Couleurs de chez nous: "Songi Songi"

Dimanche 3 Septembre 2017 - 9:56

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Sans être une valeur sociale, le sujet de notre chronique a désormais intégré la culture congolaise. Condamné et décrié, le phénomène s’enracine et devient l’une des thématiques de la musique de chez nous. « Songi songi eboma mboka mama… » (le songi songi a détruit le pays). Mais de quoi s’agit-il ?

Il s’agit de cette attitude qui vise au colportage des faits. Médisance, affabulations, délation, etc., autant de mots pour la compréhension de tous, notamment des non-lingalophones (néologisme pour dire locuteurs de l’une des langues nationales des deux Congo). Rien à voir avec la rumeur car celle-ci est souvent une information retenue et contenue et que l’on diffuse par dose homéopathique à des fins bien précises. L’expérience a montré que la rumeur est parfois avérée.

Or, le songi songi, information du registre privé, ne donne pas lieu à une exploitation publique. Elle n’est pas frappée du sceau « pour large diffusion », car elle nuirait. C’est son caractère pernicieux qui plait à bien de Congolais qui y prennent du plaisir à fouiller dans la vie des autres pour une diffusion ciblée et avec impact. Quand ils ne trouvent rien, ils se lancent la fabrication des faits ou le montage de fausses informations. C’est tout comme. Objectif : déstabiliser.

Les victimes de cette pratique se comptent en millions et chacun de nous en a déjà payé les frais en termes de divorce, de licenciement, d’éviction, de perte, de chute, etc. Personne n’y échappe, de la ménagère au haut fonctionnaire en passant par l’ouvrier et surtout l’homme politique.

Les athlètes de ce sale métier sont aussi appelés les « langues de vipères ». Peut-être parce que ce qui sort de leurs bouches n’est pas moins venimeux.  Si hier, le songi songi avait un champ limité, les nouvelles technologies lui ont donné une dimension planétaire. C’est en deux minutes qu’une information peut partir de France pour atteindre le Congo, rebondir en Chine, en Inde et s’évanouir aux États-Unis avec, le long de ce parcours virtuel, des dégâts incalculables. Et irréparables !

Véritable épidémie qui sape les relations entre Congolais, le songi songi n’a pas de remède. Ou si. Il suffit d’en analyser les causes ou les facteurs générateurs. Pour certains, il est le fait du chômage dans son acception la plus large. Imaginez un individu hyper occupé, l’esprit dans les dossiers, ou cet ouvrier sous pression de terminer un travail attendu. A-t-il le temps de battre le pavé ou de longer les couloirs à l’affût des secrets de gens ?  Le songi songi exige du temps pour le colporteur et des oreilles libres pour entendre. Je doute qu’un médecin aux urgences, un taximan au volant ou monteur aient le temps à consacrer aux « songueurs ». C’est le nom qui leur est donné./-

 

 

 

 

Van Françis Ntaloubi

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