Comment avez-vous eu l’idée de créer Ziana TV ?
Ziana TV est le fruit de l’expérience que nous avons acquise dans l’usage des NTIC et dans l’analyse des contenus en ligne concernant le Congo. Ce projet est né du constat selon lequel notre pays a une identité numérique négative. Si vous cherchez dans les moteurs de recherche des occurrences sur le Congo, vous aboutirez malheureusement sur des contenus qui ne sont pas valorisants, ni pour le pays ni pour nos autorités. Nous sommes également peu présents dans les contenus à forte valeur ajoutée, notamment la production des contenus vidéo. En effet, les modes de consommation TV passent aujourd’hui de plus en plus par le Net. La télé traditionnelle va tendre à disparaître, puisque les chaînes offrent leurs contenus en ligne après diffusion sur les canaux normaux. Ziana TV contribue à améliorer l’image du Congo en ligne, et nous anticipons donc sur les comportements de demain par rapport à la télé traditionnelle.
Travaillez-vous en lien avec le Département des Congolais de l’étranger (DCE) ?
Non. Jusqu’à présent, les passerelles avec nos autorités sont souvent informelles. Je connais personnellement la responsable du DCE, Mme Édith Itoua, avec laquelle j’ai collaboré sur des projets ponctuels, notamment lorsque nous avons géré la communication de la catastrophe de Mpila avec l’ambassade. Nous recherchons aujourd’hui une collaboration formelle avec l’ensemble de nos institutions et non une légitimation de notre projet. Notre objectif est de proposer de nouveaux canaux de communication pour la diaspora, et un espace d’expression pour l’ensemble des Congolais.
La diaspora n’a pas toujours bonne presse au pays. Est-ce que les contenus de Ziana TV sont efficacement relayés au Congo ?
Pour l’instant, en tenant compte des statistiques issues de la fréquentation de Ziana TV, nous bénéficions d’un relais important de la part des Congolais sur le Net. Depuis quelques mois, nous travaillons à des partenariats avec des chaînes locales pour la diffusion de certains contenus que nous produisons. En outre, lorsque nous accompagnons des personnalités congolaises à Paris ou ailleurs, ces reportages sont proposés à la chaîne nationale. De ce fait, nous contribuons à améliorer l’image de la diaspora en donnant la parole à des hommes et des femmes qui ne se livrent pas seulement à une critique facile du pays, mais font également des propositions pertinentes afin de faire avancer les choses. Par ailleurs, nous étions à Sibiti cet été pour montrer à tous l’apport concret de la diaspora. Tout autour de nous, il y a des hommes et des femmes qui se lèvent pour agir, qui ont envie d’apporter quelque chose au pays, et Ziana TV permet de leur donner de la visibilité et de médiatiser leurs actions. Cela donne une image positive du Congo et des Congolais de la diaspora.
Comment Ziana TV arrive-t-elle à réaliser ses programmes ? Êtes-vous subventionnés ou accompagnés ?
Ziana TV est un projet qui ne bénéficie d’aucune aide, que ce soit des autorités congolaises ou françaises. Nous sommes conscients de l’investissement sans mesure des hommes et des femmes qui constituent nos équipes pour produire les contenus que nous avons en ligne. Ziana TV est avant tout une histoire de passionnés, de professionnels impliqués dans la vie de la chaîne, et des Africains (Gabon, Bénin) qui aiment le Congo. Notre modèle économique va sans doute évoluer d’ici peu.
Quels sont vos projets de développement ?
Ziana TV progresse. Nous avons comme ambition d’être la voix de la diaspora et souhaitons avoir des correspondants un peu partout en Afrique et en Europe. Ceux qui ont visité le site cette année ont vu que nous avons créé un programme intitulé Sept jours avec la diaspora. Nous avons passé une semaine au Maroc, et à l’issue de ce séjour nous avons maintenant des compatriotes installés dans ce pays qui réalisent des contenus pour Ziana TV. Cette interview est l’occasion de lancer un appel, car Ziana TV est le premier projet média à forte valeur ajoutée vers le Congo réalisé par des Congolais de la diaspora. Il faut que demain Ziana TV puisse générer des emplois ici et là-bas.
Quel est le profil des collaborateurs de Ziana TV ?
Les collaborateurs de Ziana TV s’investissent dans ce projet parce qu’ils aiment le Congo et qu’ils ont envie que le pays ait un nouveau visage sur internet. Ce sont des hommes et des femmes issus du milieu de la communication ou férus de nouvelles technologies. Outre les Congolais, nous avons actuellement des collaborateurs issus d’autres pays, comme le Bénin et le Gabon.
Comment voyez-vous l’évolution des NTIC au Congo ?
En attendant l’implantation véritable de la fibre optique, le pays ne pourra envisager la diversification de son économie sans prendre en compte les NTIC et les intégrer dans une véritable stratégie nationale de développement. Le pays accuse un retard par rapport à ses voisins, mais qui peut être rattrapé si l’État s’implique véritablement dans le soutien aux start-ups. Pour moi, on ne peut pas penser les NTIC au Congo sans la création de contenus nationaux pour internet, gage de souveraineté. Il faut que l’internaute congolais connecté à Brazzaville ou à Pointe-Noire puisse avoir accès à des contenus locaux. Cela va développer l’économie nationale. Par exemple, aujourd’hui, les offres d’emploi de notre portail Congo Job sont relayées par une société indienne sur téléphone mobile via un opérateur installé au Congo. Des start-ups congolaises auraient, elles aussi, les compétences pour le faire. Dans le domaine de l’e-commerce, il faudrait encourager des entreprises congolaises à créer des outils pour faciliter les transactions en ligne afin que le Congo ait la maîtrise des flux financiers générés. Nous sommes entrés avec la mondialisation dans l’ère du numérique, et demain les nouveaux illettrés seront ceux qui ne sauront pas utiliser internet.
Le mot de la fin ?
L’ambassadeur Henri Lopes disait dans un récent discours que la diaspora congolaise avait changé et qu’émergeait un nouvel état d’esprit. Effectivement, il y a des hommes et des femmes qui veulent s’investir pour le Congo, et il appartient à nos autorités d’être attentives à ces énergies, pas seulement par des incantations, mais en proposant des choses concrètes.