Aide au développement : une enquête du « Guardian » accuse la Grande-Bretagne de financer des projets de luxe en Afrique

Mardi 13 Mai 2014 - 14:47

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Selon une enquête du Guardian, une partie de l’aide au développement britannique contribue plutôt au financement de centres commerciaux ou d’hôtels de luxe à l’île Maurice

Pour le journal, l'aide au développement britannique finance aussi le luxe. Une branche d’investissement du programme d’aide au développement britannique, le CDC aurait investi plus de 260 millions de dollars dans plus de 44 sociétés de construction et immobilière en Afrique, en Amérique latine et en Asie, dont au moins 20% des bénéficiaires seraient des hôtels, des centres commerciaux ou encore des entreprises de construction ou de gérance de quartiers résidentiels sécurisés et de propriétés de luxe, affirme le Guardian.

Auparavant appelé Commonwealth Development Corporation, le CDC affirme que ces investissements vont créer des milliers d’emplois pour les classes sociales les plus pauvres, notamment dans le secteur de la construction et des services. Or certaines ONG britanniques remettent en cause le principe de soutenir l’immobilier haut de gamme avec des fonds destinés à l’aide au développement.

Quelques exemples en Afrique

À Lagos, au Nigeria, par exemple, l’hôtel Protea, qui propose des chambres à 400 dollars la nuit, aurait reçu des financements d’aide au développement, d’après le Guardian. Un projet de centre commercial est également en cours à Abuja, la capitale. À Nairobi, au Kenya, 25 millions de dollars auraient été investis dans un complexe de 13 hectares. Baptisé Garden City, le projet comprend des centaines d’appartements haut de gamme, un hôtel d’affaires, ainsi que le plus grand centre commercial d’Afrique orientale, poursuit le Guardian. À l’île Maurice, ce sont plus de 24 millions de dollars qui auraient été transférés vers un promoteur de projets destinés aux classes les plus aisées. Ces projets comprennent notamment un village au bord de l’océan avec des villas au front de mer à partir de 500 000 dollars la propriété, et un pensionnat élitiste. Le CDC investit également au Ghana et en Zambie, mais toujours dans des programmes élitistes.

Or le budget britannique consacré au développement fait l’objet d’un examen de plus en plus poussé depuis que ce pays a atteint son objectif de consacrer 0,7% de son revenu nation brut à l’aide au développement. Le directeur du Mouvement pour le développement mondial, Nick Drearden, a accusé le gouvernement de promouvoir un certain type d’aide au développement « clairement marqué idéologiquement, parfaitement inégalitaire et hautement financiarisé qui aide les grosses entreprises plutôt que les personnes ordinaires ». « Si vous vivez dans un bidonville à Nairobi, voir l’argent destiné à l’aide au développement injecté dans des projets de construction d’appartements de luxe est tout simplement une insulte », a-t-il dit.

Un porte-parole du CDC a défendu la politique d’investissement de l’agence, expliquant que le CDC collaborait avec des chercheurs et des économistes engagés dans l’aide au développement pour identifier les secteurs les plus créateurs d’emploi. Selon lui, le secteur de la construction « a été identifié comme prioritaire étant donné qu’il est celui qui crée le plus grand nombre d’emplois non ou peu qualifiés qui sont traditionnellement accessibles aux personnes les plus démunies dans les pays en développement ». Le CDC fait partie intégrante du Département du développement international britannique. En investissant dans les sociétés privées, le CDC qui a pour seul et unique actionnaire, le DfID, affirme vouloir réduire la pauvreté dans les pays en développement, ses investissements sont comptabilisés comme des aides.

L’opposition a remis en cause ces investissements de « très haut gamme » en Afrique. Le secrétaire d’État à l’Aide au développement, Jim Murphy, a rappelé que « le CDC a été fondé en vue de contribuer à la croissance et réduire la pauvreté [et qu’il] est difficile de comprendre comment le financement d’appartements et de résidences sécurisées de luxes peut être la façon la plus efficace de remplir ces deux objectifs ».

Le CDC a rétorqué que sa mission était de soutenir la création d’entreprises en vue de générer des emplois en Afrique et dans le sud de l’Asie. Ce qui serait le cas selon lui, affirmant que ses investissements assurent des emplois à plus d’un million de personnes à travers 1 301 projets commerciaux parmi les pays les plus pauvres du monde. Dans le secteur de la construction, selon CDC, ses investissements assurent l’existence de 9 000 emplois directs.

« Chaque investissement est le produit de décisions qui incombent entièrement au CDC, et le gouvernement a fixé des règles strictes qui exigent la création d’emplois, le développement économique et la réduction de la pauvreté parmi les pays en développement », a rappelé un porte-parole du CDC. En outre, l’organisme affirme ne pas avoir reçu de moyens supplémentaires du Trésor depuis 1995 et déclare investir grâce à la vente d’anciens investissements.

Noël Ndong