COP : vingt-deux ans de négociations, mais sans grand succès

Samedi 30 Décembre 2017 - 12:19

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Depuis la première COP, le climat s’est emballé : montée des eaux, hausse des températures, intensification des événements extrêmes… Ces vingt-cinq dernières années, tous les indicateurs sont passés au rouge.

La question du changement climatique obsède aujourd’hui politiques, médias et grand public. Depuis plus de vingt ans, la communauté scientifique s’accorde à dire que nous sommes face à un réchauffement climatique global, induit par l’Homme via nos émissions de gaz à effet de serre. Cette prise de conscience a poussé nos dirigeants à se réunir afin d’établir une politique commune de lutte contre le changement climatique. C’est dans ce cadre qu’ont lieu annuellement les COP, ou conférences des parties, rassemblements internationaux sous l’égide de l’ONU. Mais ces multiples réunions n’ont toujours pas permis de trouver un consensus.

Le 28 mars 1995 s’ouvrait, à Berlin, la première Conférence des parties (COP1) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Vingt-deux années plus tard, dans la foulée de la COP23, les Etats tergiversent encore sur les moyens à mettre en œuvre pour endiguer le changement climatique en cours. C’est peu dire qu’en près d’un quart de siècle, la diplomatie climatique n’a permis aucune amélioration mesurable de la situation. De fait, entre la COP1 et la COP23, les changements qui ont affecté le système climatique sont considérables.

Les inondations ont frappé l’Asie, les pluies torrentielles et les coulées de boue qui ont touché l’Afrique occidentale et l’Amérique du sud, de même que le train de cyclones tropicaux qui s’est abattu sur la Caraïbe et le golfe du Mexique ont été les effets les plus visibles et destructeurs de la colère météorologique. Une telle conjonction de désastres, à travers tous les continents, était inconnue au milieu des années 1990.

Coût des catastrophes

Même si le réchauffement des eaux de l’Atlantique est l’un des facteurs favorisant le développement des cyclones les plus puissants, ces événements ne peuvent, pris isolément, être mis sur le compte du changement climatique. Mais la tendance lourde est là. En 2017, les cinq ouragans les plus coûteux totalisaient des dégâts estimés à 448 milliards de dollars. En 1995, les cinq ouragans les plus destructeurs n’avaient causé de pertes économiques qu’à hauteur de 51,7 milliards de dollars. En vingt-deux ans, dans le bassin atlantique, le coût de ces catastrophes a presque décuplé – même si d’autres déterminants que le seul changement climatique sont à l’œuvre.

Un événement censé se produire une fois par siècle dans les années 1990 est devenu presque banal. « Le réchauffement du climat change la probabilité que surviennent les précipitations les plus intenses dues à des ouragans, comme celles d’Harvey », explique Kerry Emanuel, professeur de sciences de l’atmosphère au Massachusetts Institute of Technology de Boston, spécialiste des cyclones tropicaux.

Les coûts dus au changement climatique sont bien plus conséquents. Associés aux coûts des catastrophes en Asie, en Afrique et en Europe, du fait des inondations, éboulements de terrain, les dégâts sont bien plus énormes que ce rappel à la triste réalité américaine.

Depuis la première COP, la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2) – le principal carburant du réchauffement – est passée de 360 parties par million (ppm) à 405 ppm. Il faut remonter au-delà du pliocène, il y a quelque trois millions et demi d’années, alors que la planète avait une physionomie complètement différente, pour retrouver des concentrations semblables de CO2 atmosphérique. Le réchauffement qui en découle se poursuit, sans marquer le pas. Entre 1995 et 2017, la température moyenne mondiale a augmenté de quelque 0,4 °C, et le niveau moyen des océans a grimpé de huit centimètres. Un chiffre qui semble modeste mais dont l’impact sur le trait de côte peut être important.

Inédit depuis trois cents millions d’années

Si l’eau monte, c’est que les glaces reculent. Depuis le milieu des années 1990, tous les glaciers d’altitude et les calottes glaciaires s’amenuisent. La banquise arctique, la plus sensible au réchauffement, se rétracte, elle aussi, sous l’effet de la hausse de la température moyenne. En 1995, elle occupait à son minimum estival une superficie de 6,05 millions de km2. Vingt-deux ans plus tard, il n’en reste plus que 4,6 millions de km2 – pourtant encore au-dessus du record de 2012, qui pointait à moins de 3,5 millions km2 de glaces de mer arctiques.

Parmi les effets potentiellement les plus lourds de conséquences s’en trouvent certains qui, invisibles, n’étaient même pas identifiés en 1995. Voilà vingt-deux ans, aucun chercheur ni aucune publication scientifique n’imaginaient que l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère puisse acidifier les océans, par dissolution d’une partie de l’excès de gaz carbonique… Ce phénomène est susceptible de réduire la productivité biologique des océans, en affaiblissant certains planctons formant le socle de la chaîne alimentaire.

