La communauté internationale prend la mesure du danger islamiste en Libye

Mardi 15 Décembre 2015 - 12:24

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À Rome, dimanche, l’urgence de ramener la paix en Libye a été réaffirmée. Une rencontre des Libyens ce mercredi au Maroc est jugée cruciale.

Ils étaient une vingtaine de pays. Dimanche, ils ont décidé de rassembler leurs représentants et experts dans la capitale italienne, Rome, autour de la crise libyenne qui a cessé depuis longtemps d’être une simple décomposition d’un Etat pour se confirmer comme menace pour tous. Et d’abord pour les pays voisins et ceux du pourtour méditerranéen. D’où la forte implication de l’Italie, ancienne puissance coloniale et partenaire économique privilégiée notamment en matière de pétrole.

La chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi en octobre 2011 a ouvert les vannes d’un désordre généralisé. Se mêlent à la fois des velléités d’insurrection, un banditisme gangrénant la lente décomposition des régions sur lesquelles un islamisme, d’abord local puis de plus en plus importé et animé par le khalifat de l’Etat islamique, a fini par s’infiltrer finissant par asseoir l’image d’un Etat failli en Libye. Deux gouvernements opposés, deux parlements antagonistes, trois zones d’influence (Tripoli, Bengazi, Syrte) : le patchwork libyen fait le jeu des organisations criminelles, à commencer par les trafiquants de tous poils.

C’est ce désordre porteur de toutes les menaces que la Communauté internationale ne veut plus tolérer. A Rome dimanche la vingtaine de pays venus prendre part à la réunion, l’ONU, l’Union Européenne et l’Union africaine ont été unanimes à reconnaître comme essentiel un retour de la paix en Libye. Et pour cela, ils ont appelé  à un cessez-le-feu immédiat dans l’ensemble du pays et à la mise en place rapide d'un gouvernement d'union pour mettre fin au chaos ambiant. Et pour bien souligner l’urgence d’un retour à la normalité, le communiqué final des travaux a précisé que le gouvernement d’union nationale souhaité devra avoir son siège à Tripoli, pas ailleurs.

Fidèle au style américain, direct même en diplomatie John Kerry, secrétaire d’Etat américain a été sans détours : « Nous ne pouvons pas permettre que le statu quo perdure en Libye. C'est dangereux pour la viabilité de la Libye, c'est dangereux pour les Libyens, et maintenant que Daech (l'Etat islamique, Ndlr) renforce sa présence, c'est dangereux pour tout le monde ». La menace se précise et se rapproche, a affirmé pour sa part Paolo Gentiloni, ministre italien des Affaires. Et la communauté internationale ne pourra pas faire moins qu’elle ne fait déjà en Irak et en Syrie.

Elle devra affronter cette menace « dans les prochains mois comme elle est en train de l'affronter aujourd'hui ailleurs », affirme Paolo Gentiloni, en parfaite identité de pensée avec ses pairs européens. Et dans le combat qui s’annonce, a assuré le locataire de la Farnesina (ministère italien des Affaires étrangères, Ndlr), l’Italie « jouera un rôle de premier plan », en raison du fait que Syrte n’est qu’à 300 km de ses côtes, alors que Rome a par ailleurs été, pendant près de 40 ans, la puissance coloniale en Libye  jusqu’à l’indépendance de 1951.

La communauté internationale s'inquiète particulièrement de la présence de plusieurs milliers de combattants locaux et étrangers dans les camps de l'Etat islamique dans la région de Syrte que tous les renseignements décrivent comme étant devenue (pu en passe de devenir) la 3è zone d’influence de l’organisation islamiste après les portions sous son contrôle en Irak et en Syrie. Lundi le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a révélé que l’Etat islamique qui compte jusqu’à 3000 combattants en Libye étend son territoire « sur 250 km linéaires de côte » commençant « à pénétrer vers l’intérieur, (vers) des puits de pétrole et des réserves de pétrole ».

L’organisation s’y signale déjà par ses spectaculaires exactions de toujours, après les décapitations de 21 chrétiens coptes éthiopiens et érythréens en février. Ces jours-ci l’EI, affirme la presse libyenne, a décapité à Syrte une Marocaine accusée de sorcellerie et de magie noire et tué un Palestinien pour espionnage, alors qu’un Libyen s’est vu amputé d’une main pour vol. La menace pèse aussi sur l’Afrique puisque le groupe terroriste nigérian Boko Haram a fait allégeance au khalifat, se rebaptisant désormais « l'Etat islamique dans la province d'Afrique de l'Ouest ».

Autant de raisons, de menaces annoncées qui urgent pour une recomposition politique interne libyenne, afin que les différents groupes combattent un ennemi qui n’œuvre, tout compte fait, en faveur des intérêts d’aucun d’eux. D’où l’espoir que ce mercredi à Marrakech les parties libyennes qui ont promis de s’y retrouver finissent par décider d’enterrer la hache de guerre. Ce serait un soulagement pour tous et un premier temps vers la recherche d’une solution durable à la crise libyenne dont une des conséquences est aussi un afflux de migrants clandestins en Europe devenu un casse-tête  politique.

Lucien Mpama

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