COP21/ Angélique Delahaye : « Ce n'est pas parce qu'il y a un accord à Paris que nous aurons trouvé la solution au changement climatique »

Jeudi 12 Novembre 2015 - 12:30

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Angélique Delahaye est députée européenne, membre de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Elle est également membre de la délégation du Parlement européen à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.

Les Dépêches de Brazzaville : Quelle lecture faites-vous de l’organisation de la COP 21 ?

Angélique Delahaye : La COP21 à Paris doit être le lieu d'un succès historique car c'est l'aboutissement du programme des Nations unies et de négociations depuis plus de 20 ans. Je suis assez optimiste car la prise de conscience devient générale, les pays pollueurs reconnaissent, aujourd'hui, leurs responsabilités. Le meilleur moyen pour réussir à Paris, c'est d'être ambitieux et pragmatique, il faut que nous obtenions un accord international contraignant pour le plus grand nombre et, en particulier, pour les pays les plus émetteurs. Enfin, nous aurons besoin d'un financement réel et de solutions concrètes pour que nos engagements soient tenus.

LDB : Quelle est l’importance des sujets qui seront développés tant pour l'Europe, les pays émergents et ceux les moins avancés ?

AD : La conférence de Paris doit aboutir à un accord englobant, pour la première fois, pays développés et pays émergents. Ces derniers rejetant aujourd’hui environ un tiers des GES – dont la Chine est devenue le premier émetteur mondial en 2010. Associer les pays émergents à la décrue des émissions de GES (avant la « neutralité carbone » visée pour la fin du siècle) impose d’honorer la promesse faite à Copenhague en 2009 de dégager 100 milliards de dollars par an, d’origine publique et privée, pour soutenir, à compter de 2020, l’atténuation du dérèglement climatique et l’adaptation à ses impacts, dans les pays dénués de responsabilité historique sur ce phénomène. Plus encore cette question très politique des 100 milliards de dollars annuels, cruciale pour les pays en développement, se pose celle de la réorientation des investissements dans les infrastructures (environ 5000 milliards de dollars par an au plan mondial) vers des projets et activités « climato-compatibles ». Outre l’aide financière, nous attendons des transferts de technologie, auxquels l’Inde est particulièrement attachée.

LDB : La stratégie commune Afrique-UE a défini huit partenariats thématiques de coopération. Celle liée au changement climatique et à l’environnement consiste à élaborer un calendrier commun concernant les politiques de lutte contre les changements climatiques et la désertification. Comment évolue cette stratégie commune sur l’environnement ? Quelles sont les activités qui sont menées ?

AD : L'un de ces huit partenariats est ClimDev-Afrique, qui est une initiative conjointe de la Banque africaine de développement, de la Commission de l’Union africaine et de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies. Elle vise à diffuser largement des informations précises sur le climat pour soutenir la formulation de politiques africaines, l’objectif étant d’intégrer le changement climatique dans les plans de développement déployés sur le continent. L’Union européenne (UE) soutient cette initiative, en faveur de laquelle elle a débloqué un montant de 8 millions d’euros, et aide ainsi ses partenaires africains à relever les défis du changement climatique et de l’environnement. Ce programme facilite, en particulier, la mise enplace de politiques, de pratiques, de services, de réseaux d’observation et de canaux de communication avec les parties prenantes en Afrique. En plus de ce partenariat, le soutien de l’UE a aussi permis la création, en 2012, du Centre africain pour la politique en matière de climat (CAPC), basé à Addis-Abeba (Éthiopie). Le CAPC entend être une plaque tournante pour la production sur demande de connaissances relatives au changement climatique en Afrique. La plupart de ses activités portent sur l’offre de services consultatifs, le renforcement des capacités, la coopération technique et l’échange de connaissances. Enfin, en février 2014, la Commission européenne a signé avec le Secrétariat du Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique un accord financier à hauteur de 60 millions d’euros visant à soutenir un programme global de résistance aux catastrophes en Afrique subsaharienne, sous la conduite de la CUA. L’objectif est de faciliter la mise en œuvre efficace du cadre de réduction du risque de catastrophe en Afrique sur le continent.

LDB : L’UE contribue à hauteur de 8 millions d’euros à l'initiative «Climat pour le développement de l'Afrique» qui soutient les politiques environnementales en Afrique. Comment évaluez-vous cette contribution ? Est-elle suffisante en faveur de ce continent qui est le plus vulnérable face aux effets néfastes des changements climatiques ?

AD : Il est certain que les pays africains sont des faibles émetteurs de gaz à effet de serre et sont malheureusement fortement touchés par les effets liés aux changements climatiques. Ainsi, nous sommes favorables au principe de responsabilité commune mais différenciée dans la lutte contre les effets liés au changement climatique et nous défendons à la nécessité d’allouer des fonds supplémentaires à ceux de l’APD (aide publique au développement) pour les pays d' Afrique afin de les aider à s’adapter. Le Fonds vert, qui devrait atteindre  100 milliards de dollars par an d’ici à 2020, sera une source de financement importante pour l’Afrique. Il conviendra, cependant, de veiller à ce que les pays développés respectent leur engagement financier.

LDB : Comment voyez-vous l’après Cop 21 ?

AD : Cette question essentielle n'a pas encore été clairement posée et sera étudiée très prochainement par les états membres. Si nous parvenons à un accord, ce dont j'appelle de mes voeux, il faudra que les États membres respectent leurs engagements. C'est pourquoi j'appelle la société civile à veiller à ce que l'après COP 21 soit un succès. Je pense qu'elle a un rôle majeur à jouer tout comme les acteurs non gouvernementaux, car c'est la première fois qu'ils sont autant inclus dans un accord climat. Comme je l'ai exprimé plus haut, le respect des engagements passe par un accord réaliste et pragmatique puisque ce n'est pas parce qu'il y a un accord à Paris que nous aurons trouvé la solution au changement climatique et à son cortège de perturbations (inondations, ouragans, sécheresses) que nous observons de plus en plus fréquemment. Mais bien parce qu'un mouvement sera lancé, à l'initiative des États membres, entraînant tous les acteurs vers la voie d'une évolution climatique positive. Enfin, les acteurs non gouvernementaux auront un rôle à jouer dans l'agenda des solutions mis en place par ces États membres. Cet agenda devra être suivi et respecté afin que l'après COP 21 soit un succès.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Angélique Delahaye / Crédits photo Droits tiers

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