Révolution du numérique : l’État forcé de composer ou de disparaître

Samedi 10 Août 2013 - 15:20

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L’arrivée de la fibre optique à Brazzaville et, plus tard, à Kinshasa demeure à n’en point douter un évènement majeur dans les nouvelles technologies mais il appartient aux deux capitales désormais dotées de cet outil d'intégration régionale d’en tirer le maximum de profit au lieu de bloquer inutilement la machine à cause des problèmes organisationnels, a déploré un expert joint sur l’autre rive.

Ce point est très important d’autant qu’il est en train de retarder un processus pourtant bien amorcé après la connexion de la République du Congo au réseau mondial depuis la ville de Pointe-Noire, et l'espoir suscité enfin de diviser par quatre le prix de l'Internet, de multiplier par trois le nombre d 'usagers d'Internet et par dix le volume de trafic Internet par usager. Contacté depuis l’autre rive, Alain Didier Ndalla, président du Comité pour la promotion des technologies de l’information au Congo (Coptic) et directeur général de Mégatel System, a exprimé ses inquiétudes quant à la lenteur. Après toute la fièvre qui a accompagné la connexion du pays, le projet peine à se développer à Brazzaville. Et à Kinshasa, les experts s’intéressent au plus haut point à son évolution, pour en dégager les leçons nécessaires et procéder, le cas échéant, à des aménagements de leur côté. Première précision de l’expert congolais, le projet n’a pas pris du plomb dans l’aile même la mise en activité commerciale n’est pas encore effective. « On a pris du retard du fait que l’on est toujours dans la problématique de gouvernance », a-t-il dit.

Alain Didier Ndalla, directeur général de Mégatel System à BrazzavilleL’autorité de régulation : choix capital

Selon lui, Brazzaville et Kinshasa sont confrontés aujourd’hui à ce même problème de choix de l’organe de régulation malgré l’antériorité de la République du Congo dans la connexion. « À Kinshasa,  les opérateurs privés s’inquiètent de la prédominance de la gestion de cette fibre par l’opérateur historique. Ils ont une culture de chercher à vouloir toujours de grosses marges et de ne pas travailler sur le volume. C’est la même chose qui se passe ici », a déclaré l'expert. Les opérateurs privés, a-t-il poursuivi, doutent de la capacité de l’opérateur public à assurer avec efficacité son rôle de régulation. À Kinshasa, faut-il le rappeler, les opérateurs privés ne se bousculent pas encore depuis la connexion du pays.

Le choix de l’organe de régulation est-il vraiment une question stratégique ? Le débat est ouvert. « Il s’agit d’un véritable challenge pour arriver à valider le catalogue d’interconnexion pour que les coûts soient à la baisse et que cela soit profitable aux entreprises et aux particuliers. Ce sera le travail de l’opérateur de régulation », a-t-il ajouté. Très renseigné sur la situation de Kinshasa, où d’ailleurs il vient souvent pour dispenser des formations dans quelques grandes entreprises du pays, il tente de faire une projection sur « l’après-fibre » en RDC. « L’autorité politique RD-congolaise a imposé la Société congolaise de poste et télécommunications (SCPT ou ex-OCPT). Il faut qu’elle voit d’elle-même que cette décision freine le développement très rapide du numérique. Et certainement, elle va se raviser pour voir comment se rattraper. La RDC sera ainsi dans la même situation qu’ici », s'est-il plaint.

Quel modèle pour les deux villes ?

Pour la viabilité du projet, le modèle approprié, à en croire Alain Didier Ndalla,  est sans conteste le PPP. « Le modèle le plus intéressant est le partenariat public-privé (PPP). Il s’agit de créer un patrimoine qui ne poursuit comme objectif que d’étendre la masse critique, d’avoir autant d’entreprises qui se connectent et qui paient », a-t-il soutenu. Par rapport aux défis technologiques qu’impose la gestion de la fibre optique, le choix de l’opérateur de régulation demeure un élément important. « Les opérateurs historiques ont tendance à voir plus leurs charges salariales, leur déficit financier, leur rendez-vous manqué avec les nouvelles technologies… À Kinshasa comme ici, on n’a pas pris le saut de la téléphonie mobile. Ils vont se dire qu’il faut que l’on se fasse des grandes marges. Ils voudront grossir et du coup, les opérateurs actuels privés qui ont déjà tendance à utiliser le satellite vont continuer à l’utiliser de plus belle. Certains parmi eux préféreront continuer à observer ou achèteront une bande passante sans pour autant l’utiliser », a dit l'expert. La connexion à la fibre optique des pays d’Afrique centrale restera un grand évènement pour la sous-région si elle s’accompagne d’un impact réel sur le développement des deux pays. 

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Alain Didier Ndalla, président du Coptic et directeur général de Mégatel System