Interview : pour Louis-Georges Tin, "Le racisme est toujours là "

Mercredi 26 Novembre 2014 - 9:58

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Louis-Georges Tin a été réélu à la présidence du Conseil représentatif des associations noires -Cran-.  Dans cette interview exclusive avec Les Dépêches de Brazzaville, le président de l’association créée en 2005, dresse le bilan de son action passée et expose ses orientations pour les trois prochaines années. 

Membres du Cran à l'issue de la séance de l'Assemblée de novembre 2014Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : vous venez juste d’être réélu à la présidence du Cran. Quel bilan tirez-vous de vos trois années passées à la tête de l'organisation ?

Louis-Georges Tin (LGT) : En 2014, le Cran a poursuivi et renforcé son action de manière significative. En témoignent les 80 communiqués de presse publiés depuis janvier (soit environ 1,8 par semaine), et les quelque 800 articles (télé, radio, journaux) qui ont repris nos déclarations et commentaires (soit environ 18 par semaine). Nos campagnes se sont développées dans les 4 directions qui structurent régulièrement notre activité : élections, discrimination, réparation, international. L'actualité marquante du Cran cette année aura sans doute été la dimension nouvelle de notre action au niveau international : le Cran est régulièrement en relation avec les institutions internationales (Union européenne, Union africaine, Caricom, etc.) et les chefs d'État étrangers. Par ailleurs, de nouvelles entités sont en cours de création aux États-Unis, au Maroc, en Tunisie, au Sénégal, au Bénin, au Cameroun, au Gabon : autant de Cran qui démultiplieront notre force et notre engagement.

LDB : Et quels sont vos projets pour les trois années qui viennent ?

LGT : De gros chantiers sont lancés, à mener jusqu’à leur terme avec des résultats concrets. Ainsi, concernant notre campagne sur les réparations, l'un des procès que nous avons initiés concerne l'État français et le groupe Spie Batignolles, que nous poursuivons pour crime contre l'humanité : dans l'affaire du Congo-Océan, des centaines de milliers de personnes ont été capturées, déportées et littéralement tuées à la tâche. Présentée avec Joanes Louis, directeur juridique du Cran, et Olivier Le Cour Grandmaison, historien, cette assignation a permis de montrer que l'esclavage, officiellement aboli en 1848, a été remplacé par le travail forcé, qui tue encore plus de personnes que l'esclavage première façon. Désormais, les audiences suivent leur cours, mais nous espérons aussi pouvoir compter sur le soutien du gouvernement congolais. S'il s'engage publiquement à ne pas avoir de relation commerciale avec l'entreprise tant qu'elle n'aura pas reconnu et réparé les crimes dont elle est issue, elle comprendra que même si réparer coûte cher, ne pas réparer peut coûter davantage encore !

LDB : Et comment voyez-vous la situation, actuellement, en France ?

LGT : Le racisme est toujours là : en témoignent les propos de Willy Sagnol, l’entraîneur de l’équipe de football de Bordeaux. Le Front national semble être le premier parti de France. La situation n'est pas réjouissante mais nous avons l'habitude de l'adversité et, beaucoup de combats avancent malgré tout : la représentation de la diversité à la télé ou en politique, par exemple. Par ailleurs, en 2013, nous avions travaillé sur une proposition de loi avec Razzy Hammadi sur les actions de groupe contre les discriminations, en vue de permettre aux personnes concernées de porter plainte ensemble. Elle a été validée en 2014 par l'ensemble du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, ce qui est une grande avancée. À la demande du gouvernement, un rapport a ensuite été publié sur cette question par Mme Pécaud-Rivolier et, le 29 octobre, un groupe de travail a été mis en place rue de Grenelle en présence du ministre du Travail et du ministre de la Politique de la ville pour réfléchir au sujet avec le patronat, les syndicats et les associations. Le Cran est évidemment au cœur de ce groupe, dont les conclusions seront livrées début 2015. Nous espérons ainsi convaincre tous les partenaires sociaux de la nécessité de légiférer sur ce sujet crucial, non seulement pour lutter contre le racisme systémique (certes le plus important), mais aussi contre toutes les autres formes de discrimination. Si cette loi est votée comme nous l'espérons, ce sera sans doute la plus importante dans le domaine depuis près de 50 ans.

LDB : Un dernier mot sur la Route de l’esclavage ?

À titre personnel, la Route de l’esclavage me renvoie à mes origines que je situe, d’après mes recherches, au Congo. C’est du port de Loango que mes ancêtres seraient partis. Pour cette raison majeure, j’ai une réelle sensibilité avec l’Afrique subsaharienne.

Le CRAN - Conseil Représentatif des Associations Noires de France

http://www.le-cran.fr/

Bureau :

Louis-Georges Tin : président

Guy Samuel Nyoumsi : vice-président chargé des relations avec l'Afrique et des affaires internationales

Thiaba Bruni : vice-présidente chargée des affaires nationales et porte-parole

Eléonore Bassop : vice-présidente chargée de la diaspora

Joanes Louis : vice-président chargé des affaires juridiques

Théo Lubin : vice-président chargé de l'événementiel

Stéphane Pocrain : porte-parole

Pierre Mbom : secrétaire général

Djoe Dunoyer : secrétaire général adjoint

Marie-Alfred Ngoma : trésorier

Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo : Membres du Cran à l'issue de la séance de l'Assemblée de novembre 2014 à la Mairie de Paris XXIème Crédit photo : Théo Lubin