Différend territorial : l'Argentine commente la question des Iles Malouines à Addis-Abeba

Samedi 2 Mai 2015 - 14:15

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Le conflit territorial qui oppose l’Argentine à la Grande Bretagne sur la souveraineté des Iles Malouines situées en Amérique du Sud, glisse vers l’Afrique. Et pour cause. Les experts argentins de la question étaient à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, pour sensibiliser les médias africains à la position tenue par leur pays dans ce différend.

Ce 29 avril, en début de matinée, un parterre de journalistes assiste à une conférence au siège de l’ambassade d’Argentine à Addis-Abeba. Elle est principalement animée par Daniel Filmus, secrétaire d’État en charge de la question des Malouines qu’accompagne l’ambassadeur en poste, Gustavo Gripo.  Sont aussi présents, les représentants de Cuba, de l’Équateur et du Venezuela. Au menu : le conflit sur lequel l’Argentine et la Couronne d’Angleterre ont échangé le coup de feu en avril 1982 et épuisent depuis plus d’un siècle arguments sur arguments.

Pourquoi le choix de l’Afrique par les autorités de Buenos Aires ? Pays colonisé comme l’ont été la plupart des États du continent noir, l’Argentine pense que l’Afrique peut mieux comprendre et soutenir son message anticolonialiste appelant à la libération des Iles Malouines par la Grande-Bretagne qui les occupe à ses yeux de manière illégale.

Histoire, géographie, géologie et fonds marins

Le discours du représentant argentin met en avant le fait avéré de l’héritage du territoire convoité que son pays tient de l’Espagne, son ancienne puissance colonisatrice. À l’appui d’un rétroprojecteur, il tourne des diapositives qui reviennent sur l’historique de la découverte des Iles, les campagnes successives d’occupations ou d’administration puis, de fil en aiguille, l’installation de ce que les Argentins appellent les colonies de peuplement britanniques, constituées pour l’essentiel d’éleveurs d’origine écossaise.

L’orateur souligne aussi la position géographique comme un autre argument de poids en faveur de l’appartenance des Iles à son pays. Elles sont en effet situées à quelque 500 km au large des côtes argentines, sur le continent sud-américain, et à plus de 13 000 km de la Grande-Bretagne, en Europe. Daniels Filmus ne passe pas sous silence le fait que le territoire disputé regorge d’énormes ressources halieutiques et en hydrocarbures. «  Même si ces îles étaient arides, elles nous appartiendraient en tout état de cause, mais je sais qu’elles n’auraient pas attiré tant de convoitises de l’occupant britannique si elles étaient pauvres et géographiquement moins stratégiques », se répète-t-il au long de son exposé.

Le dialogue et non la guerre

« Il n’y a pas d’autres issues à ce conflit que le dialogue », insiste le ministre argentin qui souhaite la résolution du différend par le dialogue entre les deux pays. Les résolutions de l’Onu, dont la toute première date de 1960, ainsi que les déclarations de l’Assemblée générale de l’organisation internationale recommandent à Londres et Buenos Aires de discuter. Quand on lui pose la question pour savoir si l’argument du dialogue que défend son pays n’est pas un aveu de faiblesse, Daniel Filmus répond au contraire, qu’il s’agit d’un aveu d’espoir : « Mon pays sera le plus patient possible, le plus diplomatique possible, mais aussi le plus présent possible sur ce dossier jusqu’à ce que la Grande-Bretagne réalise qu’elle est en territoire étranger et n’a pas le droit d’y rester indéfiniment ».

Pour étayer son espérance, l’orateur cite l’exemple de Cuba et des États-Unis qui, dit-il, ont renoué le dialogue après plus d’un demi-siècle passé à se regarder en chiens de faïence. Il argumente aussi que sur les tribunes internationales, les soutiens à la cause de son pays sur cette question sont nombreux et divers, et que la position des États-Unis qui prônent le dialogue entre Argentins et Anglais n’a pas varié. Un jeu d’équilibriste qui « n’a rien d’un soutien appuyé » estimait un journaliste, justement contre l’avis du responsable argentin, qui se félicite en indiquant que cette position de Washington ne signifie pas non plus « un appui à la cause britannique ».

Ce qui est certain, sur le terrain, la Grande Bretagne est plus que maitresse des lieux. Les Argentins en sont conscients. Depuis la guerre des Malouines (avril-juin 1982), assène Daniel Filmus, « Londres a renforcé ses positions sur les îles et y dispose de bases militaires importantes ». De fait, la population vivant dans les îles Malouines est d’origine britannique, l’Angleterre s’appuie sur ce fait et aussi sur sa présence discontinue depuis 1833 pour revendiquer sa paternité.   

En mars 2013, un référendum d’autodétermination organisé dans les Malouines s’était soldé par la victoire à 98 % du « oui » au rattachement des îles au royaume uni. Pour les Argentins, le problème est ailleurs. Ils rejettent l’idée même d’une consultation de ce type dans un territoire habité par une population issue du pays occupant. D’après Daniel Filmus, toutes les démarches appelant au dialogue n’ont reçu aucun écho favorable du côté de la Grande-Bretagne. Son pays ne relâchera pas la pression, s’est-il consolé.

Au passage de cette histoire complexe, il faut retenir que les Iles Malouines sont un territoire de 12 173 km2, avec une population de quelque 3000 habitants. Découvertes en 1520, elles passent de main en main entre Français, Espagnols et Anglais de 1764 à 1770. Elles sont inhabitées pendant une longue période. L’Argentine obtient son indépendance en 1816 et s’y installe en 1832. L’année suivante, en 1833, la Grande-Bretagne intervient militairement et chasse les Argentins. Depuis, elle n’a plus quitté l’Archipel. Depuis, les Argentins en revendiquent la souveraineté.

Gankama N'Siah