Interview. Olivier Tshimanga : « C’est comme si l’histoire de la musique congolaise s’arrêtait là »Mardi 26 Avril 2016 - 18:00 Désormais très sollicité par les médias, notamment TV5 et France 24, Olivier Tshimanga ne se contente pas de parler de Papa Wemba avec regret. En effet, on apprend aussi du guitariste d’interpréter à l’occasion celui qu’il tenait pour un père tel qu’il le témoigne dans cette interview exclusive accordée aux Dépêches de Brazzaville la soirée du 25 avril, un jour après sa mort subite sur le podium du Femua, le festival des musiques urbaines d’Anoumabo, à Abidjan.
Les Dépêches de Brazzaville : Pouvez-vous nous parler des circonstances de votre rencontre avec Papa Wemba ? Olivier Tshimanga : Papa Wemba m’a contacté vers 2005, si ma mémoire est bonne, pour l’album Bazonkion. J’ai participé à la réalisation de la chanson Pénitence. C’est cela qui m’a ouvert les portes de la rumba congolaise et m’a permis d’être découvert par les mélomanes congolais. LDB : Quel a été le rebondissement de ce premier contact ? Pourriez-vous nous en toucher un mot ? OT: Ensuite, nous avons fait le New Morning, le fameux concert acoustique qui a encore donné du level à ma carrière. Il y a eu par la suite Ye te oh, Belle inconnue, dont je suis l’auteur-compositeur, As de mon cœur, N’Djamena, Ma Rosa, Mobembo, etc., et plusieurs tournées dans Molokaï. LDB: De tous les souvenirs, quel est le meilleur de votre collaboration avec Papa Wemba ? OT: Le meilleur souvenir reste le moment où je lui faisais chanter Belle inconnue ou Piano bar, comme il aimait à l’appeler. LDB : Quelle est votre chanson favorite de toutes celles que vous avez réalisées ensemble ? OT : Ma favorite, c’est Pénitence. LDB : Y a-t-il une parole, une conversation qui vous reste gravée à l’esprit ? OT : Il me disait toujours que j’avais tout ce qu’il faut dans mes doigts. Que le monde parlera un jour haut et fort de moi si je savais m’en servir. Et il ajoutait encore que quand on se connaît bien soi-même, on a plus besoin de rien forcer. Tout viendra à point nommé. LDB : À quand remonte votre dernière conversation avec Ekumani ? OT : Notre dernière conversation nous l’avons eue deux jours avant sa sortie d’hôpital ici à Paris. Moi, je me préparais pour ma tournée au Mali. Il m’a rassuré que tout allait bien. Je lui ai dit à mon tour : « Papa, ta place n’est pas à l’hôpital ». Ce à quoi il a répondu : « Ne t’inquiète pas ! ». Par ailleurs, j’avais un projet auquel je voulais l’associer. J’attendais qu’il se rétablisse et vienne poser sa voix dans mon studio. LDB : À quel projet comptiez-vous l’associer au juste ? OT : Je tenais à ce qu’il intervienne dans mon prochain album, Espoir. J’avais pensé à un duo pour le titre éponyme. C’est bien dommage ! LDB : Quelle était devenue la nature de vos relations au fil du temps, vous avez affirmé que vous le teniez pour plus que l’artiste qu’il était ? OT : Papa Wemba était plus qu’un artiste pour moi. Il était devenu un père. Je remarquais qu’il me parlait comme si j’étais son fils biologique. Ses conseils étaient pertinents et en ce jour, je ne regrette pas de les avoir suivis tous. Il aimait beaucoup mes imitations. Particulièrement, celle de la voix de Madilu, il en était mort de rire. Et ensemble nous rigolions, mais grave. LDB : Madilu n’était pas le seul. Il vous arrivait aussi souvent de l’imiter lui comme lors de votre concert à Kinshasa. Comment réagissait-il face à cela ? OT : Quand il m’entendait, il disait aux gens : « Mutu naye eningana ! ». Mais il adorait ça. En fait, une fois, il m’a surpris en train de le faire pendant les balances au New Morning. J’imitais et sa façon de s’adresser au public lors des concerts et sa façon de chanter. Il était au fond de la salle et il rigolait, mais grave. Et je l’ai entendu dire pendant qu’il riait encore : « Mutu naye eningana ! ». LDB : Quel est votre ultime regret à la suite de ce départ inattendu ? OT : Je regrette de ne pas avoir gardé de lui un enregistrement inédit. Mon plus grand regret c’est que maintenant le temple est vide. Le maître est parti. C’est comme si l’histoire de la musique congolaise s’arrêtait là. Propos recueillis par
Nioni Masela Légendes et crédits photo : Olivier Tshimanga Notification:Non |