Interview : Roger Nkodo Dang : « Bien former les électeurs pour éviter les conflits post électoraux »

Samedi 11 Juin 2016 - 14:00

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Le président du Parlement panafricain, Roger Nkodo Dang a, au terme d’une visite de travail à Brazzaville, donné le point de vue de son institution sur la situation post électorale au Congo-Brazzaville. Dans une interview à la presse locale le 8 juin, Nkodo Dang a insisté sur la nécessité pour l’Afrique de faire une démocratie des idées et non une démocratie des hommes. Il a ensuite apprécié le dynamisme du Congo dans la ratification des instruments juridiques de l’Union africaine avant de reconnaitre que la tendance à la modification des constitutions observée dans plusieurs pays du continent est bien légale.

         Peut-on connaitre l’objet de votre visite à Brazzaville ?

C’est une visite de travail qui s’est transformée en un conseil, en un directoire. Il s’est agi en fait du panafricanisme. Ce mouvement qui avait été rêvé au lendemain des indépendances par un groupe d’Africains à la tête duquel se trouvait le feu président Nkrumah. Le panafricanisme avait pour objet, une Afrique, une voix, mais les indépendances et certains égoïsmes de notre continent n’ont pas permis la marche vers cet objectif qui était noble.

Je suis donc venu ici pour rencontrer les plus hautes autorités du pays, à la tête desquelles, le sage son Excellence Monsieur le président de la République Denis Sassou N’Guesso qui m’a donné beaucoup de conseils. J’ai été aussi reçu par tous les ministres en charge des départements techniques concernés par les questions liées à la ratification des instruments juridiques de l’Union africaine, à savoir le ministre de la Justice qui est le gage de la souveraineté de l’Etat, le ministre des Affaires étrangères qui est le greffier des conventions internationales et les deux présidents des chambres du Parlement congolais. A l’issue de ces différentes rencontres, j’ai reçu toutes les assurances nécessaires selon lesquelles, la charte de Malabo sera ratifiée lors de la session parlementaire en cours.

                      Que stipule cette Charte de Malabo ?

 Pour essayer d’avancer dans le cadre de l’intégration du continent, l’Union africaine a institué des organes, parmi lesquels le Parlement panafricain qui est le 3è organe. Son siège est en Afrique du sud. Il a été mis en place en 2004 et le Congo fait partie des pères fondateurs de ce Parlement. Il siège comme tout autre Parlement avec un bureau dont je suis le président, quatre vice-présidents, un secrétaire général, deux secrétaires généraux adjoints et toutes les directions et divisions qu’on trouve dans un Parlement.

Au départ, ce Parlement avait reçu un mandat correctif et facultatif. Au bout de cinq ans, il fallait réviser le protocole instituant le Parlement panafricain, et ce travail a été fait par le Congo. Cette révision a abouti à ce qu’on appelle le protocole de Malabo le 27 juin 2014. Cette révision porte essentiellement sur deux articles, à savoir 1a et 8b. Ces deux articles nouveaux confèrent le pouvoir législatif au Parlement panafricain, de sorte que l’institution peut désormais légiférer sur les sujets qui vont lui être soumis par la Conférence des chefs d’Etat.

Le parlement panafricain n’a pas une puissance extracontinentale. Une fois qu’une loi est adoptée, nous la renvoyons dans les parlements nationaux pour ratification, après quoi, les ministres de la Justice l’internalisent dans les droits internes de chaque Etats.

En clair, ça veut dire que nous ne nous considérons pas comme une super structure, mais comme une structure de liaison entre les lois communes à l’Afrique et les domaines dans lesquels nous pouvons légiférer.

Quelle appréciation le Parlement panafricain fait-il de la situation post électorale au Congo Brazzaville ?

En Afrique il n’y a jamais eu une élection sans contestation. La plupart des partis politiques sont des partis des élections et non des partis de la démocratie. Ils n’ont de l’existence que lors des élections et après ils disparaissent. Il nous faut arriver à une démocratie des idées et non une démocratie des hommes, cela nous éviterait les conflits post électoraux.

Nous avons copié le modèle occidental qui veut que le pouvoir s’obtienne par élection, mais on a encore beaucoup du travail en Afrique. Pour amener les gens à la démocratie, il faut leur convaincre à s’inscrire au fur et à mesure sur les listes électorales, leur préparer à voter pour une idée. Il faut en réalité faire un travail de proximité.

De manière générale, le problème de conflit post électoral existe partout. Il s’agit pour nous de bien former les électeurs afin qu’ils puissent voter en âme et conscience et accepter le verdict des urnes.

Au niveau du Parlement panafricain, nous travaillons de sorte que les gens comprennent l’importance de la période préélectorale qui est du reste très importante. Malheureusement en Afrique c’est la période post électorale qui est beaucoup plus visible. C’est là où l’on se lève un matin pour dire qu’on a volé ma victoire.

Comment le Parlement panafricain apprécie-t-il l’attitude de certains Etats qui s’illustrent dans la modification des lois fondamentales ?

Nous ne gardons pas un silence complice sur cette question. Si vous lisez les différentes Constitutions africaines, notamment au niveau des mesures transitoires ou finales, vous constaterez qu’il existe des mécanismes de révision. S’il est prévu que la Constitution peut être révisée à un moment donné, on ne peut pas s’y opposer. Cette disposition est reconnue dans toutes les Constitutions, notamment Napoléoniennes qui sont les nôtres, à la différence des Constitutions anglo-saxonnes.

Nous voulons une Afrique homogène, c’est pour cela que l’Union africaine avait mis en place la Charte africaine de la démocratie et des élections qui est aussi un instrument juridique. Et, la plupart des Etats africains tendent vers cette Charte qui fait obligation à chaque pays d’avoir une institution autonome qui organise les élections.

Pendant les années de l’indépendance, la seule méthode de prise de pouvoir était le coup d’état militaire, mais aujourd’hui, de plus en plus il y a un recul quantitatif.  Ne soyons pas pessimistes, on a donné la place aux élections avec un système qui s’améliore nettement, bien qu’encore butté au manque de développement du continent.

Propos recueillis par Jean Kodila et Jean Jacques Koubemba

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