C’est la guerre !

Samedi 12 Décembre 2015 - 12:55

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Les Américains annoncent qu’ils vont revenir en Irak pour « finir le travail ». La réalité sur le terrain impose aux états-majors de parler ouvertement de guerre.

Le mot n’était pas tabou, mais il se déclinait en des versions qui le diluaient dans un magma de termes pour en atténuer peut-être la brutalité. Contre le terrorisme exercé surtout par l’Etat islamique (ISIS), les Occidentaux parlaient d’attaques, de conflit, de violences, de combats. Et les troupes combattant le mouvement islamiste en Irak et en Syrie prenaient surtout le grand soin de diriger les opérations de loin, préférant bombarder à partir du ciel les positions ennemies.

Tout cela va changer car les capitales occidentales sont désormais unanimes sur un fait : « Penser battre notre ennemi en allant le frapper loin de nos maisons, c'est refuser de voir la réalité en face ». Ces propos sont du Premier ministre italien Matteo Renzi, pourtant un des plus réticents aux bombardements en Syrie contre l’ISIS. Instruits par l’aventurisme de l’ancien président français Nicolas Sarkozy en Libye et par celui tout aussi « frankensteinien » de George Bush en Irak où le remède s’est révélé pire que le mal, les Italiens hésitaient jusqu’ici à se joindre à une coalition jusqu’au-boutiste.

En Italie on continue de soutenir que l’attitude téméraire des Français et des Britanniques a conduit à l’effondrement du régime Kadhafi au point qu’aujourd’hui on parle de ce pays comme la seconde place forte de l’ISIS après la Syrie. « Il faut des actions militaires », a soutenu une autre figure haute de la gauche européenne, Mme Elisabeth Guigou, présidente de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française et qui n’était pas jusqu’ici rangée parmi les faucons. Elle ajoute que si la France n'était pas intervenue militairement au Mali, « nous aurions aujourd'hui un Etat terroriste en Afrique ».

La guerre est donc désormais dans la bouche de tous. La France qui appelle de ses vœux la formation d’une vaste coalition contre l’ISIS en Syrie ne l’a pas vraiment obtenue mais les ralliements individuels à cette idée conduisent au même résultat. Si Russes et Américains continuent de jouer sur le terrain au « je t’aime moins non plus », leurs positions initiales se sont visiblement rapprochées. La Grande Bretagne a obtenu de son parlement qu’elle se joigne aux bombardements en Syrie alors que l’Allemagne, d’habitude pacifiste, annonce qu’elle ne laissera pas ses alliés seuls. Elle entend apporter une aide logistique qui ne sera pas de trop. Russes et Turcs continuent de se regarder en chiens de faïence et se soupçonnent des pires avanies, mais leurs armées sont actives aussi dans la région.

Tout est en place pour une guerre qui ne disait pas jusque-là son nom. Les Etats-Unis annoncent pour jeudi prochain une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU afin de débattre des moyens d'assécher le financement de l'ISIS. « Un front international uni est crucial pour atteindre l'objectif » d'isoler l'EI du système financier international et « gêner son financement », a affirmé le secrétaire américain au Trésor Jacob Lew. Et pour ne pas être en reste, le ministère américain de la Défense a indiqué que les Etats-Unis étaient prêts « à aider l'armée irakienne avec des moyens additionnels » pour « finir le travail » à Ramadi, « y compris des hélicoptères d'attaque et des conseillers militaires accompagnant » ces forces irakiennes. En clair armement, oui, mais aussi retour des militaires US en Irak : la guerre !

Le ministre américain de la Défense, Ashton Carter, dit avoir demandé aux pays de la région moyen-orientale « des forces spéciales, des avions de reconnaissance et d'attaque, et des armes et munitions. La Turquie doit en faire plus pour contrôler sa frontière souvent poreuse », a-t-il affirmé. Avant d’ajouter : « j'aimerais que les nations sunnites arabes en fassent plus », car ces pays auraient « un avantage distinctif » dans le combat terrestre pour reprendre les régions détenues par le groupe Etat islamique en Syrie et en Irak, qui sont pour la plupart sunnites, a-t-il dit. Si cela n’est pas la guerre, ça y ressemble diablement.

Lucien Mpama

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