Transport en commun : les taxis-motos prennent leur quartier à Brazzaville

Vendredi 20 Juillet 2018 - 19:24

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Depuis un certain temps, les taxis-motos sillonnent les artères de la capitale. Pratiquée par un collectif de jeunes congolais, l'activité tente de répondre, selon ces motards, au besoin considérable de transport de la population vivant dans les quartiers difficiles d’accès.

 

Dans leur parking situé dans le sixième arrondissement de Brazzaville, Talangaï, au marché du lycée Thomas-Sankara et au rond-point Mikalou, on reconnaît quelques-uns d’entre eux aux dossards qu’ils portent et sur lesquels sont inscrits « Taxi-moto ».

Ces motocyclistes sont très sollicités par des clients qui entendent échapper aux embouteillages habituels de Brazzaville et ceux qui peinent à rejoindre leur domicile au moyen des bus.  Le prix de la course varie entre 500, 1000 FCFA ou plus, selon la distance parcourue.

Outre le fait de répondre à cette nécessité, la plupart des motards affirment se convertir en conducteurs de « Jakarta », dans l’espoir de gagner leur vie. Les difficultés auxquelles ils font face, dans la recherche d’emplois pour certains et du gain au travers le business pour d’autres, constituent des sources de motivation pour ces conducteurs. Grâce à ce palliatif, ils tirent leur épingle du jeu.

Les hommes sont au premier rang des usagers de ces célèbres deux roues. Les femmes, quant à elles, sont un peu hésitantes.

"Un moyen de transport inapproprié pour les femmes" 

 Dans notre quête d’informations pour cet article, nous avons endossé le rôle de la cliente. Alors que nous prenions place à bord, un monsieur s’approcha et nous dit: « Madame, c’est à moi de monter sur une moto, pas vous. Ce n’est pas un moyen de transport pour les femmes ». Cette réplique est l’une des plus courantes à Brazzaville. Elle se traduit également par le regard que certains ont sur ces quelques Congolaises qui l’empruntent. Outre ces propos et regards, c’est simplement par fierté que très peu de femmes usent de ce moyen de transport.

Autre raison de réticence, la peur. De nombreux accidents routiers causés par ces motos surnommées "Aide moi à mourir"  engendrent une véritable crainte aussi bien des hommes que des femmes à Brazzaville. Craignant pour leur vie, beaucoup de Brazzavillois s’abstiennent des taxis-motos. L’équipement de ces motos, leur vitesse non maîtrisée par leurs conducteurs, le manque de respect du code de la route et le mauvais comportement de certains d'entre eux découragent plusieurs clients. Il faut ajouter à cela, l’absence de texte réglementaire lié à ce moyen de transport. En effet, aucune mesure étatique ne reconnaît ou n'approuve l’activité exercée par ces motards dans le pays. Pour plus de disciplines, il serait souhaitable d’exiger le port du casque par le motard et le client mais aussi l’immatriculation de chacune de ces motocyclettes.

En attendant ces textes, les taxis-motos gagnent du terrain et sont actuellement le moyen de transport en commun le plus utilisé au quartier Jacques-Opangault. Les habitants de cette fraction n’ont pas le loisir de choisir leurs moyens de déplacement. Pour cause, les voies ne sont pas praticables pour tout type de véhicules.

Appelé du nom d'un ancien homme politique congolais des années 1950 et 1960, le quartier Jacques-Opangault est dans un enclavement total. Bordé à l'est de Brazzaville par les montagnes de Ngamakosso, à l'ouest par la rivière la Tsiémé et le quartier Nkombo-Matari, au nord par les montagnes de Massengo et le quartier Domaine, au sud par le quartier Mikalou, Jacques-Opangault, est au hit-parade des quartiers les plus difficiles d'accès à Brazzaville.

Pour s'y rendre, il faut user des qualités d'un athlète de 100 m ou bien accepter de se mouiller en trempant les pieds dans la rivière Mikalou. L'avenue des ambassadeurs, seule voie de circulation viable, n'est pas encore aménagée et électrifiée.

Avant les taxis-motos, des véhicules de particuliers dénommés "Coller la petite", pour la plupart de seconde main, étaient la seule alternative de transport pour les habitants de ce quartier. À défaut des surcharges, ces pick-up devaient dompter le sable qui entrave la circulation de plusieurs véhicules. À ce triste tableau, il faut ajouter l'insécurité grandissante. Certains témoignages font état de viols, vols, braquages et attaques à mains armées avec, à la clé, des meurtres décriés.

Même constat au quartier Domaine

Un peu plus loin, au quartier 906 Hypo manianga (domaine), dans le 9e arrondissement de Brazzaville, des citoyens ont adopté la même démarche. À la place des motocyclettes, les conducteurs de ce secteur usent de véhicules des particuliers. Ils mettent à la disposition des clients des voitures 4x4 de diverses marques, afin de faciliter tant bien que mal le transport des biens et personnes dans cette zone.

Là-bas aussi, les routes ne sont pas adéquates. Le sable et les courbes causés par les érosions mettent à mal les véhicules qui tentent d’arpenter cette zone. Au risque de voir leurs voitures abimées, les chauffeurs de bus n’empruntent pas cet itinéraire. Ceux qui acceptent de le faire ne se soucient pas de leurs véhicules et dépensent des sommes considérables en réparation, disent-ils.

Toutefois, sans ces chauffeurs de voitures personnelles, les habitants du quartier Domaine seraient eux aussi obligés d’emboîter le pas de ceux de Jacques-Opangault, c’est-à-dire user des qualités d'un athlète de 100 m pour contourner les courbes et dompter le sable. Au cas contraire, il faut débourser 250, 300 ou 500 F CFA, pour avoir accès aux véhicules mis à disposition par ces chauffeurs.

Que ce soit à Jacques-Opangault ou au quartier Domaine, les habitants font face à de grandes difficultés de transport et d’insécurité. La plupart se demandent quelles sont les raisons qui font que les pouvoirs publics soient si désintéressés par le sort de ces quartiers et leurs habitants.

Durly Emilia Gankama

Légendes et crédits photo : 

Photo1: Des motards parqués au rond-point Mikalou à la tombée de la nuit Photo2: Des voitures personnelles à usage commun dans leur parking du marché de Soprogi

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