Voir ou revoir : « Mignonnes » de Maïmouna Doucouré

Jeudi 5 Août 2021 - 19:59

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Le monde d’aujourd’hui dominé par le multiculturalisme laisse à voir un brassage, tantôt positif, tantôt négatif. En partant de ce constat, la réalisatrice sénégalaise Maïmouna Doucouré pose à travers « Mignonnes », le problème de l’hypersexualisation des pré-adolescents et du poids des traditions.

Poignant et saisissant, « Mignonnes » est aussi un film joyeux et coloré qui invite largement à réfléchir sur la société d’aujourd’hui en proie aux phénomènes de tous genres. En 1h 35min, le film suit la vie de la jeune Amy, 11 ans, résidant en banlieue parisienne et issue d’une famille musulmane. Un jour, la jeune adolescente découvre un groupe de danseuses appelé « Les Mignonnes ». Captivée, elle décide de rejoindre la bande et s’initie au twerk, une chorégraphie sensuelle où la danseuse doit considérablement secouer ses hanches et fesses. Un choix motivé par le désir de s’échapper du bouleversement familial.

L’histoire d’Amy pourrait être celle de n’importe quelle jeune ou même adulte confronté à un déséquilibre existentiel et qui pour y échapper se jette dans l’inexploré. Pour son cas, Amy se situe entre deux mondes : celui de la culture musulmane et sénégalaise d’une part, et celui de la société moderne et le choc des cultures en Occident de l’autre part.

Au fil du scénario qu’elle a soigneusement écrit, Maïmouna décline le chamboulement de la vie d’Amy en mêlant et revisitant à souhait différents genres biens connus. Du teen-movie au film danse, en passant par le thriller et le documentaire sociologique. De façon globale, « Mignonnes » fait l’autopsie d’une génération égarée en pointant du doigt une société contradictoire et malade. Quel que soit le pays ou la tradition d’un peuple, pour Maïmouna Doucouré l’hypersexualisation demeure un égarement pour la jeunesse qui pris dans ce cocon ne mesure sa valeur que par rapport à son apparence : maquillage, habillement, cheveux, gestuelle, fréquentation, succès sur les réseaux sociaux, etc.  

L’influence des réseaux sociaux, voilà un autre contribuable à la perte d’identité de la jeunesse. « Mignonnes » fait donc un plaidoyer pour inculquer aux jeunes que tout peut être copié, mais tout n’est pas bon à copier. Chaque peuple a sa culture et, en cela, elle doit en être fière. Combien même elle souhaite explorer les cultures d’ailleurs, elle doit le faire avec modération. A titre d’exemple, la scène où Amy se lisse les cheveux avec le fer à repasser et s’habille toute sexy en vue de cumuler des milliers de « J’aime » sur les réseaux sociaux et être appréciée dans son lycée, traduit en parallèle le malaise d’une jeunesse qui ne s’assume pas et lance un cri d’alarme face à ce complexe sans cesse grandissant.

Notons que ce film est le résultat de près d’une année d’enquête et le récit d’une partie de la vie de sa réalisatrice qui en est à son premier long-métrage. Tous les témoignages recueillis par Maïmouna Doucouré lui ont permis de construire ce film au plus près de la réalité, avec une aspiration constructive en vue d’une perspective d’espoir. Sa réussite repose aussi en majeur partie sur son casting avec des jeunes actrices épatantes dans leurs personnages.  

« Mignonnes » fait débat

Si la sortie de Mignonnes, l’an dernier, avait suscité une vague de polémiques sur les réseaux sociaux à cause des scènes trop opposées auxquelles étaient soumises ses jeunes actrices, sa réalisatrice estime que faire semblant du danger que courent plusieurs jeunes aujourd’hui contribuerait à laisser grandir le mal. « L’hypersexualisation est un fait et de nombreux adolescents découvrent la sexualité plutôt qu’on ne le pense », ne cesse de clamer Maïmouna.

Néanmoins, ce qui est à craindre avec la diffusion de ce film c’est la mauvaise récupération des scènes et leur influence sur certains adolescents. Le mieux serait donc que les pré-adolescents et adolescents regardent un tel film avec des adultes qui pourront leur expliquer la portée du message véhiculé dans l’œuvre. Aux adultes de prendre du recul pour contribuer à réduire le phénomène d’hypersexualisation dont parfois ils sont à l’origine, à cause de leur manque de vigilance dans l’éducation des plus jeunes.

« Je pense qu’aujourd’hui, ça devient difficile de ne pas ouvrir les yeux sur cette réalité. Ce film est un cri d’alarme. Quels outils donne-t-on à nos enfants pour se construire ? Politique, système éducatif, parents et artistes, l’action devient urgente. Dans la transition de l’adolescence à la vie d’adulte, les parents sont tenus de maintenir le dialogue avec les enfants pour ne pas que ceux-ci se laissent entraîner par tous ce qu’ils voient de malsain hors de la maison », confiait Maïmouna au magazine Africavivre.

Merveille Jessica Atipo

Légendes et crédits photo : 

L’affiche du film/DR

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