Vatican est tout aussi unie que déterminée. Comme toutes les institutions humaines, l’Église de Rome est en effet le lieu géométrique de multiples intrigues, d’ambitions plus ou moins déguisées, d’affrontements de personnalités diverses. Ceci ne réduit en rien le caractère universel des valeurs sur lesquelles elle est fondée, en particulier la croyance en un Dieu unique créateur de toutes choses, mais cela explique l’extrême difficulté qui attend le Pape François dans sa volonté de réforme. Disons, pour conclure provisoirement sur le sujet, que l’Église catholique se trouve effectivement à la croisée des chemins. Ou bien elle se réformera de l’intérieur en faisant au monde émergent la place qui lui revient et elle prendra un nouvel élan. Ou bien elle restera figée sur ses positions présentes et elle connaîtra un déclin rapide. Telle est probablement, certainement même, la conviction intime du Pape François.
Jean-Paul Pigasse Edition:Édition Quotidienne (DB) |