![]() Espagne: Rita Bosaho, première députée noireMercredi 23 Mars 2016 - 17:34 Née il y a 50 ans en Guinée équatoriale, Rita Gertrudis Bosaho Gori a fait sensation en Espagne en devenant la "première députée noire" depuis le retour de la démocratie. Aide-soignante, elle est issue du mouvement des "indignés". Le 13 janvier, elle prenait place pour la première fois avec les autres députés du parti de gauche radicale Podemos dans l'hémicycle du XIXe siècle dominé par les représentations d'Espagnols célèbres, de Christophe Colomb à Cervantes."Tout était émouvant mais ce qui m'a marquée, ce sont les visages des élus d'autres partis" quand nous sommes entrés dans "cet espace de pouvoir", dit-elle, gravement. "Subitement, nous représentions ce que nous avions crié dans la rue, nous représentions la citoyenneté" dans sa diversité. Elle-même devenait la première candidate noire démocratiquement élue députée, depuis la mort du dictateur Franco en 1975. Parmi ses modèles, Rita Bosaho cite d'abord l'Espagnole Clara Campoamor, qui "lutta pour le droit des votes des femmes" il y a 85 ans. Puis le Sud-Africain Nelson Mandela pour "ce qu'a représenté sa lutte" contre la ségrégation raciale. "Je suis devenue féministe en m'occupant de dames âgées qui me racontaient leur vie à l'hôpital, j'ai compris que la lutte féministe doit être politique. Le patriarcat existe toujours, c'est ce qu'il faut vaincre !", dit cette licenciée en histoire, en "militante de l'égalité" dans tous les domaines. D’aide-soignante à femme politique Aide-soignante dans sa ville portuaire d'Alicante (sud-est), elle s'était mêlée à la foule des "indignés" au printemps 2011, quand la contestation avait soudain envahi les rues d'Espagne. Cette mère d'un fils de 24 ans assistait aux débats qui dénonçaient "le chômage des jeunes poussés à l'exil par la crise économique, la corruption, la détérioration de la santé publique vendue au privé..." Puis elle avait rejoint Podemos fondé début 2014 "pour convertir l'indignation en changement politique". Et c'est ainsi que, tête de liste à Alicante, elle s'est retrouvée au Parlement, quand Podemos a obtenu plus de 20% des suffrages aux législatives de décembre. Rita Gertrudis Bosaho Gori est née en Guinée espagnole en 1965, en Afrique centrale. Trois ans plus tard, la Guinée espagnole proclamait son indépendance et se rebaptisait Guinée équatoriale. Mais le pays connut alors la dictature du président Francisco Macias Nguema. "Des proches en ont été victimes. Et mes parents ont voulu m'envoyer dans un pays où je pourrais avoir un meilleur avenir. Je suis partie à quatre ans et ai grandi en Espagne dans une famille d'accueil". Dès 1969, son oncle, Enrique Gori Molubela, avait été arrêté comme opposant, accusé d'avoir participé à un coup d'Etat manqué, puis assassiné en prison en 1972. Or cet oncle avait auparavant été un homme politique intégré au système colonial, représentant sa province à Madrid, comme député, à une époque où l'assemblée était étroitement contrôlée par l'Etat franquiste. Rita Bosaho, ancrée dans la gauche radicale, ne s'appesantit pas sur ce double destin dans la grande Histoire. Mais "le fait d'avoir dû fuir une dictature m'a marquée et cela a une résonance particulière en Espagne où des gens ont vécu la même chose sous le franquisme. Il faut condamner internationalement tout régime qui étouffe les droits de l'Homme". Mais ses "priorités" de députée sont en Espagne, notamment pour "en finir avec les politiques d'austérité". Si les partis ne s'entendent pas pour former un gouvernement de coalition, elle pourrait ne siéger que six mois, de nouvelles élections étant envisagées fin juin. Son étiquette de "première députée noire" lui restera: "c'est une grande responsabilité mais ça ne me pèse pas, je la porte avec fierté". Patrick Ndungidi avec Afp Légendes et crédits photo :Rita Bosaho, Photo PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP Notification:Non |