Depuis 1995, en moyenne mondiale, les eaux de surface des océans ont perdu 0,04 point de pH – plus du double pour certaines mers comme la Méditerranée. Le chiffre peut paraître modeste mais cela représente une variation de 10 % de la concentration d’ions hydrogène, en moins d’un quart de siècle. Les données les plus consensuelles sur le sujet indiquent que ce rythme de transformation de la chimie des océans est inédit depuis trois cents millions d’années.

L'Afrique paye un lourd tribut

Environ trente-deux millions de personnes sont en état d'insécurité alimentaire en Afrique australe en raison de la grave sécheresse qui frappe la région depuis près de deux ans, annonce le Programme alimentaire mondial (PAM) dans son dernier rapport. Plusieurs pays d'Afrique australe ont déjà déclaré l'état de catastrophe naturelle sur une partie de leur territoire, à l'image de l'Afrique du Sud, du Malawi et du Zimbabwe.

« Bien que prévisible, la sécheresse est la catastrophe naturelle la plus coûteuse et la plus meurtrière de notre époque. Il appartient aux gouvernements de tous les pays exposés à ce fléau d'élaborer et de mettre en œuvre, en les adaptant au contexte national, des politiques de lutte contre la sécheresse axées sur les alertes précoces, la prévention et la gestion des risques », indiquait le secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), Luc Gnacadja, lors d’une réunion de haut niveau sur les politiques nationales en matière de sécheresse à Genève (Suisse) en 2013.

« Le coût des interventions a posteriori est bien plus élevé que celui de la gestion des risques et des mesures d'anticipation. Aussi faut-il agir sans attendre les prochaines sécheresses et leur cortège de famines et de décès », a-t-il ajouté. En effet, alors que les études montrent que la fréquence, l'ampleur et l'intensité des sécheresses devraient s'accroître sous l'effet du changement climatique, rares sont les pays qui se sont dotés de politiques efficaces de lutte contre ce fléau.

Selon African Risk Capacity (ARC), une mutuelle panafricaine de gestion des risques climatiques, les coûts d’intervention en cas d’événements climatiques extrêmes en Afrique, notamment les sécheresses, sont en grande partie supportés par la communauté internationale. Ainsi, en 2012, le PAM a consacré 2,7 milliards de dollars, soit 66% de ses dépenses totales, afin de venir en aide à 54,2 milliards de personnes sur le continent. En comparaison, les demandes d’aide globales et les appels « éclair » lancés la même année pour aider les pays africains étaient de 7,2 milliards de dollars et le montant des dons reçus avoisinait 4,5 milliards de dollars, soit 62,5% des fonds nécessaires.

En somme, les catastrophes naturelles absorbent presque 50% de la totalité de l’aide alimentaire multilatérale apportée en Afrique. Et pour cause : la sécheresse affecte dangereusement la croissance du PIB africain. Outre le fait qu’elle ralentit la croissance économique, une baisse aussi drastique accroît également le déséquilibre budgétaire, provoque un recul des acquis du développement et affaiblit la capacité de résilience d’un pays, souligne le rapport de l’ARC chargé d’octroyer des fonds en cas de sécheresse et d’aider ces pays à élaborer des plans d’urgence afin d’assurer la mise en place d’interventions rapides et efficaces. Pour ce faire, deux éléments essentiels sont nécessaires : la gestion des risques et l’investissement.

Mettre en place une bonne gestion des risques

Les investissements permettent de mieux appréhender les risques chroniques et de poser les bases d’une aide constante et prévisible en faveur des ménages pauvres et vulnérables. Ces derniers seront ainsi en mesure de constituer des réserves et de mettre en place des moyens de subsistance qui leur permettront ensuite d’améliorer leur capacité de résilience lors de sécheresses modérées, normales et relativement fréquentes sans aide extérieure. Une fois défini le montant minimum des investissements appropriés à un contexte de risques chroniques et permettant aux ménages de commencer à constituer des réserves et protéger leurs moyens de subsistance, il est indispensable de mettre en place une bonne gestion des risques, souligne l’ARC.

La mutualisation des risques qui prend en compte différents modèles pluviométriques pourrait permettre aux différents pays de préserver jusqu’à 50% de leurs fonds de réserve d’urgence tout en diminuant leur dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure. Quoi qu’il en soit, il est plus que temps que les leaders africains mettent en place des mécanismes concrets visant à protéger plus efficacement la population exposée aux conséquences des catastrophes naturelles comme les sécheresses à l’origine souvent de l’insécurité alimentaire, et à appréhender ce qui constitue aujourd’hui un problème extrêmement coûteux et un obstacle majeur au développement économique du continent.

Josiane Mambou Loukoula

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