Diversification de l’économie : le secteur privé, moteur de la croissance ?

Mardi 13 Mai 2014 - 13:47

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73,7% de la richesse nationale du Congo proviennent des ressources naturelles non transformées : 71,5% découlent de la rente pétrolière et 2,1% de la rente forestière. Pour renverser cette situation et dynamiser la croissance, tous les acteurs étatiques et privés ainsi que les bailleurs de fonds recommandent la diversification de l’économie. Une telle ambition suppose un secteur privé dynamique pour servir de moteur. Qu’en est-il de ce secteur au Congo ? Analyse.

Un pré-diagnostic a été réalisé sous forme de revue à mi-parcours avec l’apport de la Banque mondiale et, surtout, le projet d’appui à la diversification de l’économie afin de faire des projections. Ce travail, présenté devant les acteurs du secteur privé, portait sur «  les perspectives de développement du secteur privé congolais : revue stratégique et tactique ».

Cette étude vient en complément de premiers travaux qui relevaient tous, de manière très claire, les paradoxes existant en République du Congo, et notamment l’absence, au niveau du secteur privé congolais, d’un point focal consensuel.

« Faux ! », rétorquent les représentants de ce secteur, car, selon eux, il existe des textes réglementaires qui définissent ce point focal. L’argument s’appuie sur la chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers et sur les syndicats patronaux qui l’entourent.

Le rapport indique que les structures patronales existantes sont peu visibles, souvent ignorées ; elles existent sous la forme de mutuelle au lieu de constituer une synergie au service du pays. Selon ces mêmes structures, cette analyse n’est pas réaliste. « Je ne suis pas d’accord avec ce qui a été dit. Les syndicats patronaux sont connus et ont des appellations. Ils ne fonctionnent pas en mode d’ignorance mutuelle. Il y a de la synergie, an niveau du secteur privé, apportée par les syndicats patronaux, parce que nous le vivons au quotidien », a précisé le président de la chambre de commerce, Paul Obambi.

Le rapport, qui fait l’historique du secteur privé, rappelle aussi que le Congo est une économie en transition qui fonctionne hors secteur privé. Un argument balayé par les acteurs du secteur privé pour qui le secteur privé au Congo apporte l’essentiel des valeurs à l’économie congolaise. Ils ont même soutenu et démontré que le secteur privé était présent dans le pétrole, le bois, l’industrie, etc.

L’étude des experts a démontré que, dans un pays qui aspire à l’émergence, il n’est pas concevable que la gouvernance parte du haut vers le bas. L’analyse est partagée dans la mesure, mais force est de constater qu’au Congo, la décision est prise au sommet pour être appliquée à la base.

« Dans le business ou les synergies économiques, ça ne se passe pas comme cela. On part toujours du bas vers le haut. Le haut régule en ayant un regard vers le bas. Nous avons partagé cette approche qui a été bien développée par les experts. Je pense qu’ensemble nous allons aboutir à une bonne conclusion », a souligné le président de la chambre de commerce de Brazzaville.

Un autre volet du rapport souligne que l’État congolais a décidé d’investir massivement dans les infrastructures sans un véritable accompagnement même si, grâce à la municipalisation, les infrastructures ont été améliorées.

Reste cependant au secteur privé de s’approprier ces investissements pour les rendre rentables et pérennes. Des exemples ont été pris pour favoriser des partenariats entre l’État et le secteur privé, surtout dans le domaine de l’entretien. Le même secteur privé a été encouragé à accompagner l’État dans la construction des ouvrages.

L’une des solutions préconisées par les experts, dans le cadre du financement, concerne les fonds souverains. « Nous sommes d’accord sur ce point : il suffit de voir l’origine des fonds, comment ces fonds seront gérés car plusieurs d’entre eux ont été créés, mais l’argent a été dilapidé par les fonctionnaires chargés de le gérer et non par le secteur privé. Nous allons analyser cette proposition avec le gouvernement et les différents experts », a souhaité Paul Obambi.

Deux questions à Paul Obambi

Les Dépêches de Brazzaville : Existe-t-il une confusion des rôles entre le secteur public et le secteur privé ?

Paul Obambi : Dans un pays, chacun de nous joue son rôle. Nous savons qu’au Congo, beaucoup de fonctionnaires, dirigeants politiques et administratifs sont des hommes d’affaires cachés. Voilà une des lacunes du Congo. Au plan réglementaire, les textes sont clairs. Si un fonctionnaire devient opérateur économique, c’est une faute administrative. Le secteur public n’accorde pas assez d’opportunités au secteur privé pour permettre l’évolution des entreprises. Cela aussi, c’est une réalité. Lorsqu’on parle de secteur privé, il faut le voir dans son ensemble car il existe, à l’intérieur, des entreprises avec le statut de personnes morales ou physiques, de nationalité congolaise ou étrangère. On ne peut pas dire que Total et Eni ne font pas partie du secteur privé alors qu’elles sont membres d’Uni Congo et de la chambre de commerce. C’est au secteur privé de mieux s’organiser et de jouer son rôle. Donc, le tort est partagé avec, d’un côté, le secteur privé qui a ses faiblesses et devrait les corriger et, de l’autre, le secteur public, appelé à jouer son rôle régalien au lieu de s’impliquer, au quotidien, dans la vie du secteur privé.

LDB : Le Haut Conseil du dialogue public-privé tarde à démarrer. Qu’en est-il ?

P. O. : Nous avons dit non au secteur public qui voulait nommer les dirigeants. Nous ne sommes pas les fonctionnaires de la République, ce n’est pas à l’État congolais de désigner les membres du secteur privé. Ce moment est révolu. Le reste, c’est de la manipulation. Et aujourd’hui, l’État a été surpris en flagrant délit pour le poste de secrétaire permanent du Haut Conseil occupé par un fonctionnaire qui n’est autre que le directeur général de la promotion du secteur privé. C’est un scandale ! La vérité, c’est que la Banque mondiale et l’État congolais ont prévu un poste à candidature. Il ne faudrait pas qu’on transforme des hommes politiques en chefs d’entreprise. Nous avons demandé de lancer un appel à candidature. Il faut arrêter le cafouillage. 

Nancy France Loutoumba