Exploitation du cobalt en RDC: publication d’un ouvrage et d’un livre blanc

Lundi 13 Février 2023 - 16:15

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Le livre « Cobalt Red », du chercheur Siddharth Kara, révèle les violations des droits de l'homme qui se cachent derrière l'exploitation minière du cobalt en République démocratique du Congo (RDC), tandis que « L’exploitation minière du cobalt en République démocratique du Congo : remédier aux principales causes des violations des droits humains », rédigé par la Pre Dorothée Baumann-Pauly, plaide pour une formalisation de l’exploitation artisanale du cobalt.

Publié le 31 janvier dernier, « Cobalt Red » est une enquête sans complaisance et révèle les violations des droits de l'homme qui se cachent derrière l'exploitation minière du cobalt au Congo ainsi que les implications morales.

Ce livre est décrit comme le tout premier exposé sur l'immense tribut payé par la population et l'environnement de la RDC à l'exploitation minière du cobalt, à travers les témoignages des Congolais eux-mêmes. Le militant et chercheur Siddharth Kara s'est rendu dans les profondeurs du territoire du cobalt pour recueillir les témoignages des personnes qui vivent, travaillent et meurent pour ce minérai. En vue de découvrir la vérité sur les pratiques minières brutales, l’auteur a enquêté dans les zones contrôlées par des milices, a suivi la chaîne d'approvisionnement en cobalt extrait par des enfants, de la mine toxique aux géants de la technologie destinés aux consommateurs. Il a recueilli les témoignages choquants de personnes qui endurent d'immenses souffrances et meurent même en travaillant dans les mines de cobalt.

Le cobalt est un composant essentiel de toutes les batteries rechargeables au lithium-ion fabriquées aujourd'hui, celles qui alimentent les smartphones, les tablettes, les ordinateurs portables et les véhicules électriques. Environ 75 % de l'approvisionnement mondial en cobalt est extrait en RDC, souvent par des paysans et des enfants dans des conditions infrahumaines, indique l’ouvrage. « Des milliards de personnes dans le monde ne peuvent pas mener leur vie quotidienne sans participer à une catastrophe environnementale et des droits de l'homme au Congo. Dans ce livre brutal et crucial, Kara fait valoir que nous devons tous nous préoccuper de ce qui se passe au Congo, car nous sommes tous concernés », fait-on savoir.

Formaliser l’exploitation artisanale

Pour sa part, le livre blanc est rédigé par la Pre Dorothée Baumann-Pauly, directrice du Geneva Center for Human Rights et directrice de recherche du NYU Stern Center for Business and Human Rights. Il est publié ce mois-ci par les deux centres.

L’exploitation minière artisanale et à petite échelle (« Artisanal small-scale mining » - ASM), indique le document, contribue à hauteur de 15 à 30 % à la production de cobalt en RDC, pays qui fournit plus de 70% du cobalt utilisé dans les batteries rechargeables à travers le monde. Le cobalt contribue à prolonger la durée de vie des batteries et est aussi essentiel à leur sécurité et leur stabilité en assurant que les cathodes ne surchauffent pas ou ne prennent pas feu.

L’ASM congolaise, fait savoir le document, représente plus de 10% de la production mondiale de cobalt, ce qui fait de ce secteur en RDC le deuxième plus grand fournisseur de cobalt au monde, suivi de la Russie (6%) et de l’Australie (5%).

A en croire le livre blanc, le gouvernement congolais soutient l’ASM et entreprend de mettre en place une agence, l’Entreprise générale du cobalt (EGC), pour superviser l’exploitation minière artisanale et l’achat de ce minerai issu de l’ASM produit à l’échelle nationale avant son traitement. Bien que la création de l’EGC a été annoncée par le gouvernement en mars 2021, elle a été entravée par des controverses internes qui l’ont empêchée de devenir opérationnelle pendant près de deux ans.

L’exploitation minière artisanale et industrielle intimement liées

Le livre blanc indique que l’exploitation minière artisanale et industrielle sont intimement liées en RDC. « En dehors du nombre considérable de personnes qui affluent vers les sites miniers industriels à grande échelle pour tenter de récupérer de petites quantités du précieux minerai, il est pratiquement impossible de séparer le flux de cobalt ASM de l’offre plus importante de cobalt extrait industriellement », fait savoir le document. En effet, explique-t-on, le cobalt extrait des sites d’ASM entre généralement dans la chaîne d’approvisionnement générale lorsqu’il est combiné au cobalt extrait industriellement dans les raffineries de minerais en RDC et en Chine.

Transition énergétique mondiale

Selon le livre blanc, la formalisation de l’ASM peut contribuer à une transition énergétique mondiale qui ne soit pas seulement verte mais aussi juste. Selon l’auteure, l’expérience du projet pilote de Mutoshi ainsi que les efforts de formalisation moins réussis de Kasulo et Kamilombe indiquent que deux éléments sont essentiels à la formalisation : l’émancipation des femmes et l’utilisation de la méthode d’extraction semi-automatique afin d’améliorer la sécurité.

Le projet de formalisation de Mutoshi, rappelle le document, fut lancé en janvier 2018 par une coalition comprenant des agences du gouvernement national et provincial de la RDC ; Chemaf, une société minière basée à Dubaï ; Trafigura, une entreprise mondiale de matières premières qui achète du cuivre et du cobalt à Chemaf ; Comiakol, une coopérative minière congolaise active sur la concession de Mutoshi ; et Pact, un organisme à but non lucratif spécialisé dans la sécurisation, la formalisation et la productivité de l’ASM.

Recommandations 

Afin de garantir le respect des droits humains dans toutes les opérations d’extraction de cobalt en RDC, le livre blanc formule plusieurs recommandations : les acheteurs mondiaux de cobalt doivent reconnaître que l’ASM fait partie intégrante de l’exploitation du cobalt en RDC ;  la formalisation des sites ASM est vitale pour relever le double défi du travail des enfants et de la sécurité dans les mines ; l’émancipation des femmes nécessite un leadership fort de la part des coopératives locales ; une fois les sites formalisés, les entreprises de la chaîne d’approvisionnement des batteries, le gouvernement de la RDC, d’autres gouvernements et les autres parties prenantes doivent se réunir pour élaborer des normes communes sur la sécurité dans les mines et le travail des enfants ; les participants au secteur du cobalt doivent promouvoir l’extraction à ciel ouvert ; le gouvernement de la RDC a un rôle essentiel à jouer en rendant obligatoire la formalisation et en aidant à développer et à appliquer des normes concrètes sur la sécurité dans les mines ainsi que le travail des enfants.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

La couverture du livre"Cobalt Red"

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