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L’article 75 fait des petitsVendredi 6 Juin 2014 - 0:45 Il s’agit ici du mortifère article 75 de la Constitution de 1992 qui stipule : « Le président de la République nomme le Premier ministre issu de la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale. » C’est clair et limpide. Mais cet article donna lieu à de fumeuses interprétations, dictées par un juridisme forcené, qui conduisirent le pays dans une terrible crise institutionnelle. Pour sauver ce qui ne doit pas être sauvé, la Constitution de 2002, certains s’arcboutent sur ses articles 57, 58 et 185 avec une mauvaise foi évidente, comme en 1992. Une émission de télévision peut-être fade, déplaisante, fadasse, fastidieuse, désagréable, monotone, ennuyeuse, assommante, à dormir debout, fatigante, pesante, mortelle, agaçante, énervante, insupportable, révoltante, répugnante, repoussante, nauséabonde, etc. Cette litanie de mots pour qualifier une mauvaise émission, c’est ce que l’on appelle le fétichisme des mots, c’est-à-dire le fait d’aligner des mots qui renvoient à la même signification. Cet excès de matériel signifiant est la redondance. C’est un travers qui existe aussi dans d’autres sphères. Il en est ainsi, en droit, du fétichisme des articles. Il est courant, dans ce domaine, d’entendre énumérer des articles pour défendre une cause subliminale, souvent la peur du changement. Parfois, un seul article, déclamé indéfiniment, suffit pour cela. L’article 75 de la Constitution de 1992 donna lieu, en son temps, à des ratiocinations sophistes et spécieuses qui entraînèrent le Congo dans une crise sans fin. L’intelligence est incompatible avec la passion et les partis-pris. La distance, seule, permet à l’intelligence de ne pas s’égarer dans les méandres de la déraison. « Dans l’âme forte d’un sectaire, toute conviction devient secte, affirme Alphonse de Lamartine. C’est ce qui produit le fanatisme, ce délire de la vertu. » J’ai suivi avec effarement, il y a peu, sur une chaîne étrangère, une émission sur la Constitution de 2002. Une mauvaise émission où les arguments, en forme d’apostasie, étaient d’une innommable médiocrité. Néanmoins, j’en ai retenu une chose. Le fétichisme des articles. Dans le cas de cette émission, les articles 57, 58 et 185 de la Constitution de 2002 sont revenus en boucle, sans réelle pertinence. Les protagonistes étaient pourtant d’accord sur un point : cette constitution est mauvaise, de plus elle n’a jamais été appliquée. Ce qui revient au même. Elle n’est pas appliquée parce qu’elle est mauvaise, peut-on dire. C’est le sort commun des constitutions, depuis la fin de la Conférence nationale souveraine. On s’en est rarement ému. Sans faux-fuyant, allons à l’essentiel. La Constitution de 2002 est mauvaise. Des ministres désinvoltes, des députés dépités et impuissants, c’est le spectacle alarmant que nous offrent régulièrement les questions orales au gouvernement, miroir de la débilité de cette constitution. Devons-nous continuer à voir nos députés ainsi humiliés par des ministres qui paradent sans être inquiétés le moins du monde ? C’est peu de dire que ce spectacle est révoltant. Ces questions orales au gouvernement, dévoyées, sont la partie visible des faiblesses intrinsèques d’une constitution qui doit être changée pour permettre à la démocratie de retrouver sa dynamique. L’harmonie des institutions est en panne et dans un cul-de-sac. Dans l’esprit et la lettre de la Constitution de 2002, des prérogatives, excessivement concentrées au sein d’un pouvoir au détriment des deux autres, aboutissent à une aporie et attentent à la démocratie. Tout le monde l’admet. Tout le monde reconnaît aussi au peuple le droit de voter une constitution. Il faut lui reconnaître, dans le même élan, le droit de la modifier ou de la changer. Récemment, « les citoyens islandais, comme les Hongrois, ont expliqué leur volonté de revoir la constitution de leur pays par leur insatisfaction vis-à-vis du fonctionnement des institutions, des modes d’action des politiques, et des décisions qu’ils prenaient », ils ont approuvé leurs nouvelles constitutions par un référendum. Si l’« insatisfaction vis-à-vis du fonctionnement des institutions » n’est pas un prétexte ou un motif suffisant pour changer la constitution, alors c’est à désespérer des hommes politiques congolais. « L’Islande et la Hongrie, deux histoires qui témoignent de la schizophrénie dans laquelle le système démocratique est pris aujourd’hui. Les démocraties contemporaines sont en effet au cœur d’un surprenant paradoxe : en tant que système politique, la démocratie jouit d’un soutien hégémonique et apparaît universellement attractive. La réforme hongroise a été proclamée au nom de la défense de la “démocratie hongroise”. » En ce qui concerne le Congo, au milieu d’un embrasement logorrhéique, ne sacrifions pas le pays au fétichisme des mots pour l’ambition de quelques-uns. Il faut gérer cette question en politique, comme en Islande et en Hongrie, et non en politicard. Mfumu Edition:Édition Quotidienne (DB) |