Enquête : Mucodec, la crise sociale est-elle vraiment passée ?Jeudi 15 Mai 2014 - 15:04 À les observer de loin, les Mutuelles congolaises d’épargne et de crédit (MUCODEC) affichent plutôt une image de sérénité. Pourtant, depuis septembre 2013, une violente tempête a secoué cette société au point d’en emporter le directeur général, le Français Gérard Legier. Entré en fonction le 26 avril dernier, son remplaçant, Dieudonné Ndinga Moukala, prône « le changement et le renouveau ». Décryptage : la crise est passée. Retour sur ce que d’aucuns ont considéré comme « une révolution silencieuse » Même s’ils ne l’ont pas clairement déclaré, sociétaires et personnel des Mucodec savent que le nouveau directeur général a du pain sur la planche, car il faut relever d’importants défis pour remettre le navire sur le cap. Dieudonné Ndinga Moukala, qui n’est pas un arriviste aux Mucodec, sait que la mauvaise gestion figure en tête de la longue liste des griefs faits à son prédécesseur. Indigné et dépité, l’un des frondeurs, qui a requis l’anonymat, évoque une convention d’assistance technique signée, voici 20 ans, avec le Centre International du Crédit Mutuel (CICM). « Malheureusement, force a été de constater que ce partenariat avait dérapé pour prendre des connotations colonialistes caractérisées par le manque de considération, le dénigrement des Congolais et le pillage des richesses des Mucodec… » Les raisons de la colère… Pendant des mois, l’indignation, d’abord partagée par quelques responsables au niveau fédéral, a fini par se généraliser. Selon certaines indiscrétions, un système mafieux avait été mis en place au sein des Mucodec. « Par un tour de passe-passe, sans appel d'offre quelconque, on offrait des contrats léonins à une entreprise qui, moyennant des commissions juteuses (entre 10 à 40%), s'occupait des constructions, de la sécurité, du transit, du courtage, des recrutements par moment, et récemment de la validation des factures de la SCI Mucodec », indique cette même source. Constitués en « collectif », le personnel et les représentants se sont insurgés contre les actes de mauvaise gestion de leur direction générale jugés criards. Ils ont condamné « le regard coupable et complice » du Conseil d’administration fédéral. Au titre des actes, les « insurgés » retenaient : la cession totale à la société CREA (entreprise dont le statut est douteux, selon les syndicalistes), des prérogatives réservées à la Société civile immobilière Mucodec et à la direction logistique en matière d’expertise, d’acquisition immobilière, de construction, de gestion de patrimoine, d’achat de fournitures et mobiliers de bureau, d’installation de dispositifs de sécurité, de fret, etc., la mauvaise gestion du personnel caractérisée par des frustrations multiformes (dénigrement des travailleurs, avancement arbitraire des travailleurs très souvent basé sur le clientélisme, l’amateurisme managérial,...) La fronde à Brazzaville et à Pointe-Noire Face à cet état des choses, la cellule syndicale des travailleurs des Mucodec avait déclenché une série d’assemblées générales extraordinaires, du 19 et 24 septembre 2013 à Brazzaville et Pointe-Noire. Les revendications qui en ont découlé en disaient long sur le degré de la crise. Elles allaient de la révocation du président fédéral à la rupture de la relation entre les Mucodec et la société CREA en passant par la révocation des responsables parmi lesquels le directeur général. Après quatre mois d’attente « ces délibérations, qui constituaient pourtant la feuille de route de sortie de crise », dit un syndicaliste, n’ont pas été suivies d’effets. « Une autre délibération en date du 30 janvier 2014 est prise par le Conseil d’administration fédéral qui définit de nouvelles orientations », précise cette source syndicale. En clair, la désignation de l’actuel Directeur général, Dieudonné Ndinga Moukala, ne satisfait pas les partenaires sociaux dont ils établissent « une part de responsabilité dans la mégestion constatée » pour avoir été le bras droit de Gérard Légier. Autre motif d’inquiétude énoncé, le fait qu’« aucune option de recrutement à l’externe n’ait été envisagée ». La douche froide Comment reconduire et maintenir une direction générale qui a failli dans la gestion de l’entreprise et un Conseil d’administration fédéral faible et laxiste ? Telle est l’interrogation en milieu syndical qui fait craindre pour l’avenir de l’entreprise. Car, selon l’un des responsables syndicaux contactés, le soulèvement des travailleurs Mucodec n’a pas atteint son but : changer ou détruire entièrement le système mis en place au sein des Mucodec. « L’action syndicale n’a donc mené à rien, sinon à exposer encore plus ses représentants à de sévères représailles face à des instances encore plus fortes et mieux préparées à de telles situations », conclut ce syndicaliste. Une crainte que semble balayer l’actuel « capitaine d’équipe » qui, le 1er mai, rassurait. Dans un discours aux allures de politique générale, Dieudonné Ndinga Moukala évoquait « une entreprise mutualiste, transparente, démocratique… ». Il voulait « chacun à son poste » en même temps qu’il « rêve d’une entreprise apaisée, unie, solidaire pour mieux relever les défis de demain ». Quels sont ces défis ? Ils sont connus de tous et dépendront aussi de la COBAC qui a conduit un audit sur les Mucodec. L’heure est à une certaine appréhension avec une météo à surveiller de près et dont il faudra s’accommoder. Nancy France Loutoumba |