Barly Baruti : « Nous avons essayé de remettre à jour cette page d’histoire »Lundi 14 Mars 2016 - 17:28 Co-auteur avec le scénariste belge Thierry Bellefroid de « Chaos debout à Kinshasa », le dessinateur congolais met dans cette nouvelle bande dessinée les projecteurs sur les dessous d’un événement médiatique historique, à savoir le Combat du siècle de 1974. L’album remet le lecteur dans le contexte de l’époque mais les auteurs y offrent un nouveau regard ayant imaginé comment la guerre froide pouvait s’être invitée au cœur de cet épisode de l’histoire du sport. Avant la présentation qu’il va en faire ce 15 mars à Paris, Barly Baruti en séjour à Kinshasa a livré en exclusivité aux Dépêches de Brazzaville un aperçu sommaire du roman graphique samedi avant de prendre son vol pour Paris. Les Dépêches de Brazzaville : « Chaos debout » est un titre assez particulier et on ne peut plus évocateur dira-t-on… Barly Baruti : Chaos debout, titre évocateur d’un système pourri de tous les États qui essaient de s’affirmer dans le giron politique mondial. Il y a toujours des couacs et au Congo, Zaïre de l’époque, il y avait un chaos indescriptible. Il existait déjà cette bipolarité avec d’un côté les États-Unis et de l’autre, l’URSS et le terrain de jeu de ses affrontements, c’était l’Afrique. Nous avons essayé de remettre à jour cette page d’histoire. LDB : Le Combat du siècle serait donc seulement un prétexte pour parler d’une réalité politique assez sensible ? BB : Mon scénariste, Thierry Bellefroid, qui est d’ailleurs votre homologue car il a présenté pendant longtemps le JT à la RTBF et maintenant il est sur des émissions littéraires, avait cette idée dans ses valises, ses cartons. Depuis un certain temps, il avait à l’esprit de réaliser quelque chose à propos de ce qui ce serait passé autour du fameux combat, les différents enjeux qui l’entouraient. Et lorsqu’il a vu ma BD « Madame Livingstone », il s’est dit que mon style irait très bien avec ce qu’il avait en tête. C’est comme cela qu’il a essayé de trouver les moyens de la réaliser ensemble. Cela m’a plu. J’ai trouvé l’idée très bonne. Elle me replongeait dans ma jeunesse. J’avais 15 ans au moment du Combat du siècle et cela me permettait de participer à ma manière à revenir sur cette page de l’histoire en y mettant mon grain de sel esthétique. LDB : En faisant le lien avec cette rencontre hyper médiatisée, on penserait à K.O. mais vous parlez de Chaos debout à Kinshasa. Une façon de prévenir le lecteur que votre coup de projecteur est ailleurs que sur le ring ? BB : Nous n’avons pas voulu faire un simple jeu de mots. Nous sommes passés de K.O. à Chaos pour montrer le chaos qui prévalait mais aussi montrer à quel point Mobutu avait dans son esprit voulu faire du Zaïre un point de mire. Faire en sorte qu’à cette période-là que tous les regards se tournent vers son pays. Et, il a trouvé ce qui l’aiderait à y parvenir après avoir pris de mauvaises décisions qui ont créé des situations difficiles à l’instar du Recours à l’authenticité, la Zaïrianisation et tout ce qui s’ensuit. Mais, en même temps, il y avait de l’autre côté Mohamed Ali qui voulait redorer son blason parce qu’on lui avait retiré son titre pour avoir refusé d’aller combattre au Vietnam. Et donc, lui, dans sa tête, il pensait : “Je vais rentrer en Afrique... L’Afrique aux Africains, en référence au discours de Marcus Garvey et consort“. Et Mobutu avait, de son côté, ses ambitions personnelles. Les deux personnages avaient trouvé quelque part une chance de faire parler d’eux, sauf que l’un payait l’autre. Mobutu avait sorti dix millions de dollars, cinq pour Foreman et cinq pour Ali. Et, je ne parle pas de tout ce qu’il fallait pour l’accueil des stars du ring et tous les musiciens venus du monde entier pour le festival qui s’est tenu en marge du combat. Et donc, cette période est une belle illustration qui montre d’un côté la décadence et de l’autre le prestige et une sorte de fierté comme pour dire : “On existe“. LDB : Chaos debout à Kinshasa est-il disponible en librairie à Kinshasa ? BB : Nous avons un grand problème, un sérieux problème en République démocratique du Congo, celui du livre. Il n’y a pas une politique du livre. Mais encore, nous avons grandi dans un contexte particulier, nous étions curieux. On tombait sur un journal par terre, on le ramassait pour le lire. Nous avions le goût de la lecture, nous aimions le faire. Aujourd’hui, on se contente de poser des questions à la personne qui a le journal en mains au lieu de chercher à le lire soi-même. À la limite, tu le prends en mains juste pour faire un peu intello mais tu demandes quand même qu’on te le résume. Mais le plus dur c’est qu’il n’existe pas une politique concrète de diffusion du livre. C’est à nous de créer des stratégies de proximité du public avec le livre.
Nioni Masela Légendes et crédits photo : La couverture de Chaos debout à Kinshasa Notification:Non |