Le Feuilleton de Brazzaville. Acte 25. Au-delà des idées reçues

Vendredi 3 Janvier 2020 - 16:45

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À Brazzaville, autour du football et des débats qu’il suscite se tissent de fortes amitiés. Ils ont beau venir de telle ou de telle région et s’arcbouter parfois à ces considérations des lieux de provenance, les Brazzavillois ont l’avantage de fréquenter les mêmes écoles. Le Congo est si petit, dirait-on, qu’à une époque, la belle époque, avant d’être gangréné par l’incurie, l’État assurait avec autorité sa fonction régalienne.

 

À travers l’affectation des fonctionnaires de l’Éducation nationale et de la Santé jusqu’aux années noires des guerres civiles dont la parenthèse fut ouverte en 1993, enseignants et infirmiers exerçaient en toute quiétude partout dans le pays. La population se contentait de les juger non sur leurs origines ethniques, mais sur leur manière de servir. Et même si la ville fondée par Pierre Savorgnan de Brazza est bâtie par compartiments ethniques ou régionaux, l’école n’ayant jamais fait mention de cette tare, les Brazzavillois se fréquentent, discutent, prennent des repas dans les mêmes restaurants, empruntent les mêmes moyens de transport, font du footing ensemble sur la voie de la corniche.

De temps en temps, devant les arrêts de bus ou dans les ngandas, quand la tension monte d’un cran, on peut entendre quelques écervelés râler : « Niama, Mokongo moto pamba ! », ou encore : « Katuka, ba-ngala bantu ba mpamba-mpamba ! ». La personne qui lâche ces inepties croit s’adresser à un ennemi. Or les arrêts de bus ne représentent rien d’autre qu’un point de repère pour des gens de partout qui vont partout, les ngandas aussi.

Des couche-tard de Ouenzé et de Talangaï, de Bacongo et de Makélékélé, de Mfilou et de Djiri, n’ont que cirer de ces balourdises : ils vont et viennent du nord au sud de leur ville-chérie et se moquent éperdument de ceux-là qui ne profitent pas de la vie pendant qu’ils y sont. Pour ces citadins affranchis du carcan du sectarisme, qu’ils viennent d’ici ou de là, rien ne peut les séparer, pas même le football avec ses fâcheries, pas même la politique avec ses prédations.  

Et quand leur suffit un moment de détente autour d’une bière, le soir, les Brazzavillois sont fiers. Du plus chic lieu de vente de boissons alcoolisées au plus précaire, l’essentiel souvent est que cette bière soit bien « tapée », entendu, bien fraîche.  La rumba, toujours au rendez-vous comme socle de la musique des deux Congo ; deux sœurs jumelles en étreinte, Brazzaville et Kinshasa, leurs capitales respectives, s’étreignent du regard, bercées par le cours interminable du fleuve Congo qu’elles ont en partage. La rumba toujours…

Jean Ayiya

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