Après l’Accord de Paris : Marrakech a accueilli le premier sommet de l’action des chefs d’Etat africains

Jeudi 17 Novembre 2016 - 15:15

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Sa Majesté, le roi Mohamed VI du Maroc a dirigé, mercredi dans la ville de Marrakech, le tout premier sommet dit de l’action ayant regroupé une trentaine de dirigeants africains qui ont donné des signaux forts en vue de l’application et de l’accélération de l’accord sur le climat conclu en 2015 à Paris.

Ce sommet extraordinaire s’est tenu en marge de la COP22. Il a été marqué essentiellement par des déclarations et des engagements liés à la lutte contre les changements climatiques et non au retour du Maroc au sein de l’Union africaine (UA) comme certains observateurs le pressentaient.

Tour à tour le roi Mohammed VI, les présidents Macky Sall du Sénégal, Alpha Condé de la Guinée, Paul Kagamé du Rwanda, Denis Sassou N'Guesso du Congo ou encore Salahedine Mezouar, président de la COP22, ont pris la parole pour exprimer l’urgence d’agir contre les changements climatiques.

« J’ai pris l'initiative de vous convier à ce sommet, afin que notre continent harmonise la lutte contre les changements climatiques, et l’action en faveur du développement durable », s’est exprimé Sa Majesté Mohammed VI.

« Concrétiser les projets régionaux et transnationaux structurants, tel est le défi que je vous invite à relever », a-t-il ajouté d’un ton solennel.

Il a proposé à ses pairs de dessiner une Afrique résiliente aux changements climatiques, une Afrique qui s’engage résolument sur la voie du développement durable (…) , une Afrique qui utilisera ses ressources, de manière optimale, en respectant les équilibres environnementaux et sociaux.

Le roi du Maroc a démontré combien l’Afrique était exposée au dérèglement climatique.

En effet, elle paie un lourd tribut dans l'équation « climat » et représente, sans aucun doute, le continent le plus pénalisé, alors qu’il n’émet que 4% des gaz à effet de serre.

D’après le souverain chérifien, l'Afrique compte déjà 10 millions de réfugiés climatiques. À l’horizon 2020, près de 60 millions de personnes seront déplacées du fait de la rareté de l’eau, si rien n’est entrepris dans ce domaine.

L’immense réserve d'eau douce, que constituait jadis le Lac Tchad, a déjà perdu 94 % de sa superficie, et est menacée d’assèchement définitif. Au moins 4 millions d’hectares de forêts, soit deux fois plus que la moyenne mondiale, disparaissent chaque année.

« Les rendements agricoles de notre continent pourraient donc baisser de 20% à l’horizon 2050, au moment même où notre population aura doublé », a souligné encore le roi Mohammed VI.

Au sommet de Marrakech, les chefs d’Etat africains ont exposé des initiatives nationales et sous-régionales de lutte contre la désertification au Sahel , de protection des Etats insulaires et de préservation du Bassin du Congo.

Toutes ces initiatives, tout comme celles qui sont liées à l’adaptation de l’agriculture,  nécessitent autant de financements pour leur mise en œuvre. Accéder aux énergies « propres » ou renouvelables est aussi un désir exprimé par tous les dirigeants. Ainsi, le Sénégal se propose de réaliser d’ici à fin 2017 des projets solaires pour un total de plus de 300 mégawatts. « Ce que nous attendons de nos partenaires, c’est de nous soutenir sur le financement des énergies renouvelables », a plaidé le président Macky Sall.

 Présentant le projet du Fonds bleu pour le Bassin du Congo, qui a été du reste approuvé, le président Denis Sassou N'Guesso a affirmé qu’il va contribuer à la préservation de la vie au plan mondial et assurer l’équilibre écologique.

Le Bassin du Congo est  l’un des plus impressionnants écosystèmes au regard de la grande diversité des espèces qu’il abrite.

Le Fonds bleu pour le Bassin du Congo se propose d’accompagner le développement des projets dans les secteurs clés pour le renforcement de l’économie de la région en offrant une alternative viable à la déforestation.

« Le Bassin du Congo, c’est la biodiversité abondante », a souligné M. Sassou N'Guesso.  

Les engagements des partenaires

Le sommet de Marrakech s’est soldé par une déclaration sur la co-émergence du continent. Elle a été lue en présence du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, du président français François Hollande, et d’autres partenaires  tels les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Qatar, pour ne citer que ceux-là.

Ban Ki-moon a laissé entendre que  le sommet de Marrakech a été « de grande envergure ». « J’exhorte les pays africains qui n’ont pas encore ratifié l’Accord de Paris à nous rejoindre. Il n’est pas une panacée certes, mais représente un cadre pour nos engagements  futurs », a-t-il déclaré.  

Vis-à-vis de l’Afrique, François Hollande a pris d’énormes engagements et rappelé ceux des autres bailleurs. Il a toutefois relevé que « Rien n’est acquis. Il faudrait se battre pour que les engagements et les signatures soient respectés. »

Des 100 milliards d’euros des financements annoncés au terme de l’Accord de Paris, la France s’est engagée à mobiliser une contribution de 5 milliards d’euros. « Nous avons fait plus que notre part », a lâché M. Hollande.

« Nous avons une dette écologique à l’égard du continent africain (…). La France sera là demain pour être la gardienne de l’Accord de Paris », a-t-il assuré.

