Piraterie : sept Somaliens devant la cour d’assises de Paris

Mardi 29 Mars 2016 - 11:00

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Le procès de ces prévenus, débuté le mardi 29 mars, se poursuivra jusqu’au 15 avril prochain. Les sept hommes sont jugés pour avoir attaqué en 2011 le voilier d’un couple plaisanciers français : le mari, Christian Colombo avait été abattu et jeté à la mer, alors qu’Evelyne sa femme, enlevée par les pirates, sera finalement libérée par des militaires espagnols.

Selon une source proche du dossier, ces pirates poursuivis pour détournement de navire ayant entraîné la mort, sont passibles de la réclusion à perpétuité. Notons pour votre gouverne qu’en début septembre 2011, Christian et Evelyne Colombo, un couple originaire de Toulon avait tout vendu pour accomplir un rêve : faire le tour du monde à la voile. Ils avaient quitté le port d’Aden au Yémen, à bord du « Tribal Kat », leur voilier, en direction du sultanat d’Oman, une zone où les attaques de pirates sont fréquentes, mais malheureusement, cinq jours plus tard, leur catamaran de 16 mètres lança un appel de détresse lorsque surgit dans leur sillage un skiff somalien. Des hommes lourdement armés montent à son bord.

De passage au large des côtes du golfe d’Aden, un navire de guerre espagnol détecte le 10 septembre, une embarcation suspecte : c’était celle du couple varois. Les membres de l’équipage espagnol tentent d’approcher, mais font volte-face lorsque des pirates exhibent Evelyne Colombo, en la menaçant d’une arme. Les militaires espagnols seront obligés de donner l’assaut. Il en est résulté la mort de deux pirates alors que les autres furent arrêtés. Plus tard, une frégate allemande trouva le voilier, mais il n’y avait personne à bord. Le catamaran était néanmoins criblé de balles et les lunettes du skipper, Christian Colombo, baignaient dans une mare de sang. Evelyne  Colombo a vécu  deux jours de cauchemar aux mains des pirates, cachée sous une bâche, trempée par les vagues, menacée. Elle racontera après que le corps de son  mari a été jeté à la mer. Il n’a jamais été retrouvé.

Les pirates somaliens poursuivis par la justice française sont âgés de 25 à 32 ans. Lors des interrogations, ces hommes se disant policiers, chauffeurs de taxi ou porteurs ou encore pêcheurs, ils ont assuré que les deux pirates tués lors de l’assaut, Shine et Abdullahi Yare, sont respectivement chef de l’expédition et son adjoint. Ce qui correspond à ce qu’ont révélé les enquêteurs qui ont fait savoir qu’Abdullahi Yare était vraisemblablement le tueur. Malgré cela, il a été confirmé que tous les pirates étaient animés  par la même « volonté collective » d’attaquer des bateaux et de réclamer des rançons pour les équipages.

En attendant l’issue que prendra le procès, l’un des pirates, comme certains d’autres jugés précédemment, a développé en prison une pathologie  psychiatrique qui pourrait compromette son procès. Toutefois, cela ne pourra nullement remettre en cause sa responsabilité au moment des faits. Pour l’heure, Il n’est pas certain que tous les accusés pourront comparaître.

Une échéance cruciale abordée avec beaucoup de difficultés, selon Maître Martin Pradel

Expliquant ce qui s’était passé, Martin Pradel qui défend l’un des pirates a dit : « Au début, la victime va faire un geste qui va être mal compris par, certainement, l’un des pirates qui va lui tirer dessus et le tuer. Son épouse qui est sur le bateau ne va pas voir exactement la scène mais va évidemment comprendre ce qui s’est passé. Et la prise d’otages va durer ensuite plusieurs jours. Pendant plusieurs jours, elle va être dans un huis clos total ». « La difficulté qui va être celle de la Cour d’assises, c’est que l’évidence de la souffrance de la victime s’oppose à la complexité de la situation de ces pirates », a estimé Me Martin Pradel.   

Pour l’avocat de l’un des accusés, pour que ces accusés soient bien jugés, « il faudra que la cour comprenne de quel enfer ils viennent », allusion faite à la guerre et la faim qui sévissent dans leur pays. « La situation de ces jeunes Somaliens est très difficile. Ils sont détenus en France depuis quatre ans dans des conditions qui sont pour eux, très, très compliquées (…). Ils abordent cette échéance cruciale avec beaucoup d’inquiétude, beaucoup de souffrance », a-t-il souligné. « Et c’est vrai que, lors de ce procès, on va surtout parler de la souffrance vécue par les victimes et cette situation va devoir amener la cours à se pencher très scrupuleusement, sans haine. Il va falloir se débarrasser peut-être de certaines émotions pour essayer de comprendre les raisons qui ont conduit à ce drame », a poursuivi Me Martin Pradel. L’avocat s’est dit pleinement conscient de la « douleur » des parties civiles, dont la veuve et les deux filles du couple. Ce procès est le dernier de quatre affaires de piraterie jugées à Paris ces dernières années.

En dehors de l’opération de piraterie menées par les ces somaliens, il y a eu d’autres dans le golfe d’Aden. En avril 2008 par exemple, le voilier de croisière le « Ponant », à son bord 30 personnes, dont 22 de nationalité  française, était attaqué de nuit par des pirates somaliens. Les intéressés, équipés  de fusils Ak-47, avaient pris des otages qui furent libérés le 11 avril contre une rançon au cours d’une opération conduite par des hommes du GIGN français et du commando de marine Hubert. Les pirates  seront arrêtés peu après et la rançon récupérée. La même année, le voilier « carré d’As » d’un couple de français, les Delanne, fut été attaqué par des pirates dans le golfe d’Aden puis libéré après l’assaut des forces spéciales françaises.

Notons que si la Somalie reste ravagée par la guerre, la piraterie au large du pays est en nette décrue, grâce surtout à l’opération militaire « Atalante » de l’Union européenne, qui court jusqu’à fin 2016.

 

 

 

 

 

 

 

Nestor N'Gampoula

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