Lai Mohammed : « Nous devons utiliser la culture pour combattre l’idéologie extrémiste de Boko Haram »

Vendredi 7 Avril 2017 - 21:00

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Le Nigéria était le pays à l’honneur du Pavillon des Lettres d’Afrique, le stand panafricain réunissant une dizaine de pays du continent, innovation du dernier Salon Livre Paris, qui s’est tenu dans la capitale française du 24 au 27 mars dernier. Lai Mohammed, ministre de l’Information et de la culture du Nigéria, présent dans la ville lumière pour l’occasion, a répondu aux questions des Dépêches de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Monsieur le ministre, il s'agissait de votre première participation au Salon du livre de Paris, quelles sont vos impressions ?

Lai Mohammed (LM) : Il me semble que jusqu’à présent l’Afrique anglophone avait été exclue du Salon du livre de Paris et je me demande pourquoi. Nous avons été ravis cette année, non seulement d’être inclus dans la programmation mais  d’être présents en tant qu’invités d’honneur. Je suis venu avec le premier Prix Nobel de littérature africaine, Wole Soyinka, car nous comprenons l’importance que les livres doivent jouer dans les vies de chacun de nos pays.

LDB : Le Nigéria est réputé pour sa littérature, à travers ses nombreux auteurs appréciés. Quel est le secret de votre pays ?

LM : Je pense qu’il ne s’agit pas seulement du Nigéria mais de toute l’Afrique. Nous avons tellement de choses à dire. La chose qui distingue la scène littéraire nigériane est que dans un pays qui a près de 500 cultures, langues et histoires différentes,  ils est important d’avoir des gens qui rapportent ces sujets avec leur propre vision. De façon plus importante, je dirais qu’alors que l’on peut tuer des individus, on ne peut pas tuer des livres, ni la culture. Nous croyons que nous devons encourager ces auteurs, ainsi que les habitudes de lecture. Nous sommes donc confrontés à un double défi : le premier est d’assurer que le plus grand nombre de personnes soient en mesure de lire et d’écrire et nous devons également encourager la culture de la lecture qui est en train de se mourir. Les réseaux sociaux ont porté un coup fatal à cette dernière. C’est pour cela que ce genre de Salon est important.

LDB : Est- ce un signe que le Nigéria prendra davantage part aux Salons du livre organisés un peu partout en Afrique Francophone et peut-être à Brazzaville ?

LM : Oui, il y a une petite incompréhension car dans le monde francophone, les livres et la lecture sont plus perçus comme une question culturelle. Alors que dans le monde anglophone, les Salons du livre et les bibliothèques relèvent du ministère de l’Education. Aussi je pense que ce serait une bonne idée si les organisateurs prenaient cela en compte et adressaient leurs invitations aux ministères appropriés. Dans le cas précis, les ministères de l’Education et de la culture. Et je pense que si nous recevons les invitations à temps, nous nous préparerons et je peux vous dire que nous avons de très nombreux auteurs au Nigéria aujourd’hui, dont certains ont remporté des récompenses dans le monde entier, qui seront désireux de participer à ce genre de  Salon du livre afin de présenter leurs ouvrages au public.

LDB : Au Nigéria, vous êtes confrontés à la menace de Boko Haram, un mouvement qui a déclaré les livres anathèmes. Pensez-vous que la littérature puisse être une arme pour contrer ces extrémistes ?

LM : Je pense que l’une des armes les plus efficaces pour contrecarrer Boko Haram et les organisations terroristes du même genre est la littérature, les livres. Nous devons mener une dé-radicalisation des populations. Il est ironique que Boko Haram affirme littéralement que l’éducation occidentale est mauvaise mais qu’ils profitent de cette éducation pour promouvoir leur philosophie. Nous avons besoin de plus de livres pour combattre Boko Haram et ses semblables. Mais je dois dire que Boko Haram est mal compris par la plupart des personnes. Ce  n’est pas une affaire de religion, ou d’appartenance ethnique. Boko Haram est simplement du terrorisme qui essaie d’utiliser la religion comme couverture. Les terroristes n’ont pas de frontières, pas de limites, pas de couleurs. Nous devons nous unir avec le monde entier, et utiliser les livres, la culture pour combattre cette idéologie extrémiste.

LDB : Le projet qui sous-tend le Pavillon des Lettres d’Afrique est de créer un grand Salon de littérature panafricain. Est-ce une initiative que le Nigéria soutiendrait ?

LM : Je pense que nous serions heureux de soutenir une telle initiative. Quand je grandissais, je lisais des livres provenant de toute l’Afrique et nous voyions à quel point nous sommes proches sur le continent. Que ce qui nous divise est bien moins important  que ce qui nous unit. L’un des niveaux de coopération que nous pouvons avoir en Afrique est à travers ces Salons du livre et ces échanges culturels. Que nous commencions à comprendre qu’il n’y a pas tant de différences entre le Congolais et le Yoruba ou entre le Malien et le Fulani. J’estime que ces genres de projets devraient être encouragés et soutenus par tous les membres de l’Union Africaine. Et nous ferons notre part.

 

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Photo 1_2 : Lai Mohammed, ministre de l'information et de la culture du Nigéria ©Fredy Mizelet Photo 2_2 : Lai Mohammed (à droite), ministre de l'information et de la culture du Nigéria, et Wole Soyinka, Prix Nobel de littérature ©Fredy Mizelet

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