Loko Massengo : « Nous sommes décidés de revenir au pays pour relancer la musique congolaise »Jeudi 2 Juillet 2015 - 20:15 L’un des créateurs du « Trio Madjesi » avec Mario dit muana Kitoko, et Saak-Saakul Sinatra de son vrai nom Bonghat Tshekabu, Loko Massengo Djeskain est aussi l’un des sociétaires des « Trois Frères » et fondateur des « Rumbaya international ». Evoluant actuellement à Paris depuis 1986 avec le groupe « Kékélé », l’artiste qui séjourne à Brazzaville, a accordé une interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville, dans laquelle, il retrace entre autres son parcours musical.
Dépêches de Brazzaville (LDB) : Vous êtes en séjour dans votre pays, le Congo, que vous avez quitté depuis 1986, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs. Loko Massengo (LM) : J’ai commencé la musique en 1965 à l’âge de 20 ans dans un groupe appelé « Jamais national », après je suis allé dans « Négro succès », puis dans Vox Africa de Jeannot Bobenga où j’ai commencé à apprendre le métier, parce que Bobenga pour moi c’est un maître. C’est lui qui m’a montré la technique de la chanson. Après Bobenga je suis allé dans l’orchestre « Vévé » en 1970. C’est là où j’ai rencontré Saak-Saakul. Mario nous a rejoints après, et c’était l’attaque bazoka. A partir de là, nous avons créé le « Trio Madjesi ». L’avantage de ce groupe, était que nous nous débrouillons dans plusieurs langues. C’est une étape très importante pour ma vie. Parce qu’avec le « Trio Madjesi » nous nous sommes faits connaître en si peu de temps, et avions voyagé à travers le monde. LDB : Pourquoi ce groupe s’est-il disloqué ? LM : Il s’agit d’un problème d’ordre politique. Franco, Rochereau et Verckys se sont montés en association que nous appelions les « Trois mousquetaires » pour casser le « Trio Madjesi », parce que nous n’étions pas tous des Zaïrois. Mario Angolais, moi Congolais de Brazzaville, ils ont trouvé cette faille pour politiser l’affaire. A l’époque nous revenions d’une tournée africaine et avions ramené beaucoup d’argent en FCFA que nous sommes allés changer à Brazzaville. Ils voulaient plutôt que nous le fassions à la banque du Zaïre, alors qu’à l’époque nous préparions aussi le voyage de l’Olympia. Ils ont politisé l’affaire jusqu’à nous suspendre. C’est ainsi que Mario est parti en Angola, j’ai regagné le Congo- Brazzaville et Saak-Saakul est resté à Kinshasa. Et c’était la fin du « Trio Madjesi ». LDB : On ne vous voit plus sur le terrain, qu’êtes-vous devenu ? LM : Depuis 1986 je suis à Paris en France. Le Congo m’avait envoyé pour une formation au Conservatoire de Paris. J’ai fait trois ans, après le Conservatoire, je suis resté en France où je continue à faire de la musique.Je suis devenu dirigeant de l'Union des musiciens de la diaspora en France. Mais de temps en temps, je donne aussi des cours aux tout-petits français, leur apprenant la théorie musicale dans des mairies. Par ailleurs, la musique congolaise ayant pour base la Rumba, et moi étant l’apôtre de la Rumba, je ne ménagerai aucun effort pour la propulser à travers le monde. LDB : Avez-vous un produit sur le marché du disque ? LM : Notre dernier album sur le marché avec le groupe « Kékélé » date de trois ans. Nous avons chanté Ponton la belle, O Miguel. D’ailleurs avant que je ne vienne à Brazzaville, répondre à l’invitation de l’Union des musiciens congolais (UMC) pour participer à la fête de la musique, le 21 juin dernier, j’étais déjà en studio avec le groupe « Kékélé » pour terminer un CD qu’on prépare depuis plus d’une année. Le retard étant causé par la mort du producteur en la personne d’Ibrahim Sylla. Nous sommes repartis au studio pour un album de 12 titres. J’en ai signé deux. Durant mon