Interview: soeur Marie Kizito: " Je ne me suis pas trompée dans ma voie en me consacrant à Dieu"Vendredi 25 Mai 2018 - 20:01 Sœur Marie Kizito, une moniale congolaise, célébrera ce 27 mai la cloître de ses quarante années de vie offertes à Jésus-Christ. Dans cet entretien avec Les Dépêches de Brazzaville, elle revient sur sa vocation et le sens de la vie monastique. Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Sœur Marie, comment allez-vous après avoir supporté ces quarante années de célibat ? Sœur Marie Kizito (S.M.K.): Le secret de ma joie, de ma vie toute heureuse, c'est le Christ. Sans lui, je ne suis absolument rien. Chaque jour, chaque matin, je demande au Christ de rayonner en moi. C'est lui la force de ma vie et la lumière de ma route. Et ma devise est: "Je sais en qui j'ai mis ma foi" (2Timothée1,12). Quelles que soient les circonstances, je dis toujours, en toi Christ j'ai misé ma vie. L.D.B. : A quel moment est née votre vocation religieuse ? S.M.K. : C’est depuis l'âge de 5 ans, admirant une religieuse de Javouhey au nom de sœur Scholastique. Et de là, la vocation a grandi en moi, jusqu'à ce que le Seigneur m'a fait signe. L.D.B. :Et si on parlait de vos débuts ? S.M.K. : J’avais 16 ans quand j'ai commencé à aspirer à Javouhey. Après deux ans, j'étais admise au postulat, cela venait d'un signe qui était clair. J'avais la fièvre jaune, j'étais hospitalisée. La sœur Marcel, une religieuse de Javouhey, est venue me voir. Elle avait une petite bande dessinée sur la vie de l'apôtre Pierre. Après l'avoir lue, je suis tombée sur cette phrase : "Pierre m'aimes-tu ? Et la réponse de Pierre : Seigneur, tu sais tout et tu sais que je t'aime." Puis j'ai dit à la religieuse, moi aussi je veux dire à Dieu, "Tu sais tout, tu sais que je t'aime". Alors, elle m'a demandé si je n'avais jamais pensé à la vie religieuse. Effectivement, lui dis-je, c'est ce à quoi je m'attendais, je peux commencer maintenant. A la sortie de l'hôpital, j'ai donc commencé à aspirer chez les sœurs de Javouhey, c'était en 1976. En 1978, je suis entrée au postulat. L.D.B. :Vous êtes passée de chez les religieuses de Javouhey à la vie monastique, pouvons-nous avoir plus de détails sur cette période de vie ? S.M.K .: Je n'avais pas terminé mon postulat chez les sœurs de Javouhey, parce que j'étais tombée malade. Les sœurs avaient jugé mieux que je reparte en famille pour me faire traiter. Ma sœur aînée m'a demandé de continuer mes études au lycée technique avant d'y penser encore. En 1982, je suis allée demander à l'archevêque, Mgr Barthélémy Batantu, de m'envoyer chez les sœurs de Zoungoula (les sœurs du Rosaire). C'est là-bas que j'ai lu le livre "Fils et filles de Saint Benoît". Le contenu sur la prière, le travail et le silence m'avaient tellement intéressée que je suis allée au monastère de la Bouenza et je me suis consacrée à la vie monastique. Bien que ce que j'avais lu me faisait aussi peur, j'étais en même temps attirée. En ayant rencontré les moines sur place dans la Bouenza, j'ai opté pour la vie monastique jusqu'aujourd'hui. En 1984, après mon baccalauréat, je suis allée en France pour mes premiers vœux. Et, j'ai fait l'engagement définitif et les vœux solennels en la fête de la Trinité, en 1994, soit dix ans après. L.D.B.: Comment vous sentez-vous en tant que moniale ? S.M.K. : Je me sens bien dans ma peau, je sens que je ne me suis pas trompée dans ma voie. Cette vie correspond à mes aspirations. Je suis heureuse de servir Dieu dans la vie monastique. Comme dit Saint Benoît, au début, cette vie paraît difficile, la voie étroite, mais au fur et à mesure que l'on avance, le cœur se dilate. Et je trouve que la vie monastique a encore sa signification aujourd'hui, laquelle consiste à montrer le sens de l'absolu au monde. L.D.B. : Qu'est ce qui caractérise la vie monastique ? S.M.K. : Les fondements de la vie monastique sont la prière, le travail et la charité fraternelle, résumés dans la formule "ora et labora". Pour que la prière et le travail aient un sens, cela doit être vécu dans la charité. Une vraie charité vécue dans l'humilité. L.D.B. : Que peut apporter la vie monastique à notre monde moderne ? S.M.K. : A première vue, les jeunes qui viennent chez nous trouvent que la vie monastique paraît inutile. On travaille, on prie, on est sédentaire, on n'a pas d'œuvres caritatives à l'extérieur. Pas d'hôpitaux, pas d'écoles, on donne l'impression d'être coupé du monde. Cependant, dans cette inutilité, le vrai sens de la vie monastique y est. Nous sommes coupés du monde pour mieux porter le monde dans nos prières. Nous ne soignons pas mais nous prions pour tout le corps soignant et les malades. Nous faisons le travail de laborantins par nos prières. Dans l'Eglise, nous assurons le rôle de l'estomac. Ce que les autres font à l'extérieur, nous le digérons et portons tout ce travail du monde entier dans nos prières. L.D.B.: Après trente ans de vie monastique en Europe, vous êtes rentrée au pays pour fonder une cellule monastique bénédictine. Trouvez-vous des adhérents à cette cause ? S.M.K. : D’emblée, notre vie est répulsive, c'est moins attrayant. Mais il y a parmi les jeunes filles et garçons qui nous côtoient, quelques uns qui se laissent attirés par le Christ dans cette vie. Pourtant, peu tentent l'aventure avec le Christ dans la vie monastique. Les jeunes veulent être libres, oubliant que la vraie liberté est intérieure et se trouve avec Dieu. L.D.B.: Quelle lecture faites-vous de la vie monastique ? S.M.K. : La vie monastique est une vie heureuse, parce qu'elle est une vie cachée dans le Christ en Dieu. Pour la vivre, il faut avoir un amour vrai pour le Christ. Et comme dit Saint Augustin, "aime et fais ce que tu veux". Or, si vraiment tu aimes, tu ne peux faire du mal ou n'importe quoi dans la vie. Propos recueillis par Aubin Banzouzi Légendes et crédits photo :Photo1/1 Sœur Marie Kizito Notification:Non |