Justice : procès des accusés du drame du 4-Mars le 6 août à BrazzavilleVendredi 2 Août 2013 - 18:20 Les dix jurés dont six titulaires devant siéger aux côtés de trois juges professionnels ainsi que les quatre suppléants ont été tirés au sort le 2 août, avant de prêter serment devant vingt des vingt-trois personnes incarcérées à la maison d’arrêt de Brazzaville depuis plus d’un an Les vingt-trois accusés dans le cadre du drame du 4 mars 2012 ayant causé le décès de 283 personnes et de nombreux dégâts matériels dans la capitale congolaise seront bientôt fixés sur leur sort. Le procès tant attendu est inscrit à l’ordre du jour de la session criminelle de la Cour d’appel de Brazzaville qui s’ouvrera le mardi 6 août. Cette session, qui sera ouverte au public et retransmise en direct sur certaines chaînes de radio et de télévision, examinera d’autres affaires à caractère criminel. En prélude à ce rendez-vous historique, le président de la Cour d’appel de Brazzaville, Mathurin Bayi, a installé les dix jurés dans leurs fonctions au cours d’une audience ce vendredi en présence des avocats de la défense. Dans son réquisitoire, le procureur général près la Cour d’appel de Brazzaville, Corneille Moukala-Moukoko, a précisé que le rôle des jurés consistera à mener activement les débats, à rechercher les preuves aux côtés du premier président de cette juridiction, en mettant tout leur savoir et leur intelligence en œuvre pour la manifestation de la vérité. Il a aussi rappelé que le serment contenu dans l’article 255 du Code de procédure pénale précise à l’endroit des jurés leurs obligations d’attention, d’impartialité et de respect du secret des délibérations, même après la cessation des fonctions de juré. « La formation du jury de jugement de la Cour criminelle en audience publique est une disposition capitale, et le serment des jurés est une formalité substantielle qui doit, à peine de nullité, être accomplie avant l’ouverture des débats », a-t-il souligné. Selon lui, la procédure que les jurés vont mener repose sur trois principes : l’oralité, la publicité et la contradiction. Le caractère d’oralité de la procédure de jugement découle, a-t-il expliqué, du principe d’intime conviction qui est à la base de l’activité du juge répressif. Il a également indiqué que le juge ne doit former son opinion que d’après les preuves directement et immédiatement soumises aux débats. « L’intime conviction est l’élément fondamental qui distingue le siège du parquet. À l’origine, les détracteurs du système de l’intime conviction disaient que la notion était fondée sur le jugement par des citoyens ignorant les choses du droit qui se prononcent par oui ou non avec pour seul guide leur conscience, pour seule lumière leur raison, et qui n’ont pas à motiver leurs décisions », a ajouté Corneille Moukala-Moukoko, indiquant que l’intime conviction est l’attitude que doit adopter le juré qui doit s’interroger, rechercher, dans la sincérité de sa conscience, quelle impression ont fait, sur sa raison, les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense. Le procureur général est la bête noire des avocats de la défense Le juge et le juré doivent, a-t-il indiqué, répugner profondément à condamner s’ils ne sont pas convaincus de la commission de l’infraction par telle personne. Car c’est à ce niveau qu’intervient la notion de présomption d’innocence chère aux défenseurs des droits de l’homme et dans laquelle s’enracine le doute préalable du juge qui ne peut être vaincu que par la preuve loyalement et contradictoirement débattue devant lui. « Votre département est certes celui de la justice, mais également celui des droits humains. Le parquetier représente lui la société et agit à l’audience en son nom. Il est le principal accusateur qui doit démontrer, preuves à l’appui, la commission des infractions par tels ou tels accusés. Sachez, que le procureur général est la bête noire des avocats de la défense qui doivent coûte que coûte sauver la tête de leurs clients », a rappelé le procureur général. S’agissant de la publicité des débats à l’audience, il déclaré que c’était une formalité essentielle des procédures d’audience qui est, à n’en point douter, une sérieuse garantie tant pour le justiciable que pour la Cour. Quant à la contradiction, il a dit qu’elle était le trait capital dans la procédure. Les parties sont présentes aux débats, produisent leurs preuves et combattent librement les preuves des adversaires. Chaque accusé a le droit d’être assisté par un avocat. Cette assistance est même obligatoire devant la Cour criminelle, et les indigents qui ne peuvent s’offrir les services d’un avocat se le feront commettre d’office par le par le président. « En votre qualité de juré, élément non professionnel mais faisant partie intégrale de la magistrature assise, donc ayant pour fonction principale de juger les affaires à vous soumises à l’occasion de cette session criminelle, vous serez soumis au principe d’indépendance qui domine l’organisation des juridictions répressives. Votre indépendance sera manifestée vis-à-vis du gouvernement, vis-à-vis des autres pouvoirs et autorités judiciaires intervenant dans le procès pénal, mais aussi à l’égard des justiciables », a martelé Corneille Moukala-Moukoko, précisant qu’il était strictement prohibé aux jurés de manifester prématurément leur opinion afin de garantir leur impartialité et empêcher une influence illégitime sur les autres. À la demande du président de séance, deux des vingt accusés présents ont pris la parole pour exprimer leur inquiétude sur la qualité de certains jurés qui pourraient avoir des comptes à rendre à l’un des inculpés. C’est le cas du colonel Marcel Ntsourou qui s’est exprimé en ces termes : « Nous avons fait la guerre dans ce pays, particulièrement dans le Niari, la Bouenza, le Pool. Il y a des gens qui ont perdu des parents et subi des dommages. Si certains des jurés se trouvent dans ce cas, je préfère qu’ils se retirent, car ils ont certains sentiments contre nous. Nous connaissons les Congolais, ils jugeront en leur âme et conscience. » Parfait-Wilfried Douniama Légendes et crédits photo :Photo 1 : Les jurés prêtant serment devant les accusés et leurs avocats. (© Adiac)
Photo 2 : Le premier président de la cour d’appel de Brazzaville entouré de deux juges. (© Adiac) |