Un cran de plus vers une guerre mondiale

Jeudi 17 Décembre 2015 - 15:15

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La communauté internationale s’organise contre l’Etat islamique (Isis ou Daech), désormais élevé au rang d’ennemi public N°1 mondial.

Sur ces colonnes, nous écrivions, il y a quelques jours que c’est désormais la guerre : après des mois où tous les noms ont été employés pour désigner (et peut-être masquer) le terrorisme de l’Etat islamique (EI), les nations finissent par admettre qu’il faut se résoudre à la guerre. Bombarder des positions en Syrie et en Irak ; s’en tenir à des attitudes (altitudes ?) pacifistes et traiter les dossiers ( terrorisme et immigration) comme  s’ils n’avaient aucune corrélation, sont un non-sens. A la décharge des états-majors, il faut reconnaitre que les expériences irakiennes et libyennes n’incitaient pas à renvoyer des soldats américains ou européens sur ces théâtres d’incandescentes opérations.

Mais d’attentats médiatisés en graves mutilations du patrimoine mondial, sans oublier les spectaculaires décapitations d’innocents et les évidents dénis de liberté, il a bien fallu se rendre à l’évidence. La guerre n’est pas de civilisation, mais elle est bien là, diffuse et généralisée à la fois horrible et attrayante pour une jeunesse orpheline de causes révolutionnaires. Pourtant, ce que le pape François qualifie de «troisième guerre mondiale par fragmentation » attendait encore de recevoir le label indiscuté de guerre. Car un attentat à Bamako, un enlèvement de paysans à Maiduguri (Nigéria) pouvaient, jusqu’ici, difficilement avoir un lien organique avec les violentes expulsions de familles chrétiennes de la région biblique de Ninive en Irak, la destruction spectaculaire de vestiges artistiques sans prix à Palmyre, en Syrie, ou des attaques inouïes contre une jeunesse innocente au Bataclan, à Paris, en France.

Et puis, soulignaient les experts  militaires, une guerre suppose des armées nationales ou en coalition contre une ou plusieurs autres armées d’un pays, d’un Etat. Or, l’ennemi diffus de l’Etat islamique avait un nom à lui mais pas une désignation consensuelle. Ce sont les services secrets allemands qui viennent de sortir le monde  de l’incertitude sémantique. « Décrire l'EI comme une organisation terroriste, c'est minimiser le problème », estime Hans-Georg Maassen, le patron des services de renseignement allemands. « L'EI est une formation s'apparentant à un Etat et qui veut mener une guerre contre nous », juge le spécialiste allemand. Voilà une autre étape franchie : désigner l’ennemi sous les traits d’un Etat qui s’étendrait de Ninive à Bamako. Cela justifie donc une organisation des Etats.

Comme pendant la deuxième guerre mondiale, le monde est désormais sur le sentier de guerre, sur la logique du « eux ou nous ». Le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, a eu mercredi des entretiens à Bagdad sur les progrès de la guerre contre l’EI. A Washington, le président américain, Barack Obama, avait déclaré en début de semaine que les efforts militaires contre l’EI devaient s’intensifier, être « plus rapides ». En conséquence : Ramadi, région irakienne à l’est de Bagdad, a reçu une pluie de bombes alliées en onze frappes en une seule journée. Irak et Syrie accueillent désormais une variété d’armements sophistiqués : missiles de croisière russes ou français, avions furtifs américains ou chasseurs britanniques qui fondent sur les cibles de l’Isis dans la région. En attendant les forces terrestres.

L’effort se poursuit donc et s’intensifie : les Etats-Unis ont décidé de retirer 12 avions de combat de leur base d’Incirlik, au sud de la Turquie pour les repositionner tout en y maintenant une présence qui est loin d’être indifférente. Le (re) déploiement des armements lourds s’accompagne aussi d’une réelle volonté politique internationale pour « y aller plus carrément ». L’Italie, jusque-là réticente face aux frappes massives en Irak ou en Syrie, s’apprête à envoyer 450 militaires de son armée autour du barrage de Mossoul, source d’eau et d’électricité stratégique en Irak, dans une région devenue le fier point d’expansion de l’Etat islamique.

Mais le plus spectaculaire est que les pays arabes sunnites de la région, longtemps regardés avec suspicion pour leur relative passivité, ont, eux aussi, décidé de prendre le taureau par les cornes. Avec la « bénédiction » d’Al-Azhar, la prestigieuse institution de l'islam sunnite basée au Caire, l’Arabie Saoudite a réussi à constituer une coalition de quelque 34 nations pour « combattre le terrorisme militairement et idéologiquement ». Cela est d’autant plus important que cette entrée en jeu a été tenue secrète jusqu’à mardi, prenant tout le monde de court.

Les 34 pays appartiennent au Moyen-Orient, à l’Afrique, à l'Asie ; ils sont tous membres de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) basée à Djeddah, en Arabie Saoudite. On annonce que dix autres pays, dont l'Indonésie, le premier pays musulman du monde par sa population, pourraient se joindre ultérieurement à cette coalition. « Le terrorisme a frappé les pays musulmans. Il est temps que le monde musulman prenne position », estime le chef de la diplomatie saoudienne, Adel Al-Zubeir. Même son de cloche à Al-Azhar qui « demande instamment à tous les pays musulmans de rejoindre cette coalition pour combattre le terrorisme qui commet des crimes horribles sans discrimination ». La guerre est donc là, et le clan du bien n’est pas délimité aux seuls contours de l’Occident ou du christianisme comme veut le faire accroire les brigands de Boko Haram.

Lucien Mpama

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