Financement du développement en Afrique : miser sur des financements innovants pour faire face à la faillite des donateurs

Jeudi 26 Juin 2014 - 13:17

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L’aide publique au développement (APD) connaît une baisse conséquente dans plusieurs pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Pour continuer à financer les besoins des pays en développement (PED), la taxation « indolore » des activités économiques qui bénéficient le plus de la mondialisation représente un relais opportun. Certains experts en la matière pensent que la production pétrolière africaine pourrait être ou devrait être mise à contribution

Philippe Douste-Blazy, président d’UnitAid et secrétaire général adjoint de l’ONU chargé de la réflexion sur les financements innovants pour le développement, et ancien ministre des Affaires étrangères sous la présidence de Jacques Chirac, évoque, dans une interview publiée sur le site EurActiv« un effet ciseau ». « Les besoins pour atteindre les Objectifs du millénaire [OMD] pour le développement, puis les objectifs de développement durable post-2015 montent, alors que les recettes pour y parvenir diminuent », explique-t-il.

La diminution des recettes d’APD serait due, selon lui, à la faillite de la plupart des pays donateurs. Pour y faire face, Philippe Douste-Blazy estime qu’il faut « miser sur la création de financements innovants » : « des contributions de solidarité microscopiques et indolores sur les activités économiques qui bénéficient le plus de la mondialisation, telles que les transports aériens, Internet, les transactions financières, le téléphone mobile et les ressources extractives. Par ailleurs, les financements innovants sont prévisibles, stables et additionnels. »

Les financements innovants, le plus grand sujet de politique internationale

Pour l’ancien ministre, les financements innovants représentent « le plus grand sujet de politique internationale au monde. Il ne s’agit pas d’éthique, de morale, d’humanitaire, de santé, mais de politique internationale », souligne-t-il, ajoutant qu’ils doivent venir en complément de l’APD, et « ne sont pas destinés à permettre aux gouvernements de diminuer leur aide ».

Philippe Douste-Blazy prend l’exemple de la taxe sur les billets d’avion, qui ne passe pas par le Parlement en France : elle est « auditée » avant d’arriver dans un fonds de solidarité pour le développement par décret du gouvernement, et sert à alimenter le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. 

Il félicite le Premier ministre britannique, David Cameron, « qui a fait 93 milliards de livres sterling d’économie dans son pays tout en sanctuarisant un seul budget : celui du ministère pour le développement international, le DIFD ».

D’autres pays prêts à appliquer la taxe sur les billets d'avion

Concernant UnitAid (organisation internationale d’achats de médicaments à destination des PED), dont il est président et dont les fonds proviennent en grande partie d’un financement innovant, il dresse un bilan positif. L’organisation a récolté, en six ans d’existence, plus deux milliards de dollars dans les zones euro et dollar, par la taxe sur les billets d’avion. Le Maroc, le Japon, Emirate et Ethihad Airways ainsi que l’Argentine pourraient rejoindre ce dispositif. 

Grâce à l’argent collecté, UnitAid a focalisé ses financements sur le sixième OMD (sida, tuberculose et paludisme), soit 355 millions de traitements contre le paludisme et 8,5 millions contre la tuberculose.

Initialement mise en œuvre par l’ancien président Nicolas Sarkozy à hauteur d’un prélèvement de 0,1% sur les échanges d’actions et d’obligations, puis passée à 0,2% par son successeur François Hollande, l’élargissement de la taxe à 0,01% sur les produits dérivés est souhaité par le président d’UnitAid. Selon lui, cette taxe pourrait s’élargir au Fonds vert pour financer la lutte contre le changement climatique.

Le secteur pétrolier appelé à contribution

Le secrétaire général adjoint de l’ONU travaille actuellement avec des chefs d’État africains en vue d’instaurer une taxe permettant de prélever 10 centimes par baril de pétrole sur les recettes. « Ils sont réceptifs, mais l’idée est encore nouvelle et elle doit prendre le temps de se mettre en place », explique-t-il. Il pense toutefois qu’il faut garder l’APD, mais que « l’architecture du développement [doit changer] progressivement, pour s’appuyer sur les deux sources de financement : l’aide publique et les financements innovants ».

Noël Ndong