Le Premier ministre italien pas favorable à répéter une « erreur à la française » en Libye.Lundi 7 Mars 2016 - 16:45 Pour M. Matteo Renzi, une intervention militaire en Libye sans l’aval de l’ONU serait irresponsable ; elle ferait plus de mal que de bien. Dans un pays dont elle est la plus proche voisine en Europe et avec lequel le lie un bref passé colonial, l’Italie n’entend pas aller « jouer à la guerre » en Libye. L’intervention française et britannique de 2011, ayant abouti à l’effondrement du régime du colonel Mouammar Kadhafi est, du point généralement soutenu à Rome, la cause essentielle du chaos migratoire actuel. Et de la montée en puissance de l’organisation de l’Etat islamique (EI) au plus près des côtes européennes. La péninsule est devenue, avec la Grèce, le pays européen qui supporte le plus le poids des vagues de migrants qui traversent une Libye devenue passoire, pour gagner par la mer les côtes siciliennes. Les menaces de l’Etat islamique, pas encore concrétisées par des attentats sur le sol italien fort heureusement (mais par une attaque de son consulat au Caire l’an dernier, et de nombreuses victimes italiennes dans l’attentat contre un musée tunisien) sont prises au sérieux à Rome. « Nous marcherons sur Rome et sur le Vatican, si l’Italie s’hasarde à venir faire la guerre en Libye », ne cesse de répéter l’Etat islamique. L’organisation terroriste a même fait arriver en décembre dernier une enveloppe contenant une balle de kalachnikov à M. Andrea Orlando, ministre italien de la Justice, promettant de lui « couper les oreilles » si l’Italie, « la croisée », allait jouer les aventuristes en Libye. A ces menaces plus ou moins virtuelles, s’ajoutent celles directes sur les ressortissants italiens. Dimanche, deux Italiens enlevés près de Tripoli, en juillet dernier, par l’Etat islamique sont rentrés à Rome ; les corps de deux de leurs camarades d’aventure sont attendus dans les prochaines heures. Les quatre ingénieurs travaillaient pour une société près des installations du groupe Eni en cyrénaïque où le géant pétrolier mène depuis des années des activités d’exploitation devenues partie non-négligeable des robustes intérêts italiens en Libye. Tout en prenant des mesures de protection, l’Italie veut aussi encourager les efforts diplomatiques pour permettre à la Libye, aujourd’hui fragilisée également par des divisions et des antagonismes politiques et militaires, de se remettre debout. Un éventuel « engagement italien » en Libye « devrait passer par les nécessaires étapes parlementaires et institutionnelles. Ce n'est pas le moment de forcer les choses, c'est le moment d'agir avec bon sens et calme », estime le Premier ministre italien, Matteo Renzi. « Moi, président du conseil, l’Italie ne mènera pas de guerre en Libye. Ce n’est pas un jeu-vidéo », a-t-il affirmé dimanche, fustigeant « l’irresponsabilité » aventureuse du gouvernement français contre Kadhafi en 2011, qui n’avait pas mesuré les effets que le chaos provoqué devait avoir sur la suite des événements dans ce pays et dans la sous-région. « Disons-le en toute clarté : si la Libye est dans cette situation de difficulté, c’est parce que dans le passé, un certain politicien – et je pense à un non-Italien - a eu la belle idée de mener une intervention sans penser aux répercussions », a soutenu le premier ministre. Pour M. Matteo Renzi, depuis quatre ans le monde vit les conséquences d’une telle légèreté politique. Il a été direct, parlant de Nicolas Sarkozy sans le nommer : « Inutile de tourner autour des mots, je pense en particulier aux Français. Comme Premier ministre, j’affirme qu’il faut être très prudent quand on parle de guerre ». Sur la question libyenne, l’opinion italienne est généralement sans nuances ; les Français ont créé la pagaille en Libye et c’est l’Italie qui paye les pots cassés. L’effondrement de Mouammar Kadhafi a redonné du poil de la bête y compris à l’islamisme dans une région où son implantation avait été contenue. Or aujourd’hui, les renseignements occidentaux indiquent chaque jour que l’Etat islamique s’est déporté d’Irak vers la Libye où il a établi ses camps d’entraînement. Les recrues y sont majoritairement de jeunes musulmans nés en Europe et radicalisés par la suite. Rome a d’ailleurs expulsé une demi-douzaine d’agents recruteurs depuis l’an dernier. Otages : payer une rançon ou non, le dilemme des pays occidentaux La question est rituelle, au lendemain d’une libération d’otages : les journalistes cherchent toujours à savoir si une rançon a été payée. Et, ponctuelle, la réponse est invariablement la même : pas du tout ! Italiens, Français ou Allemands libérés ces dernières années par des groupements terroristes ont toujours répondu par une ferme dénégation à cette question. Pourtant, tout aussi invariablement, les prises d’otages s’accompagnent du communiqué devenu, là aussi, une ritournelle : « tous les canaux sont activés pour leur libération ». Cela veut dire beaucoup et rien du tout à la fois. Car si une telle affirmation ne vaut pas reconnaissance que des valises d’argent aient pris la direction du désert à la rencontre de quelque intermédiaire couleur de dune, elle n’est pas non plus la preuve claire d’un déploiement de carnets de chèques estampillés trésor public. Donc, tout est possible, y compris des explications fumeuses du genre : « on n’a pas payé de rançon, mais on a réglé la facture d’un facilitateur qui a bien voulu nous aider… ». Ou bien : « ce n’est pas notre gouvernement mais un pays ami qui a payé ». Voire ! Dans les médias italiens le débat a de nouveau fait rage lundi. Avec une interrogation supplémentaire : « n’est-ce pas parce que les terroristes savent que nous finissons par payer qu’ils s’en prennent fréquemment à nous ? », s’interrogeait un journaliste de renom sur la radio du patronat, Radio 24. Encore une question, pas une certitude ; pas une réponse. Le fait est que l’administration américaine est ferme sur la question : pas de rançon aux terroristes ; il y a moins d’otages américains. Le premier ministre italien et le ministre de la Justice ont promis une enquête… pour certifier les conditions de la mort des deux autres otages en Libye vendredi. Pas sur celles de la libération de ceux qui ont été accueillis dimanche. Lucien Mpama Notification:Non |