![]() Interview. Tony Bolamba : « Ce n’est pas le moment de semer le désordre d’esprit »Lundi 9 Février 2015 - 15:45 De passage récemment à Kinshasa, le président du Mouvement pour le Congo (Moco) a commenté l’actualité politique avec les Dépêches de Brazzaville. Au menu : les dernières manifestations de l’opposition, le processus électoral, l’opération « Sukola 2 » contre les FDLR, la loi électorale, etc.
Tony Bolamba : J’ai toujours vécu les évènements qui se passent au pays avec beaucoup de calme et de prudence. J’estime que si l’on veut apprécier avec impartialité et objectivité une situation, on doit se garder à faire primer les émotions. S’il y a des manifestations non autorisées du genre de celle qui s’est passée dernièrement, le gouvernement a certes le droit de réprimander, mais il doit à tout prix chercher à recréer la confiance. Dans le cas d’espèce, certains compatriotes ont perdu leur vie. La confiance entre gouvernants et gouvernés a-t-elle été restaurée ? C’est la question que je me pose aujourd’hui avec un peu de recul. LDB : Les opposants dénoncent la chasse à l’homme initiée par les autorités à leur encontre depuis ces évènements. Qu’en dites-vous ? TB : Comme je l’ai toujours dit, en Afrique, personne ne peut diriger en écartant les autres. Nous sommes des États composés des mosaïques d’ethnies et de peuples. D’où, pour mieux gérer politiquement dans ce continent, il faut avoir le sens de l’ouverture et d’écoute. Je pense qu’au stade actuel, nous gagnerons en cultivant un esprit d’apaisement. Ce qui impose, de la part des décideurs, des attitudes républicaines. LDB : Francis Kalombo a été contraint à l’exil pendant que Vital Kamerhe est rattrapé par la justice... TB : Dans le cas Kamerhe, l’on peut beau argumenter que la justice peut toujours suivre son cours malgré l’arrangement à l’amiable conclu entre les parties en présence, je pense que le moment n’est pas indiqué pour faire chauffer inutilement les esprits. À l’approche des prochaines échéances électorales, la population congolaise me paraît très tendue. Ce n’est pas le moment de faire du désordre d’esprit. Concernant Francis Kalombo, je pense même que notre justice a été un peu clémente vis-à-vis de lui puisqu’il a usurpé la nationalité congolaise qui reste une et exclusive, c’est-à-dire qu’elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre. La Constitution n’autorise pas, en outre, tout détenteur d’une nationalité étrangère de faire de la politique. En tant que tel, Francis Kalombo a fonctionné dans l’illégalité. Il est redevable vis-à-vis de la République pour des émoluments perçus illégalement comme député national durant les neuf années passées dans les deux dernières législatures. LDB : En retirant de l’article 8 de la loi électorale la fameuse incise qui posait problème, ne pensez-vous pas que le Législateur a vu juste ? TB : Gouverner, c’est prévoir, dit-on. Que les initiateurs de cette loi électorale n’aient pas prévu que certaines des dispositions qui y sont contenues poseraient problème, je trouve cela irresponsable. Car, depuis décembre 2014, la tension sociale n’était pas bonne dans le pays. Les manifestations récemment décriées étaient le fait de la population et l’opposition n’a fait que les canaliser. C’est la résultante d’un ras-le-bol longtemps contenu et qui requiert actuellement que l’on ouvre des échanges pour entrevoir des élections réellement apaisées. À situation exceptionnelle, des réponses exceptionnelles, dit-on. Échanger ne veut pas dire qu’on va dialoguer dans la perspective de former un énième gouvernement. Le sujet électoral sera au centre des préoccupations. J’exhorte les uns et les autres à ne considérer que l’intérêt de la Nation. Car pour nous, le plus important, c’est d’aller à l’essentiel, c’est-à-dire, aux élections. D’où la Ceni doit tout faire pour boucler à temps son calendrier afin de permettre la tenue des scrutins. LDB : Peut-on dire que le débat sur la révision de la Constitution est clos ? TB : J’ai échangé avec les leaders de l’opposition et j’ai adhéré à leur vision consistant à faire respecter les lois de la République. J’espère qu’on va trouver un cadre apaisé pour avaliser le fait que la Constitution est sacrée. Je crois que le chef de l’État qui avait déjà pris l’option de ne pas toucher à la Constitution, comme en témoigne une interview qu’il a accordée à Jeune Afrique dans son édition du 25 juin 2007, tiendra sa parole. LDB : Quelles chances accordez-vous à l’opération « Sukola 2 » lancée contre les FDLR ? TB : Les FDLR, c’est d’abord un problème rwandais. Nous n’en sommes que des victimes collatérales. Mon regret, c’est qu’à chaque fois que la RDC est confrontée aux rebellions ou aux sécessions, la communauté internationale prône toujours le dialogue comme unique alternative alors qu’elle tergiverse à imposer le même schéma au Rwanda. Nous ne pouvons pas continuer à gérer les humeurs de la politique inter rwandaise. C’est au régime de Kigali de prendre ses responsabilités. LDB : Un mot sur le Moco… TB : Nous nous focalisons sur les élections. Nous nous préparons en conséquence. Dans les prochains mois, j’organiserai des rencontres pour sensibiliser un peu sur le sens de la République. J’irai à la rencontre des enfants, des jeunes et des vieux pour essayer de leur inculquer les valeurs républicaines qui passent aussi par la sauvegarde du bien commun.
Alain Diasso Légendes et crédits photo :Tony Bolamba |