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Attention, les médias de Kinshasa incitent à la violence !

Lundi 5 Mai 2014 - 2:39

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À la radio, à la télévision et dans les journaux, les éditoriaux diffusés à Kinshasa depuis le lancement à Brazzaville, le 4 avril, de l’opération de police « Mbata ya Bakolo » font de la haine leur travers favori. Non seulement la presse de la RD-Congo relaye les propos attentatoires au bon voisinage développés par des personnalités politiquement en vue – des députés, en l’occurrence –, mais elle prend tragiquement parti dans un débat qui gagnerait à être mené avec responsabilité.

Il va de soi que des agents de police mal intentionnés, peut-être moyennement formés, n’ont vu dans la mise en œuvre de Mbata ya Bakolo qu’une occasion propice pour brutaliser, humilier, extorquer des biens ou se livrer à des exactions inacceptables sur des citoyens de RDC expulsés pour séjour irrégulier à Brazzaville. Sur ce point, la réaction des autorités de la police a été immédiate, rigoureuse, puisque près d’une vingtaine d’entre eux pris en flagrant délit ont subi des sanctions allant jusqu’à la radiation. Cette démarche dénote de la volonté de mieux encadrer le déroulement de cette opération.

Il est vrai aussi que pour des familles du Congo-Kinshasa, installées pour certaines de longue date à Brazzaville, un rapatriement plus ou moins forcé cause une véritable angoisse, que voir de jeunes enfants innocents être contraints de suivre leurs parents parfois après de longues heures d’attente dans des sites de passage est insoutenable. Mais dans le cas précisément des raisons qui ont motivé le déclenchement de cette opération de police, citons le soulagement des victimes d’expéditions sanglantes menées dans des quartiers de Brazzaville par des bandits de grand chemin, dont certains venaient de Kinshasa.

Brazzaville et Kinshasa étant mitoyennes, on a pu observer depuis la rive droite du fleuve Congo comment la police de la RD-Congo, dans ce qu’elle avait appelé il y a peu l’opération « likofi », coup de poing en français, donnait force à la loi d’en imposer aux kulunas qui écumaient Kinshasa et ses environs. Des organisations de défense des droits de l’homme dans la capitale de la RDC s’étaient élevées d’ailleurs contre les exécutions extrajudiciaires. Ici également, les Kinois, malmenés par ces terroristes d’un genre nouveau, avaient exprimé leur soulagement. Cela pour dire qu’à Brazzaville, comme à Kinshasa, ici comme ailleurs, les effets de la violence gratuite sont ressentis de la même manière.

Qui peut interdire à la presse de dire ce qu’elle pense d’une situation jugée alarmante ? Personne, a priori. Mais qui peut croire que ce que l’on écrit, ce que l’on rapporte à la radio ou à la télévision, sur un ton démesurément haineux, sert l’intérêt général ? Seule l’expérience professionnelle peut répondre à la dernière question. Ce qui paraît être une constante est le fait qu’à chaque montée de tension entre les deux Congo, Kinshasa la médiatique a toujours vite fait de sortir de ses caches un arsenal de propos injurieux pour discréditer le « petit » Congo qui se mesurerait impunément au « grand » Congo. Sans savoir que sur le strict plan de la taille, tous les pays du monde, comme tous les êtres humains, se valent, qu’ils mesurent 2 ou 10 millions de kilomètres carrés, qu’ils pèsent 25 ou 200 kilos.

Appeler le gouvernement de Kinshasa à chasser systématiquement les Congolais de Brazzaville, en situation régulière ou non ; assimiler le rapatriement des Congolais de Kinshasa vers leur pays à un génocide ; inonder la presse kinoise de commentaires xénophobes inspirés par la seule volonté d’en découdre, voilà qui expose les journalistes à des poursuites pour incitation à la violence. Voilà qui ne les distingue pas de ceux que l’on devrait s’abstenir de prendre pour des collègues, ces éditorialistes de la radio rwandaise des Mille Collines qui emportèrent par l’irrationalité de leurs propos près d’un million de leurs concitoyens dans le génocide de 1994. Les dernières semaines ont malheureusement rapproché certains professionnels de la presse de RDC de ces prédateurs inaudibles depuis vingt ans. À l’époque, évidemment, ceux-là croyaient bien faire.

Soixante-douze heures après la célébration dans le monde entier de la Journée internationale de la liberté de la presse, le 3 mai, il paraît opportun d’inviter les confrères de Kinshasa à se départir de cette rage à détruire la bonne entente qui a toujours caractérisé les relations entre les deux Congo. Ne perdons pas de vue qu’entre Brazzaville et Kinshasa, le besoin d’échanger et de communiquer est plus fort que nos plumes, nos micros et nos caméras. Il est plus fort que les diatribes de celui ou celle qui, haut placé dans l’hémicycle ou dans l’administration du pays, n’a pas appris à contenir une volubilité démodée, susceptible de semer un trouble irréparable.

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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