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Baisse des cours du pétrole : trois questions au professeur Désiré MandilouSamedi 3 Janvier 2015 - 11:00 Désiré Mandilou, professeur d’économie, est aujourd’hui économiste en chef de l’African advisory board, Think-Tank dédié à la rationalisation des choix de politique économique en Afrique. Il revient pour Les Dépêches de Brazzaville sur la chute drastique des cours du pétrole qui a perdu près de 50% de sa valeur les six derniers mois. Entretien. L’OPEP joue d’habitude le rôle de régulateur des cours du brut en ajustant sa production à la demande mondiale. Or dans des déclarations récentes le ministre saoudien du Pétrole, Ali Al-Naimi, a laissé entendre que son pays n’avait pas l’intention de baisser sa production laissant augurer des prix durablement bas. Leurs réserves financières leur permettraient de supporter des prix bas pendant deux ans. Qu’en est-il pour le Congo ? Cela s’avèrera plus difficile pour le Congo de pouvoir supporter une baisse des cours sur le long terme. Nos excédents budgétaires des années précédentes étaient avant tout le résultat de jeux d’écriture comptables, plutôt que des réserves avérées logées dans un fonds souverain par exemple. Toutefois, nul ne peut dire à l’heure actuelle que les prix vont se maintenir à des niveaux bas sur une longue durée tant il y a de considérations géostratégiques qui rentrent en ligne de compte pour la fixation des prix du pétrole. Les Saoudiens peuvent avoir intérêt à ce que les prix demeurent à un niveau bas afin de gêner le développement des capacités de production de pétrole non conventionnel, notamment de gaz de schiste, par les États-Unis qui étaient l’un de leur plus gros acheteurs de brut. Il peut y avoir également une connivence entre les alliés américains et saoudiens pour maintenir les cours à la baisse afin d’affaiblir la Russie, l’ennemi géostratégique. Mais il est difficile de prévoir à deux ans voire six mois ce que sera le prix du baril. La chute des cours du pétrole a déjà eu pour conséquence des dévaluations en Russie et au Nigéria. Le fait pour le Congo d’appartenir à la zone CFA peut-il s’avérer finalement protecteur pour notre économie ? La diminution du cours du pétrole est concomitante avec une baisse de 11% de l’euro face au dollar depuis l’été. Le Franc CFA étant rattaché à l’euro par une parité fixe, nous avons subi également une dépréciation du CFA face au dollar de même ampleur, 11,6% au 4ème trimestre 2014. La dépréciation est bénéfique lorsqu’un pays possède un système de production diversifié. Elle permet de stimuler la demande extérieure en diminuant le prix des produits à l’export. Dans le cas du Congo, les variations de change sont difficiles à exploiter en raison d’une structure productive trop peu diversifiée. Nous avons en effet une économie dont le PIB est influencé quasi-exclusivement par les ventes de matières premières, essentiellement le pétrole. À court terme, la dépréciation du CFA aura un effet mécanique de renchérissement de nos importations, non compensé à moyen terme par un surcroît d’exportations. L’appartenance à la zone Franc ne nous protège de rien du tout. L’État congolais vient de voter un budget dit « d’austérité » et les prévisions de croissance pour le pays ont été revues à la baisse. Que peut-on craindre pour notre économie ? Dans les pays importateurs, la chute des cours du pétrole est synonyme de baisse des coûts de production. Cela se traduit par des gains de pouvoir d’achat, en raison des multiples canaux de transmission existants dans les économies développées. Cela stimule la consommation, c’est-à-dire l’activité économique. Le Congo est un pays exportateur, la baisse des cours du pétrole sera d’abord synonyme de baisse des ressources financières. Par ailleurs je ne suis pas en mesure de dire que cette baisse des ressources au niveau global pourra être tempérée au niveau microéconomique des citoyens par une baisse du prix de l’essence à la pompe, du pétrole lampant, de la course de taxi, etc. J’ignore en effet si les produits raffinés vendus sur le sol national sont entièrement raffinés sur place ou non. Bref, en dehors de l’instrument budgétaire, les autres canaux de transmission de la conjoncture internationale dans l’économie nationale sont peu clairs. Il y aura certes une décélération de la croissance, mais nous n’avons pas à la craindre. Tous les pays du monde subissent à des degrés divers la volatilité des cours du pétrole. Il faut simplement prendre cette conjoncture difficile comme une opportunité de développer la résilience de l’économie nationale aux chocs extérieurs. Quel enseignement peut-on tirer de ce « choc pétrolier » à l’envers ? En fait la leçon qu’il faudrait tirer de cette dernière péripétie du cours du pétrole est d’ordre méthodologique. Les prévisions de recettes budgétaires devraient toujours se baser sur le prix du pétrole le plus bas des cinq dernières années soit calculer un cours moyen sur les cinq dernières années. Quand les cours s’envolent, on dispose de marges budgétaires exceptionnelles. Quand ils chutent, les ajustements budgétaires ou révisions de dépenses ne concernent que la différence entre deux « plus bas historiques ». Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou |