Musique : Lutumba Simaro s’est éteint à Paris

Samedi 30 Mars 2019 - 15:30

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Le guitariste et auteur compositeur prolifique de la République démocratique du Congo est décédé le 30 mars, dans la capitale française, à l’âge de 81 ans, ont confirmé son entourage ainsi que son manager Willy Tafar.

On savait Lutumba Simaro très malade, mais pas au point de s’imaginer que l'irréparable pouvait arriver aussi vite. En effet, ses fans étaient habitués à ses contrôles médicaux réguliers, tant à Kinshasa qu’en Europe, au terme desquels il s’en sortait toujours ragaillardi.

Cette fois-ci, Lutumba Simaro (81 ans) ne reviendra  plus au pays sur ses deux jambes, ne s’affichera plus dans son bled de Lingwala ni à Bibwa, dans la périphérie est de Kinshasa, où son orchestre Bana Ok avait pris ses quartiers. Le guitariste émérite a simplement quitté la terre des hommes. Brutalement ! C’est tôt dans la matinée du 30 mars que la nouvelle s’est répandue dans la ville, laissant pantois et sans voix plusieurs mélomanes.

Une page de la musique congolaise tournée

Depuis Paris, l’onde de choc a traversé Kinshasa et l’Afrique, laissant derrière elle tristesse et désolation mais aussi un sentiment de vide. Guitariste hors pair, doublé des qualités d’auteur compositeur, le poète Lutumba fait partie de ces spécimens rares qu’on ne retrouve plus dans le gotha musical congolais. Avec lui, c’est une page de l'histoire de la musique congolaise moderne qui se tourne car, à lui seul, Lutumba Simaro incarnait une époque, une génération et une lignée musicale.

L’artiste qui vient de tirer sa révérence traîne plus de soixante ans d’une carrière musicale pleine et ininterrompue. Il passait pour une source intarissable d’où venaient s’abreuver constamment des jeunes en quête des repères. « J’ai accompli ma mission. Que les autres suivent mes pas et n’empruntent pas des voies immorales », avait-il déclaré au détour d’une interview accordée à une chaîne locale. Des propos à valeur testamentaire qui dénotent tout l’intérêt qu’il portait pour le texte qui primait souvent, dans ses chansons, sur la mélodie.

Des empreintes indélébiles dans l'OK Jazz

Les formules métaphoriques et alambiquées ont constitué sa marque de fabrique. En toute circonstance, il trimballait toujours un proverbe au bout de ses lèvres. Cette approche musicale fit des émules parmi la génération montante devenue passionnée des aphorismes. Tout le mérite revient à Simaro Masiya dont la chanson référence "Mabele", rendue par le chanteur Sam Magwana, symbolise mieux ce style musical fondé sur le texte. L’ancien sociétaire du TP OK Jazz de feu Luambo Makiadi qu’il intégra en 1961 aura laissé des empreintes indélébiles dans ce groupe musical qu’il a porté aux nues avec des titres tels que "Okokoma mokristo" (1969) et "Ma Hélé" (1970).

Au-delà des clichés, le poète Lutumba aura été un exemple de modestie et d’humilité. Il avait toujours prôné la paix entre ses pairs en s’efforçant toujours d’être au-dessus de la mêlée et de la vile polémique. C’est ainsi qu’à la suite de la brouille née autour de la gestion post Franco du T OK Jazz, il préféra quitter les allées de la controverse pour monter, en janvier 1994, son propre groupe Bana Ok, en compagnie de Ndombe Opetum, Josky Kiambukuta, Mazaza et autres. Miné par la maladie et après avoir raccroché définitivement avec l’art d’Orphée, il s’est finalement décidé de confier les rennes de son groupe à Manda Chante, lui-même leader d’un autre orchestre, Wenge Référence.

Entre-temps, son vœu de voir le pays lui gratifier, de son vivant, d’un monument, aura été exaucé. Son buste érigé dans sa commune de Lingwala, à quelques encablures de la télévision nationale, ne cesse de solliciter, depuis l'annonce de sa mort, les regards des passants.     

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Lutumba Simaro

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