Convaincue que l’Accord de Paris est fondé sur « la justice climatique » et que la  COP22 a été celle de l’action et des solutions avec le renforcement des coalitions, la France s’est engagée à soutenir les centres de formation africains dans le domaine des énergies renouvelables.

Elle a identifié 240 projets ou possibilités pour agir en Afrique où elle devra accroître la capacité d’accès à l’énergie de 10 gigawatts supplémentaires  à l’horizon 2020.

« Nous sommes prêts à agir au Sahel, dans le Bassin du Congo (…). L’Afrique est un continent d’avenir. Le développement de l’Afrique est une priorité pour le monde en général et  l’Europe en particulier », a fait savoir François Hollande, arguant que l’immigration et les « désordres sécuritaires » sont liés aux « désordres écologiques ».

Déclaration du 1er Salon africain de l'action en faveur d'une co-émergence continentale

Nous, chefs d’Etat et de gouvernement africains réunis à Marrakech, le 16 novembre 2016, à l’invitation de Sa Majesté Mohammed VI, roi du Maroc, lors du 1er Sommet africain de l’action, en marge de la 22ème conférence des parties de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP22);

Soulignons que : 

- l’Afrique, qui a le moins contribué aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, est le continent le plus touché par les changements climatiques et leurs effets sur ses territoires dont les conséquences peuvent représenter une menace pour sa paix, sa sécurité et son développement durable; 

- les régions africaines ont volontairement lancé des initiatives en matière d’adaptation et d’atténuation, visant à améliorer leur résilience et à promouvoir un développement durable ;

Réaffirmons :  

- l’importance d’une mise en œuvre adéquate des Objectifs de développement durable fondés sur les principes de Rio, en particulier celui de «la responsabilité commune mais différenciée », pour relever le défi du changement climatique ; 

- l’engagement concret et substantiel des pays africains à contribuer à l’effort mondial de lutte contre les changements climatiques ; 

- notre ambition de faire de l’action pour le climat un levier d’émergence, en vue de construire un modèle de développement inclusif et durable répondant aux aspirations légitimes des populations africaines et préservant les intérêts des générations futures ; 

- notre volonté d’œuvrer collectivement et solidairement pour une Afrique résiliente au changement climatique et qui façonne son destin, à travers des approches sous- régionales et régionales ;

Nous nous engageons à :
- promouvoir les politiques et les mesures en matière d’adaptation requises, qui soient aussi des catalyseurs pour une transformation structurelle profonde sur les plans économique et social en Afrique ;

- consolider nos engagements respectifs en matière de lutte contre les effets du changement climatique, pour donner davantage de cohérence à nos stratégies et avancer ensemble ;  

- accélérer la réalisation des initiatives déjà identifiées ou lancées, en s’appuyant non seulement sur nos ressources intrinsèques mais également en mobilisant les bailleurs de fonds, multilatéraux et bilatéraux ainsi que les acteurs non étatiques ; à titre d’exemple, il s’agit d’initiatives :

* visant à renforcer la résilience de notre continent face aux menaces du dérèglement climatique, en particulier « l'Initiative Africaine pour l'Adaptation », l'initiative pour « l'Adaptation de l'Agriculture Africaine », connue sous l’acronyme « Triple A », le projet de la « Grande Muraille Verte pour le Sahara et le Sahel», l’initiative pour la « Sécurité, la Stabilité et la Soutenabilité », celle pour la « Résilience Rurale », ou encore celle en faveur des « Forêts dans la Région Méditerranée et au Sahel » ; 

* en faveur d’une co-émergence durable africaine, notamment « l'Initiative Africaine pour les Energies Renouvelables », celle relative à la « Conservation de l’Ecosystème du Bassin du Lac Tchad », celle pour une « Croissance Bleue », ou encore celle portant sur la réalisation d'un « Couloir Africain de l'Energie Propre » ainsi que le « Fonds Bleu pour le Bassin du Congo ». 

- encourager et faciliter la participation du secteur privé à la mobilisation de capacités et de financements supplémentaires pour relever le défi du changement climatique.

Nous lançons un appel à nos partenaires stratégiques pour :
- renforcer notre coopération dans le sens de l’ambition africaine pour un développement durable et inclusif ;  

- fournir un appui efficace et concret à la mise en œuvre de cette l’ambition, à travers notamment, l’augmentation du financement public, la facilitation de l’accès au financement climatique et son rééquilibrage en faveur de l’adaptation, le renforcement des capacités et le transfert de technologies.

Tout en remerciant Sa Majesté Mohammed VI, roi du Maroc, d’avoir pris l’initiative de convoquer ce sommet de l’Action en faveur de la co-émergence de l’Afrique,

Et en relevant la pertinence d’unir la voix du continent pour mieux défendre ses intérêts,  

Invitons le roi du Maroc, en relation avec le président en exercice de l’Union africaine, à œuvrer pour la mise en œuvre de cette Déclaration, notamment au niveau de la coordination et du suivi des initiatives prioritaires dans les domaines de la lutte contre les changements climatiques et du développement durable ainsi que de la mobilisation des partenaires du continent, bilatéraux ou multilatéraux et décidons, dans ce cadre, la création de trois commissions dédiées à :

1. La région du Sahel, présidée par la République du Niger;

2. La région du Bassin du Congo, présidée par la République du Congo;

3. les Etats Insulaires, présidée par la République des Seychelles.

La Rédaction

Légendes et crédits photo : 

Les chefs d’État africains participant au sommet extraordinaire de Marrakech

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