Média : Wafasso ? A contre-courant des médias en ligne

Vendredi 10 Février 2023 - 11:42

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« Ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison », disait l’humoriste français Coluche. A contre-courant de nombreux médias en ligne ayant fait de la musique leur fonds de commerce, Jubrinss Bayilo représente à sa façon la minorité, celle qui s’élève contre la sous culture.

Au risque de déplaire, on ne peut qu’observer qu’un nombre grandissant de médias en ligne arrimés à la musique urbaine congolaise s’avère être un bourbier où la culture s’enlise au plus profond.  La jeunesse d’aujourd’hui, tel un mouton de Panurge, « follow » le mouvement, c’est la loi du game et il faut s’y résoudre. Pourquoi pas ? Il faut vivre avec son temps.  Parfois, d’autres lumières nous éclairent plus intelligemment sur la musique du 242, comme celle qui nous vient de Guangzhou, ville portuaire au Nord-Est de Hong Kong, sur la rivière des Perles. Là-bas, Jubrinss Bayilo, un Congolais ayant pour bagages un bachelor en gestion de projet web et une licence en chef de projet web, nous propose un autre genre : « Wafasso ? ». Ça va plutôt bien, merci ! « On a voulu se démarquer et faire comprendre que l’on pouvait encore parler de culture sobrement avec des angles choisis pour apporter un plus comme en témoigne notre récent sujet sur le fameux concert d’Extra Musica au Zénith de Paris qui reste le plus grand mystère de la musique congolaise, sans aucune image officielle à ce jour. Malgré nos maigres abonnés, on arrive néanmoins à toucher les mélomanes avertis », explique l’initiateur de cette page administrée depuis Pointe-Noire et Guangzhou.

« Wafasso ? » se distingue par une volonté de creuser un tant soit peu ses contenus et d’appuyer à raison là où ça fait mal. « Notre musique gagne en notoriété mais régresse en qualité. Tout pour les reins, rien pour les oreilles », peut-on lire sur cette page qui décrypte tout autant les travers des médias que ceux des artistes et du public. Chose suffisamment rare pour être ici soulignée, ce récent sujet résolument féministe de Jubrinss Bayilo qui écrit : « Les artistes féminines sont d'abord jugées par l'apparence au détriment de leur talent et c’est sans compter les messages et commentaires désobligeants qui font carrément l'apologie du machisme. Lors des cérémonies des récompenses, elles sont comme cloîtrées dans des catégories glamour, comme si la femme artiste n'intéressait que les regards. Depuis près de 40 ans aucune artiste n'a décroché ni même été proche du trophée tant prestigieux de la chanson de l’année. Et pourtant les Mamie Claudia et autres Pembe Sheiro ont balisé le chemin pour montrer que la femme congolaise avait une place forte dans la culture ».

Entre les lignes, « Wafasso ? » aborde également quelques sujets brûlants comme celui du Bureau congolais du droit d’auteur ou interroge sur la loi Mottom, une loi portant sur le statut d’artiste promulguée récemment par le chef de l’Etat, Denis Sassou N'Guesso, dans l’incroyable indifférence du secteur culturel. Pour autant, Jubrinss Bayilo reste lucide : « Beaucoup de médias participent indirectement à l’élévation du degré d’inculture et de la paresse cognitive des internautes. Il est vrai malgré tout que la musique urbaine reste celle qui communique le plus et est donc source d’actualité. A l’heure où certains administrateurs se comportent comme des rock stars, jusqu’à entrer en conflit ouvert avec certains artistes, Wafasso a pris un parti différent et axé sur toutes les musiques, qu’elles soient variété, jazz, cha-cha, rumba ou musique de recherches, sans oublier les tendances actuelles ». Pour redresser le tir, la faible audience de « Wafasso ? » exprime t-elle la longueur du chemin qui reste à accomplir pour une nouvelle génération de médias en ligne ?

Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Jubrinss Bayilo/DR

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