séjour à Brazzaville, j’ai profité de rencontrer le ministre de la Culture et les organisateurs du Fespam, pour négocier la participation des artistes congolais de la diaspora à cette dixième édition. LDB: Que sont devenus vos anciens amis du « Trio Madjesi » et votre propre orchestre « Rumbaya international » ? LM: Tous les amis du « Trio Madjesi » sont en bonne santé. Mario est en Angola (mais il est à cheval entre Paris et Luanda, car il a sa maison à Paris), Saak-Saakul est avec moi à Paris. De temps en temps nous faisons des buzz lorsqu’il y a des manifestations. Actuellement, nous sommes en procès, parce que nous avons porté plainte contre un pirate qui a sorti un DVD Trio Madjesi sans en avoir reçu mandat. Nous attendons le dénuement de l’affaire. Par contre, nous allons nous-mêmes reproduire tout ce que nous avions fait dans le « Trio Madjesi » tant sur le plan audiovisuel que sur le plan du disque. Quant au « Rumbaya », il est ma marque. Depuis que je suis à Brazzaville, j’ai rassemblé tous les anciens musiciens de cet orchestre ainsi que ceux de « Kamikaze loninguissa ». Nous avons pensé que ce n’est pas la peine d’avoir deux groupes, mais plutôt fusionner les deux en un seul qui s’appellera : « Loninguissa bloqué zingué ». A partir de là, chaque trois mois, nous serons à Brazzaville pour redynamiser la musique congolaise. LDB : Maintenant que nous parlons de « Kamikaze loninguissa », quel est l’état de santé de Youlou Mabiala et même d’Aurlus Mabélé ? LM: Avant de venir à Brazzaville, j’étais chez Youlou Mabiala, car je ne pouvais pas rassembler les musiciens des deux groupes sans son accord. Il est tout à fait d’accord. Car, tout ce qui lui reste à faire m'a t-il dit, c'est d’encadrer la jeunesse pour l’intérêt de la musique congolaise. Mais d’ici une année si tout va bien, les Congolais auront une bonne surprise. Cela montre que nous allons cogérer ensemble l’orchestre « Loninguissa bloqué-zingué ». Quant à Aurlus Mabélé, lui aussi se porte bien. Il y a deux ans, il était très malade, mais avec sa rééducation, tout va bien maintenant. LDB : Justement, comment entrevoyez-vous l’avenir de notre musique ? LM : La musique d’aujourd’hui est en baisse. C’est pour cela que les musiciens de notre génération doivent encadrer la jeunesse, car si nous ne le faisons pas, c’est la mort de la musique congolaise. Ce que les jeunes font aujourd’hui, c’est du « copie-coller ». La musique congolaise depuis toujours à une identité, même à l’époque où, il y avait beaucoup d’orchestres tant ici qu’à Kinshasa. Nous avions toujours nos identités. Or, aujourd’hui, on ne peut même plus faire la différence entre un Wenge musica et un Extra musica, … Et puis, la musique doit avoir un texte et une conclusion. Or aujourd’hui, ça devient un genre de balaie, on ne fait que faire danser les gens et raconter des conneries. LDB: Quelle est votre meilleure chanson de tous les temps ? LM: Dans ma tête je pensais que c’était Feza (qui a propulsé le groupe Trio Madjesi ). Aujourd’hui, je réalise que partout où je passe, on ne parle que de la chanson « Beauté noire ». A propos de cette chanson, lorsqu’elle est sortie, chaque trimestre je gagnais plus d’un million de FCFA à la Sacem ( une maison des droits d’auteur en France). A l’époque nous avons un bon pouvoir d’achat permettant à tout un chacun de s’acquitter d’un album, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. LDB : Votre mot de la fin LM : Nous sommes décidés de revenir au pays pour relancer la musique congolaise, parce que nous ne pouvons pas la laisser comme ça. Bruno Okokana Légendes et crédits photo :Photos 1&2 : Loko Massengo répondant aux questions
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