Interview. Alexis Bolenga : « La prise en charge des patients du cancer demeure préoccupante »

Jeudi 3 Février 2022 - 17:59

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Chaque année, à Brazzaville et Pointe Noire, le Congo enregistre environ 1050 nouveaux cas de cancer diagnostiqués. La question de la prise en charge des patients atteints de cette maladie reste alarmante car elle est l’un des obstacles liés à la guérison complète du patient. Docteur cancérologue au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville, Alexis Fortuné Bolenga nous en dit plus dans cette interview.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Docteur, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Alexis Fortuné Bolenga (A.F.B.) : Je suis Dr Alexis Fortuné Bolenga Liboko, cancérologue au CHU de Brazzaville et enseignant au grade de maître-Assistant à la Faculté des sciences de la santé de l'Université Marien-Ngouabi.

L.D.B.C : Que pouvez-vous nous dire sur le cancer ?

A.F.B. : Le cancer est une pathologie complexe s'inscrivant à ce jour sur la liste des maladies non transmissibles. Ce n'est pas seulement une maladie des Européens, mais elle touche tout le monde sans différence de race, de sexe, d'âge et de rang social.  Les taux de guérison de cette maladie sont plus élevés lorsqu'elle est diagnostiquée précocement. D'où l'intérêt de faire le dépistage des lésions précancéreuses afin de les traiter et réduire l'incidence des cancers, pour ceux qui peuvent être dépistés.

L.D.B.C : Comment se manifeste-t-elle ?

A.F.B.: Cette pathologie n'a pas de signe précis et ne fait pas mal au début. On sait que le Congolais attend d'avoir mal pour se rendre à l'hôpital. Lorsqu'un cancer commence à faire mal, cela signifie qu'il est déjà très avancé. D'où l'intérêt de consulter lorsque l'on remarque certaines modifications de son corps. Je vais vous donner quelques symptômes qui peuvent justifier une consultation auprès d'un cancérologue. Il s’agit des douleurs inexpliquées ; des problèmes respiratoires ou de la bouche ; des problèmes digestifs ou urinaires, saignements et des changements ou manifestations physiques (modification de la forme d'un sein, perte de poids inexpliquée, nouveau grain de beauté…).

L.D.B.C : Que pouvez- vous nous dire sur la prise en charge des patients cancéreux ?

A.F.B. :Il n'y a pas de prise en charge définie comme telle. Les patients atteints de cancer se prennent en charge eux-mêmes, aidés de leur famille. La plupart des malades qui viennent nous voir sont des gens démunis, sans revenu fixe alors que la mise en place diagnostic pour un cancer lambda peut faire autours de 250 000 F CFA et le traitement moyen est estimé à 120 000 F CFA. Ce n’est donc pas facile. Si le gouvernement arrivait à prendre en charge tous les patients cancéreux, à faire que le traitement du cancer soit gratuit, cela réduirait de beaucoup le taux de mortalité que nous avons aujourd’hui sur le cancer. Il y a un partenariat entre l'Etat congolais et certains laboratoires pour apporter quelques médicaments gratuitement aux malades, mais ce n'est pas suffisant, en plus, nous nous heurtons avec des ruptures fréquentes de stock.

L.D.B.C : Le Congo est-il suffisamment outillé pour faire face à cette maladie ?

A.F.B. : Je ne dirai pas suffisamment, il y a un minimum, mais beaucoup reste à faire. Aujourd'hui, le traitement du cancer a beaucoup évolué, faisant appel à des bio médicaments, mais il faut un préalable pour bénéficier de ces traitements. En plus, l'un des maillons dans le traitement des cancers est obsolète. Je parle ici de la radiothérapie qui occupe une place importante dans le traitement des cancers.

L.D.B.C : Quelle  est la forme de cancer est la plus répandue au Congo ?

A.F.B. : Au Congo, selon le Globocan 2020, les cancers les plus fréquents sont ceux du sein, de la prostate, du col utérin, du foie et de l'estomac.

L.D.B.C : Entre les hommes, femmes et enfants, lesquels sont les plus touchés et pourquoi ?

A.F.B. : Il y a des cancers qui ne sont observés que chez la femme par rapport à leur anatomie, pareil pour l'homme. Mais pour les organes qui sont présents dans les deux sexes, le sex ratio dépend du type de cancer. Il y en aura de ceux qui auront une prédominance masculine comme pour le poumon et celui du colon ; mais par contre une prédominance féminine est observée pour le sein. Les cancers des enfants ne sont pas aussi fréquents que ceux des adultes. Les enfants présentent des cancers embryonnaires aisément curables par chimiothérapie à des stades localement avancés.

L.D.B.C : Que pouvez-vous nous dire sur les statistiques actuelles ?

A.F.B. : Le nombre de nouveaux cas de cancers augmente chaque année, mais sous-estimé car nous n'avons que les statistiques de Brazzaville et Pointe-Noire. Les autres départements sont potentiellement touchés, mais nous n’avons pas les statistiques à ce sujet. A Brazzaville et Pointe-Noire, nous avons environ 1050 nouveaux cas de cancers diagnostiqués chaque année.

L.D.B.C : Y a t-il un centre de référence dédié à la lutte contre le cancer ?

A.F.B. : Non, il n y a pas de centre. Mais dans certains hôpitaux comme le CHU de Brazzaville, l'Hôpital de Makélékélé, l'Hôpital militaire, il y a des services de prise en charge des cancers.

 

 

 

Propos recueillis par Gloria Lossele

Légendes et crédits photo : 

Dr Alexis Fortuné Bolenga/ Adiac.

Notification: 

Non