![]() Stratégies politiques : le spectre de la ville-morte a plané sur KinshasaMardi 16 Février 2016 - 17:25 L’appel à la désobéissance populaire et pacifique s’est avéré un véritable test pour l’opposition qui s’en est tirée avec plus ou moins de bonheur tout en défiant le gouvernement et les forces de l’ordre qui avaient appelé les Kinois à se rendre au travail. Journée tout à fait particulière que le 16 février à Kinshasa qui n’a pas connu son ambiance habituelle. Les activités ont tourné au ralenti dans plusieurs secteurs, conséquence du mot d’ordre de la « ville-morte » décrété par les principaux partis politiques de l’opposition regroupés au sein de trois grandes plates-formes, en l’occurrence le G7, la Dynamique de l’opposition et le Front citoyen 2016. La plupart des Kinois, redoutant d’éventuels dérapages, ont préféré rester chez eux. Le spectre des violences de janvier 2015 hantait encore les esprits au point de dissuader beaucoup d’entre eux à ne pas prendre le risque de sortir. Les plus téméraires se sont recrutés essentiellement parmi ceux qui prestent dans les services publics. Ils n’étaient pas tenus de respecter le mot d’ordre face aux menaces et intimidations dont ils étaient l’objet la veille de la part de leurs responsables enclins à sanctionner toute absence au lieu de travail le 16 février. Des listes de présence étaient censées être établies pour identifier les éventuels récalcitrants. Pendant ce temps, le vice-Premier ministre chargé de l’Emploi est monté au créneau pour souligner le caractère ouvrable de la journée du 16 février qui n’est pas comptabilisé comme jour férié. Le commissaire provincial de police/ville de Kinshasa a renchéri en mettant en garde tous ceux qui empêcheraient les autres de se rendre à leur poste de travail. Nonobstant tous ces appels à la conscience des Kinois, ces derniers, dans leur large majorité, ont préféré passer la journée à domicile. La plupart d’écoles n’ont pas ouvert, la consigne ayant déjà été donnée la veille aux parents de garder leurs enfants à la maison. Le flux quotidien d'écoliers et collégiens en uniformes bleu-blanc avait déserté les rues. La circulation était quasi paralysée aux premières heures de la matinée. Mis à part les bus Transco qui sillonnaient les artères de Kinshasa en quête des passagers qui se faisaient du reste désirer et quelques rares taxis-motos, sans oublier les fameux bus 207 mis en ligne pour le besoin de la cause, la plupart des particuliers ont préféré garer leurs véhicules, le temps d’observer l’évolution de la situation. Ce qui a compliqué la mobilité de nombreux Kinois obligés de faire le pied par petits groupes pour atteindre leur lieu de travail. Dans des carrefours réputés bruyants tels que le rond-point Ngaba, Victoire ou encore Kintambo Magasin, Place Pascal et ailleurs, l’ambiance était inhabituelle. Des éléments de police déployés dans des endroits stratégiques étaient à peine visibles, question peut-être de ne pas rajouter à la psychose générale. Au centre-ville, l’activité économique a tourné au ralenti. C’est de manière progressive, au fur et à mesure que le spectre de la « ville-morte » s’éloignait, que des magasins et boutiques ont repris leur service. Quelques jeunes instrumentalisés ont dû s’en prendre aux bus Transco qui ont essuyé des jets de projectiles au niveau du Pont Matete, renseignent des témoins. Sur l’avenue Huilerie à Ligwala et même sur le prolongement du boulevard Lumumba dans la partie est de la ville, des jeunes surexcités ont brûlé des pneus avant d’être dispersés par la police. La majorité qui avait programmé une marche le même jour avait dû décommander en dernière minute sa manifestation, prise de vitesse par une opposition un peu mieux inspirée. C’est en début d’après-midi que, timidement, la vie a commencé à reprendre son cours normal dans la capitale qui vient d’expérimenter là une vieille recette de l’opposition des années Mobutu. Pour ses initiateurs, ce mouvement de désobéissance populaire et pacifique visait essentiellement à envoyer un message à la coalition au pouvoir et à la communauté internationale selon lequel les Congolais sont hostiles à toute violation de la Constitution et s’attachent à l'organisation des élections dans les délais constitutionnels, soit avant fin 2016, et à l'alternance démocratique.
Alain Diasso Légendes et crédits photo :Place de la gare Notification:Non |