Immigration : Faire travailler gratuitement les clandestins ? Tollé en Italie !

Samedi 9 Mai 2015 - 9:30

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Devant les flux interrompus des migrants, l’Italie politique, désemparée, y va de toutes les propositions, mesures et menaces.

Les flux de migrants traversant la Méditerranée pour gagner l’Europe à partir des côtes siciliennes, en Italie, ne s’interrompt pas. Chaque jour des bateaux, avec des fortunes variées, arrivent chargés de milliers de migrants. L’Italie n’en peut plus. Dans ce contexte, toutes les mesures deviennent sinon possibles du moins dicibles à haute voix. Attaquer les bateaux en Méditerranée ; aller à la traque des trafiquants en Libye ; bombarder les côtes libyennes ; installer des bureaux de vérification dans les pays méditerranéens côté Afrique, etc. La panoplie des mesures préconisées est large.

Le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, a ajouté lui aussi aux propositions les plus discutées en demandant aux communes « d'appliquer notre directive permettant de faire travailler les migrants gratuitement. Plutôt que de les laisser là à rien faire, qu'ils les fassent travailler ». De diverses communes arrivent les plaintes devant l’augmentation brutale du nombre de migrants dans les rues y compris de petits bourgs. Les populations ont le sentiment, d’ailleurs largement exploité par les populistes, d’une invasion. Sinon d’une insécurité ambiante.

Le parti populiste de la Ligue du Nord, souvent accusé de racisme, a sauté sur la dernière proposition du ministre de l’Intérieur Alfano. Et de s'interroger : « Si l’on comprend bien, il ne s’agit pas d’aller en guerre contre les trafiquants d’êtres humains, mais de se transformer en esclavagistes ? ». Matteo Salvini, le chef du parti xénophobe est partisan des mesures extrêmes mais semble s’amuser, à tout le moins, de la proposition du gouvernement. Pour lui, il n’y aurait pas mesure plus perfide pour garder au moins pendant deux ans dans une « illégalité légale » les clandestins en Italie.

Depuis janvier, 84.000 migrants sont arrivés en Italie. Pour la seule dernière, 9.000 sont arrivés. Cela fait plus de 15% de plus que par rapport à toute l’année dernière, disent les services officiels. Le pays est débordé, et les signes de xénophobie ordinaire commencent à se multiplier. Mercredi dernier dans le nord-ouest italien, la  région du Val d'Aoste, dans les Alpes près de la frontière française, a officiellement protesté. Elle a refusé d'accueillir plus de migrants ; d’autres régions plus importantes s'apprêtent à suivre la même vague des protestations. Le gouverneur de Lombardie, Roberto Maroni, lui aussi de la Ligue du Nord, estime aussi que sa région ne saurait accueillir plus de migrants. Quant à les faire travailler…!

Il ne s’agit pas de faire travailler les migrants, dans un pays qui a déjà du mal avec ses propres chômeurs. « Il s'agit de travaux d'intérêt général, de projets environnementaux, pour lesquels la commune doit seulement fournir une assurance aux demandeurs d'asile, afin de créer un rapport plus vrai et une meilleure acceptation », a expliqué à la télévision Mario Morcone, chef du Département des droits civils et de l'immigration au ministère de l’Intérieur.

« Jusqu'à aujourd'hui, on a réussi à loger tout le monde. Mais les arrivées vont encore augmenter et nous sommes inquiets. Nous réclamons des réponses concrètes, une cohésion, afin que les migrants ne soient pas sacrifiés sur l'autel des élections », a ajouté, a expliqué Claudio Palomba, président du Sinpref, un syndicat de préfets ayant refusé l'invitation au ministère. Car la question de l’immigration nourrit actuellement la campagne électorale, dans les régions qui vont aller au vote, soit une sur deux.

Pendant ce temps, la marine militaire a annoncé jeudi avoir repéré l'épave du chalutier dans le naufrage duquel plus de 750 migrants avaient trouvé la mort dans la nuit du 18 au 19 avril en Méditerranée. Ce naufrage avait suscité une grande émotion en Italie et en Europe, poussant d’ailleurs à une réunion d’urgence des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne. Les premières images de l'épave du bateau naufragé ont permis de distinguer le corps d'un homme près du bateau ainsi que « de nombreux corps » sur le pont et à l'intérieur du bateau. Ce qui pourrait, a dit la justice, engager une action en crime contre les passeurs.

Lucien Mpama